Vous connaissez les dictons de saison : « Aux rois, les jours avancent d’un pas d’oie, à la Chandeleur, les jours avancent d’une heure ». La fête d’aujourd’hui, la Présentation du Seigneur au temple, est aussi appelée fête de la Chandeleur parce qu’elle célèbre la lumière qui se révèle aux nations, le Christ, le Messie, comme l’Esprit l’a révélé au vieillard Syméon.
Oui, en cette saison, la clarté gagne de plus en plus de terrain. L’hiver a deux caractéristiques : le froid et la noirceur. La marmotte nous dira peut-être combien de temps encore le froid persistera, mais la lumière semble déjà prendre le dessus sur l’obscurité. Il ne reste qu’à attendre les jours plus chauds qui ne manqueront pas d’arriver. Au milieu de l’hiver, nous nous remettons à croire au printemps. Un lien semblable existe entre les deux grands mystères de notre foi, la nativité et la résurrection La présentation de Jésus au temple intervient 40 jours après sa naissance. Noël, c’est la venue de la lumière en notre monde. Pâques réalisera la vision de Syméon : toutes les nations verront la gloire de Jésus qui, par sa résurrection offre le salut aux hommes et aux femmes de tous temps et de tous lieux. Syméon en découvrant la lumière du Christ annonçait le Printemps de Dieu.
Au temps de Noël, des bergers ont reconnu le Sauveur, le Christ Seigneur dans l’enfant de la crèche. Les bergers qui veillaient dans la nuit ont vu se lever une grande lumière. Puis, des mages, venus de très loin, guidés par une étoile mystérieuse, ont été conduits jusqu’à l’Enfant, l’Astre qui illumine tous les peuples. Ils lui ont offert par avance l’hommage des nations.
Mais aujourd’hui, pas de révélation dans le ciel, pas de parole d’ange : la lumière qu’est le Christ vient couronner la recherche de deux vieillards, Syméon et Anne. Une rencontre soudaine, peut-être, mais depuis longtemps préparée. Il n’y a pas de mouvement vers Jésus, c’est lui qui se déplace, lui qui, dans les bras de ses parents, est en sortie et s’offre au monde à travers un rituel prescrit par la Loi.
Il n’est encore qu’un enfant, il ne parle pas, mais déjà, le sens de sa vie s’exprime. Plus tard, toutes ses paroles et ses gestes s’inscriront dans ce don total de lui-même. La lumière qu’a contemplée Syméon restera inchangée : elle ne s’impose pas, elle attire à elle ceux et celles qui cherchent Dieu d’un cœur droit, elle est la paix et la joie des pauvres.
La prophétie de Malachie que nous avons entendue en première lecture se réalise : « Soudain viendra dans son Temple le Seigneur que vous cherchez », « le messager de l’Alliance que vous désirez ». Recherche et désir, ce sont là les attitudes profondes manifestées par Syméon et Anne, la femme prophète. Tous deux l’accueillent dans un débordement de joie : leur espérance est comblée. Ils avaient longtemps attendu celui qui apporterait la Consolation, le salut. Les deux personnages, fort avancés en âge, représentent le peuple de l’ancienne alliance. Avec ténacité, avec persévérance, ils étaient tendus vers le temps nouveau que promettait la venue du Messie. Ce sont eux qui, aujourd’hui, reçoivent l’Enfant et reconnaissent en lui ce Messie attendu. En Jésus, Dieu se donne à qui lui ouvre les bras.
C’est la présentation de Jésus au Temple. Nous sommes au temple, mais nous ne croiserons aucun prêtre, aucun ministre du culte. Ils sont absents. L’élite religieuse qui n’a pas su reconnaître en Jésus la lumière véritable n’y est pas. Rendez-vous manqué. Tous ces gens « consacrés », voués au « sacré » étaient en fait empêtrés dans l’hiver de la Loi et son amoncellement de prescriptions.
Nous en sommes à la première incursion de Jésus au temple. Par sa mort et sa résurrection, il sera lui, le temple véritable, le lieu de la présence compatissante de Dieu, laissait entendre la lettre aux Hébreux (2ième lecture). Avec lui, et en lui, la vie consacrée trouve son sens de vie donnée. Par son amour, il réchauffera le cœur des pauvres, des malades et des pécheurs tous victimes des froideurs des représentants de la Loi. Avec lui, les croyants et croyantes en sortie ne se laisseront plus enfermer dans le sacré, ils dépasseront les limites du cléricalisme pour que le soleil de paix et de justice brille pour tous.
Syméon, homme juste et religieux, Anne qui servait Dieu jour et nuit, et avec eux tout le peuple des pauvres, se réjouissent aujourd’hui de la fidélité du Dieu de l’alliance. Ils étaient dans l’ombre, ignorés, méconnus; les voici resplendissants de lumière. La promesse de Dieu les a guidés, les a soutenus. Le temps du long désir est accompli : au Temple, c’est la rencontre du don de Dieu et de l’espérance de l’humanité. Une bonne nouvelle à proclamer à qui veut bien l’entendre! À tous ceux et celles qui aiment la lumière.
La fête de la Présentation est une fête missionnaire. Parce que la mission exprime le don gratuit de Dieu. Ensemble, nous apprenons la fécondité de la vie donnée.
Elle peut exister, cette fécondité, sans la foi : combien de personnes se consacrent à la recherche scientifique, à l’éducation, aux soins de santé, au service des pauvres, sans aucune motivation croyante. À travers leur engagement, elles expriment le sens de leur vie. Ces personnes se donnent sans compter et accomplissent ainsi leur existence. Leur don a une grande valeur, même s’il n’est pas une réponse explicite au don de Dieu. Quant à nous, baptisés qui voulons suivre le Christ, nous recherchons, nous désirons sa lumière pour en vivre. Après avoir vu son éclat, comment ne pas vouloir la partager? Surtout si nous nous rappelons notre rencontre fondatrice avec cette lumière et combien nous l’avons cherchée et désirée.
Cette irruption de la lumière dans nos vies n’a-t-elle pas été aussi décisive pour nous qu’elle l’a été pour Syméon et Anne? N’est-elle pas le grand événement dans lequel tous les autres trouvent leur sens?
En cette fête de la Présentation, que l’Esprit Saint nous apprenne ou nous réapprenne la fécondité de la vie donnée, qu’il nous soutienne dans notre marche afin que, fils et filles de lumière, nous devenions des témoins de la lumière. Aujourd’hui encore, l’éternelle jeunesse de Dieu s’offre à l’humanité. À nous qui avons connu la lumière qui illumine les ténèbres, il appartient de faciliter cette rencontre. Elle fait notre joie, d’autres l’attendent encore.