Gn 12, 1-4a 2 Tm 1, 8b-10 Mt 17, 1-9
Jésus se déplace avec trois de ses disciples. L’horizon change, comme s’il est maintenant nécessaire de prendre de la hauteur, pour faire face à l’avenir. Jésus poursuit ses rencontres, mais elles risquent de le mettre sérieusement en cause. La transfiguration apparaît comme un événement charnière dans l’évangile de Matthieu. Un aspect particulier de la personne de Jésus se révèle : « son visage devint brillant comme le soleil, et ses vêtements, blancs comme la lumière ». La figure habituelle de Jésus, sa représentation est transformée. À cela s’ajoute la présence de deux personnes. Le premier, Moïse, est à la fois le prophète et le guide, qui conduit le peuple hébreu hors d'Égypte, le libérant de la servitude. Le second, Élie, est la figure d’un précurseur, qui prépare le peuple à la rencontre du Messie.
Ces versets proclamés aujourd’hui permettent d’imaginer un tableau dont les personnages apparaissent sur deux plans différents. Au haut du tableau, Jésus et les prophètes sont rassemblés. L’ensemble des Écritures sont ainsi évoquées par deux prophètes. La présence de Jésus vient transformer la relation avec l’interprétation habituelle, toute tournée vers la reconnaissance du Messie attendu. Au bas du tableau, nous retrouvons les trois disciples captivés par l’événement. Pierre veut s’assurer d’une certaine permanence de cette vision : « Il est bon que nous soyons ici ! Si tu le veux, je vais dresser ici trois tentes, une pour toi, une pour Moïse, et une pour Élie ». Curieusement, à cette demande le ciel répond par des propos assez semblables à ceux rapportés au moment du baptême par Jean : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui je trouve ma joie : écoutez-le ». Au désir de voir la scène perdurer dans le temps, l’accent se déplace sur la présence de Jésus. Sa parole vient remplacer la vue. Nous passons maintenant du sens de la vision à celui de l’audition.
La réponse au souhait de demeurer dans la présence tourne au cauchemar! L’audition ne semble pas suffisante pour satisfaire le désir de prolonger l’expérience. Quitter un univers connu, son pays, ses habitudes, ses manières de pensée, pour un autre, qui relève de l’énigme, ne se fait pas facilement. Les disciples ont besoin d’être soutenus, dans leur recherche du Messie. Nous ne sommes pas différents d’eux : « Que Dieu nous prenne en grâce et nous bénisse », pour sortir de notre peur, nos peurs; du moins, sentir une lueur de lumière au bout du tunnel. L’image que les disciples avaient de Jésus est comme construite d’une autre façon. La lumière se fait dans le contexte de leur vie partagée avec Jésus. La montagne vers laquelle leur regard est tourné vient leur proposer une lumière à accueillir. Au ras des pâquerettes, les disciples sont alors transformés. Il n’y a pas uniquement Jésus qui est transfiguré, mais les disciples le sont également, comme le laisse entendre Jésus qui s’adresse à eux : « Relevez-vous et soyez sans crainte ». À partir de ce moment-là, Pierre, Jacques et Jean sont appelés à faire confiance. Ils seront portés par une présence qui les amène à « écouter » différemment. Leur confiance, bien que s’appuyant sur une vision, les invite à « entendre » les Écritures différemment.
Cette expérience d’une transfiguration réciproque a des conséquences pour nous. Si pour l’Ancien Testament, les personnages qui prennent habituellement la parole sont des prophètes, pour le Nouveau Testament, nous retrouvons des apôtres. À titre d’auditeurs et auditrices de la Parole, nous sommes invités à accueillir les événements de nos vies, à les relire, à la lumière des témoins de la mort et de la résurrection. Notre confiance s’enracine dans ce témoignage. Aux disciples, Jésus proposait un délai : « Ne parlez de cette vision à personne, avant que le Fils de l’homme soit ressuscité d’entre les morts ».
Au cœur de nos nuits, nous vivons dans la confiance en celui qui nous accompagne sur nos routes et que nous reconnaissons par ces mots : « Le Seigneur est ma lumière et mon salut ».