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Communauté chrétienne St-Albert le Grand





 

 

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2e Dimanche du Temps Ordinaire (A)

19 janvier 2020

Isaïe 49, 3.5-6            Jean 1, 29-42a

 

« Venez et voyez »   

André Descôteaux 

  
« Viens donc à la messe de 11 heures, tu vas voir : c’est pas mal bon. Une belle communauté. Une liturgie soignée. D’excellentes prédications. En particulier, celles d’un dominicain dont j’ai oublié le nom, mais il est très grand! Viens, vois par toi-même! ». Plusieurs communautés religieuses s’inspirent d’une approche semblable. Elles organisent des fins de semaine appelées justement « Venez et voyez » avec de possibles candidats. Chaque année, durant la semaine de André DescôteauxNoël, il y a un grand happening religieux organisé au Canada (cette année, c’était à Toronto) qui attire des milliers de jeunes et qui s’appelle « Venez et voyez » ou en anglais « Come and See »! La manière de faire de Jésus semble avoir été très féconde! 
           
Notre extrait s’inscrit dans un plus long passage qui est une véritable cascade de ‘Viens et vois’, comme une course de relais où l’on se passe le témoin. Les premiers disciples de Jésus viendront du groupe des disciples du Baptiste. André, l’un de ses disciples, fera, à son tour, connaître Jésus à son frère Simon. Et plus tard, il en sera de même pour Nathanaël. La Bonne Nouvelle se diffuse grâce à des témoins, à travers tous les réseaux existants de parenté, d’affinité religieuse ou de travail. Cela est vrai pour bien d’autres mouvements. Pourtant, cette transmission ne se fait pas n’importe comment. Notre Évangile met bien en lumière la nature du lien qui se tisse entre le Christ et les différents protagonistes ainsi que l’identité de celui à l’origine de tout ce mouvement.           
           
Au départ, une expérience. C’est l’expérience de l’un qui incite un autre à oser la rencontre avec le Christ. Mais elle est différente dans chacun des cas. Si André décide de suivre Jésus après avoir entendu le Baptiste parler de lui comme l’Agneau de Dieu, il l’appellera Rabbi pour ensuite le présenter à son frère Simon comme le Messie. Il n’en parlera pas comme Jean, car chacun est appelé à découvrir Jésus personnellement et, en conséquence, à être rejoint par un aspect de la personnalité de Jésus, qui l’atteint, qui le touche. La réponse à l’énigme Jésus n’est pas univoque. La foi peut se dire de bien des façons non seulement, parce que Jésus est mystère, mais aussi parce que chaque être humain est aussi un mystère.    
           
Cette expérience est fondamentale. Voilà pourquoi le témoin, même s’il joue un rôle irremplaçable, car c’est lui qui présente ou attire l’attention sur Jésus, doit se retirer. Tout doit se passer entre Jésus et le disciple potentiel. Que ce soit Jean ou André, après avoir parlé de Jésus, ils s’effacent. Jean n’essaie pas de retenir André et son compagnon. De même pour André. Il amène son frère à Jésus et ensuite c’est entre Simon et Jésus que tout se joue. Laisser libre! Laisser le courant passer s’il a à passer!           
           
Cette liberté est aussi évidente du côté de Jésus. Contrairement aux récits de l’appel des premiers disciples qu’on retrouve dans les autres évangiles, Jésus n’interpelle personne directement. Pas de ‘venez et suivez-moi, je ferai de vous des pêcheurs d’hommes’. Un simple ‘venez et vous verrez’ qui suit une question elle aussi toute simple, mais combien profonde : « Que cherchez-vous? » En passant, je ne sais pas si vous avez remarqué : ce sont les premières paroles de Jésus dans l’Évangile de Jean. Une question de première importance dans tout cheminement de foi. Que cherchez-vous? Cette question ne s’adresse-t-elle pas à tous ceux et à toutes celles qui, d’une façon ou d’une autre, s’approcheront de Jésus? C’est sans doute la raison pour laquelle l’évangéliste Jean est discret. Il ne nous communique pas la réponse d’André et de son compagnon. Il laisse des points de suspension pour qu’ils entrent en eux-mêmes et prennent conscience du sérieux de l’enjeu. Peut-être, Jean ne présente pas leur réponse pour que nous aussi nous puissions, à notre tour, apporter notre réponse dans le secret de nos vies. Cette question est sous-jacente à tout l’Évangile. Si André, disciple du Baptiste, attend le Messie, qu’attendra Matthieu, le publicain, à sa table de travail quand il rencontrera Jésus. Et ces hommes dans la barque en train de pêcher qu’il appellera? Que chercheront les prostituées, les malades, les pauvres qui viendront à Jésus? Que cherchaient les disciples d’Emmaüs si découragés le soir de Pâques? Comme pour ces derniers, comme pour André, Jésus veut rejoindre chacun, chacune dans le mouvement le plus profond de sa vie pour que commence ce long compagnonnage, ce ‘marcher ensemble’ de toute une vie!          
           
‘Venez et vous verrez’. Tout d’abord, venez! Accepter de se déplacer pour voir! Comme Monique le disait dans la monition d’ouverture « Sommes-nous assez curieux pour voir où il nous mène? Avons-nous suffisamment l’esprit d’aventure pour le suivre? » Toute relation avec le Christ passe par un déplacement qui, éventuellement, devient conversion. Derrière ce « venez » se profile le fameux « quittez » que l’on retrouve dans les autres évangiles. Venez pour voir. Vous vous en doutez bien, il ne s’agit pas d’aller visiter le domicile où Jésus habite, mais d’entrer en relation avec lui, d’établir un contact personnel avec lui, de l’écouter, de converser avec lui, de le connaître plus intimement afin de pouvoir finalement adhérer à lui et de faire cette expérience personnelle, que j’évoquais précédemment. C’est à ce moment qu’André et son compagnon décident de rester avec lui. Ils demeureront pour toujours avec lui. Vous savez combien ce mot ‘demeurer’ est important chez Jean (67 fois dans l’Évangile et les lettres de Jean). Nous le retrouvons tout particulièrement dans cette image de la Vigne que Jésus développe dans le discours des derniers adieux. ‘Demeurez en moi, comme moi en vous’. ‘Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés. Demeurez dans mon amour’. Demeurer, être présent l’un à l’autre, être en profonde communion au point de partager sa vie et de recevoir de lui la vie en plénitude et devenir enfants du Père.         
           
Chez Jean, tout semble se jouer si rapidement. Mais nous savons bien que s’il y a un commencement, il y aussi une suite. Voilà pourquoi même si je pouvais terminer cette homélie en nous invitant à être des témoins comme le Baptiste ou André, il me semble plus important que nous entendions Jésus nous dire : « Que cherchez-vous? » et « Venez et vous verrez ». Il est important aussi que nous entendions le témoignage de Jean de même que celui d’André et de son compagnon.
           
La plupart d’entre nous sommes des disciples du Christ depuis longtemps mais comme me disait mon père maître, « Tu verras, les raisons pour lesquelles tu décideras de rester ne seront peut-être plus celles pour lesquelles tu es entré. » Et il avait bien raison. Cela est tout aussi vrai pour le disciple. Quant à notre témoignage, il viendra tout naturellement. Comme disait si bien saint François d’Assise : « Prêche sans cesse l’Évangile, et, si nécessaire, parle! »