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Communauté chrétienne St-Albert le Grand





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5e Dimanche de Pâques (A)

10 mai 2020

« Qui me voit, voit le Père »

Jean 14, 1-12

Hubert Doucet

 

Hubert Doucet      

L’ouverture de l’évangile proposé à notre réflexion nous place d’emblée en pleine actualité : « Que votre cœur ne soit pas bouleversé. » En ce temps de pandémie, le trouble ne prend-il pas une place importante dans notre vie? Cette dernière est bouleversée par un virus qui déjoue nos savoirs les plus avancés et nos techniques les plus puissantes. Un système de santé que nous considérions comme un des meilleurs du monde déçoit par son incapacité à rejoindre ses Hubert Doucetcibles. On ne sait plus si les actions à venir répondront à la problématique : allons-nous trop vite ou pas assez vite?  Comme dit Thomas : « Comment pourrions-nous connaître le chemin? »  Nous ressemblons, en quelque sorte, aux disciples qui, ce soir-là, ne cachaient pas leur angoisse et leur déception : les choses ne se passaient pas comme ils les avaient envisagées.      
La comparaison entre les deux situations s’arrête-t-elle ici? J’ai hésité avant de répondre. Il est tellement tentant d’imposer de haut des réponses chrétiennes aux situations du monde. Plutôt que de poursuivre avec la comparaison, il est peut-être plus pertinent de nous mettre dans la peau des disciples pour discerner comment ils réagissaient à la catastrophe qui s’annonçait.         
Le compte à rebours était commencé : ils allaient tout perdre, eux qui jusqu’ici avaient cru qu’avec Jésus, c’était le commencement d’un monde nouveau. Ont-ils été trompés? Pour alléger leur déception, certains disciples dont Philippe demandent à Jésus : « Montre-nous le Père et cela nous suffit. » Une dernière preuve, même petite, que notre engagement n’était pas faux, que nous n’avons pas tout perdu : un espoir, une relique en quelque sorte. Et Thomas, lui, l’esprit exigeant, ne se gêne pas pour faire savoir à Jésus son manque de logique : « Nous ne savons pas où tu vas, comment pourrions-nous connaître le chemin? » Les disciples ne vivaient-ils pas une situation de fin de règne où tout est en train de s’écrouler?     
Les disciples sont centrés sur eux-mêmes, sur leur rêve politique, messianique ou autre, plutôt que sur Jésus. C’est le sens de la réponse de Jésus à Philippe : « Il y a si longtemps que je suis avec vous, et tu ne me connais pas, Philippe! » La discussion avec Philippe me paraît être la clé qui nous permet d’éclairer tout cet évangile : « Celui qui m’a vu a vu le Père. » Pour les disciples, croire à ce dernier va de soi, toute l’histoire de leur pays en témoigne. Mais être capables de reconnaître que croire au Père, c’est tout autant croire en Jésus, surtout en un moment où s’écroulent les plus beaux espoirs à son sujet, c’est autre chose.
À poursuivre la lecture du texte, il ressort que Jésus est conscient de la difficulté que peut entraîner sa révélation « celui qui m’a vu a vu le Père ». D’où il ajoute : « Si vous ne me croyez pas, croyez au moins à cause des œuvres elles-mêmes. » Et quelles sont ces œuvres? On peut penser ici aux différentes actions que Jésus a réalisées avant cette soirée et qui ont attiré les disciples vers lui. Dans le cadre de ce dialogue, on ne peut exclure qu’il est aussi question de ce qui va arriver quelques heures plus tard où « la révélation du Père résonne sur la Croix », Jésus témoignant au plus haut point qu’il aime toute l’humanité.        
Si personne ne va vers le Père sans passer par Jésus, cela entraîne que nous ne pouvons aller vers le Père sans témoigner de notre solidarité avec toute l’humanité à la suite de Jésus. Agir comme Jésus, c’est se faire solidaire d’une humanité en crise qui ne sait pas toujours la direction à prendre et qui risque, comme trop souvent, de laisser encore en marge les plus faibles.   
Je retiens de cet évangile que si Jésus est la voie vers le Père, c’est qu’il est en solidarité avec toute l’humanité. C’est sa manière d’être « le Chemin, la Vérité et la Vie. »