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Communauté chrétienne St-Albert le Grand





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7e Dimanche du temps Ordinaire (A)

23 février 2020

Transformer notre cœur

Lévitique 19, 1-2.11-18                     Matthieu 5, 38-48               

 

Hubert Doucet

 

Hubert Doucet      

À une première écoute, les deux textes qui viennent de nous être présentés semblent tout à fait se rejoindre. C’est du moins l’impression qu’ont d’abord eue les membres de notre équipe en préparant la célébration de ce midi.

Ces deux lectures invitent à être parfaits et saints comme le Seigneur. Dans les deux cas, l’amour du prochain est Hubert Doucetcentral. Et pourtant, à mesure que nous approfondissions ces textes, ils nous paraissaient se positionner à des années-lumière l’un de l’autre. Au point où nous nous sommes même questionnés sur la possibilité de supprimer la première lecture, celle du livre des Lévites, tellement elle nous paraissait soudain loin de l’évangile, quoiqu’on y utilisât des mots semblables. Nous l’avons néanmoins maintenue, car elle nous permettrait de faire ressortir l’originalité étonnante de l’évangile.      

Le premier texte concerne l’assemblée des fils d’Israël. On est à l'intérieur de la famille, on est entre soi. C’est ainsi qu’il ne faut pas haïr ses proches, même si on doit les réprimander s’ils n’agissent pas bien. L’honneur de la famille est, en quelque sorte, en jeu. Aimer son prochain, c’est aimer ses proches. Pour le livre des Lévites, telle est la manière d’agir comme Dieu notre père.

Jésus, lui, prend une tout autre direction, celle de l’extravagance, du dépassement des bornes. Il ne propose pas une conduite raisonnable, fondée sur un principe juridique auquel la volonté individuelle devrait se conformer. À l’époque de Jésus, la conduite raisonnable, celle « Œil pour œil, dent pour dent », constituait un progrès considérable en regard de pratiques plus anciennes fondées sur la vengeance. Avant l’arrivée de la loi du talion, celle de l’équilibre de la punition, les meilleurs ne se faisaient-ils pas une gloire de se venger soixante-dix-sept fois? Nos sociétés modernes ont beaucoup évolué dans la règlementation de la justice, mettant l’accent sur la reconnaissance des droits de chacun.            

Jésus va cependant au-delà des normes de justice, même les plus modernes. Les paroles de l’évangile nous invitent à dépasser une vie sociale construite sur les droits de chacun et chacune. Les exemples que donnent Jésus sont de l’ordre de l’extravagance, de l’hyperbole : tendre l’autre joue à la personne brutale, en donner encore davantage à qui veut prendre mon bien, répondre doublement à une demande d’aide qu’un individu adresse à un quidam.

Le type d’agir auquel Jésus nous appelle est celui de l’accueil et de la rencontre de l’autre, cet autre qui n’est pas mon semblable dont je dois respecter les droits, mais bien le différent, l’étranger, l’ignoré, c’est-à-dire un autre que moi à qui je dois tout, pour reprendre le vocabulaire du philosophe Emmanuel Levinas. Ces comportements que Jésus donne en exemple constituent la perfection même de notre Père céleste.        

Ces paroles de Jésus, je les trouve difficiles à pratiquer. Comment faire dans notre monde où les gens sont rapides à exprimer brutalement leurs désaccords et se hâtent d’exclure de la parole publique les points de vue différents des leurs? Heureusement, j’admire aussi des gestes d’une grande bonté qui ressemblent aux histoires dont témoigne l’évangile de ce midi. Ils me stimulent dans mon engagement. C’est, dans ce contexte, que je me suis mis à penser à Nelson Mandela qui, il y a 30 ans, mois pour mois, était libéré de sa prison après y avoir passé, 10 052 jours consécutifs (27 années), sans en sortir, et dans des conditions qui auraient anéanti la majorité d’entre nous. Ses geôliers cherchaient à le rendre méprisable à ses propres yeux. Tant au long de son séjour carcéral qu’à sa sortie de prison, ses opposants n’ont pas réussi à changer la conviction fondamentale de Mandela : libérer tout un peuple de ses antagonismes et de ses ressentiments pour devenir arc-en-ciel. Le modèle de cette vie s’inscrit très bien dans les trois exemples de comportement que Jésus donne dans l’évangile.    

Aujourd’hui, Jésus nous invite à développer des comportements créateurs qui sortent des normes pour devenir ouverts et accueillants à la diversité des besoins qui se présentent à nous, pour qu’ainsi le printemps éclose sur les méchants et sur les bons.