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Communauté chrétienne St-Albert le Grand





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14e Dimanche du Temps Ordinaire

5 juillet 2020  


Révélé aux simples; un fardeau léger

Matthieu 11, 25-30

Raymond Latour

            La crise sanitaire que nous traversons a mobilisé tout le discours ces derniers mois, laissant dans l’ombre des sujets comme l’aide médicale à mourir. Le moment n’est peut-être pas propice à relancer le débat, mais pour mémoire, la compassion pour les personnes en proie à des souffrances insupportables était un des grands arguments des tenants de cette nouvelle mesure.   
            La pandémie nous aura révélé que nos choix de société ne sont pas toujours conformes à la compassion que nous professons individuellement. Le traitement des personnes âgées et l’absence de ressources pour répondre à leurs besoins élémentaires ont été fortement décriés au fur et à mesure que le Raymond Latourbilan s’alourdissait dans les Résidences pour aînés et les Centres hospitaliers pour soins à longue durée. Plusieurs autres lignes de faille sont apparues pour nous faire prendre conscience que les personnes les plus fragilisées, les plus vulnérables dans notre société ont été les plus durement affectées par la crise. Heureusement, en réponse, on a assisté à une mobilisation de bénévoles et de groupes communautaires qui ont tenté de pallier cette situation difficile, inédite. Des communautés chrétiennes ont aussi fait preuve de créativité pour rester solidaires des pauvres et des personnes dépourvues d’assistance.      
            Les différentes aides financières sont venues alléger le fardeau des milliers de personnes ou entreprises qui ont subi des mises à pied, des pertes d’emploi ou encore une importante baisse de revenus. Nos gouvernements ont ainsi engagé d’énormes déficits, au point où le retour à l’équilibre financier n’est pas prévisible avant une décennie.          
            Le « poids du fardeau » dont parle l’évangile, nous le connaissons bien. Jésus y répond par la compassion. C’est sans doute le défi qui nous attend collectivement dans la gestion de ce temps ouvert par la pandémie. Il ne faudrait pas se trouver en déficit de compassion.          
            « Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau ». Qui répondra à l’invitation? Ceux-là qui sont immédiatement concernés, toutes ces personnes accablées par le malheur? Oui, elles ont vu en Jésus un véritable libérateur, un sauveur. Elles ont reconnu au cœur de leur existence la présence aimante du Père. C’est après un échec retentissant de sa prédication que Jésus a accédé à cette vérité. Après s’être lamenté sur les villes de Galilée qui sont restées sourdes à sa parole et ont refusé de se convertir, même à la vue de ses miracles, Jésus a comme reçu une illumination. C’est le début de l’évangile d’aujourd’hui. Si l’orgueil des uns, les prétendus sages et intelligents, a provoqué fermeture et endurcissement, l’humilité des autres, les tout-petits, les aura ouverts aux mystères du royaume.
Mais cette vérité évangélique à laquelle Jésus a accédé nous oblige à choisir notre camp. Jésus n’a pas voulu séparer en deux notre humanité : les miséreux, clients de Dieu et les autres. Il la constate, avec désolation. Dans sa louange au Père, il se réjouit pour toutes ces personnes qui ont eu part au royaume. Toutefois, son invitation devrait aussi interpeller tous ceux et celles qui ne se sentiraient pas concernés, les grands de ce monde. Accepteront-ils, se résigneront-ils à cette séparation dont aujourd’hui ils se glorifient?  Vont-ils sanctionner leur choix, se séparer de Dieu en ignorant le monde des pauvres? Ou inversement, en se rapprochant des tout-petits, en partageant leur fardeau, en le faisant leurs, vont-ils entrer dans les secrets du cœur de Dieu?     
Jésus a acquis la conviction que la foi naît d’un cœur pauvre. La pauvreté effective n’est pas pour lui un idéal, mais il constate seulement, à l’expérience, que ce sont les personnes écartées par les sages et les savants qui manifestent le plus d’ouverture à son message. Et bien sûr, Dieu les reçoit, il les bénit en leur donnant une participation à son mystère. Les « grands » -par opposition aux tout-petits- se sont fait piéger par leur désir de puissance, par leur possession ou par leur position dominante. L’évangile laisse soupçonner que ce sont eux qui imposent des fardeaux lourds à porter aux gens de condition modeste. Ils sont en quelque sorte en compétition avec Dieu. Ils veulent régner en maîtres.  Jésus ne prononce sur eux aucune malédiction, mais on peut avancer que contrairement aux petits, ils ne connaîtront jamais le repos. Il n’est pas donné à tout le monde d’être sage et savant, mais Dieu donne à tout le monde d’être petit, de vivre en sa présence comme étant son ami, de l’accueillir comme ce roi humble monté sur un ânon.    
La crise qui nous afflige encore, nous aura appris la souffrance de la distanciation. Elle nous aura révélé l’isolement de plusieurs. Elle nous aura aussi fait comprendre que des emplois jusque-là peu valorisés étaient devenus « essentiels ». Nos repères ont basculé vers une nouvelle compréhension de l’humilité. Nous avons fait ensemble l’expérience de nos fragilités et de notre humanité commune. L’évangile nous invite à aller un peu plus loin, à la découverte de la véritable compassion et à la connaissance du cœur de notre Dieu.     
Jésus, lui qui se décrit comme doux et humble de cœur, nous engage sur cette voie. Les pauvres et les petits auront été pour lui son eurêka missionnaire. Ils lui ont offert une clé de compréhension du dessein de Dieu. Ils sont aussi un guide pour notre mission. La compassion mène à Dieu, et le cœur de notre Dieu rendra le nôtre plus attentif à celui des tout-petits. Voilà la connaissance à poursuivre! Celle-là assurément produit la communion. Tous égaux devant Dieu!      
Bonnes vacances pour tous!