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Communauté chrétienne St-Albert le Grand





 

 

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32e Dimanche du Temps Ordinaire

10 novembre 2019

Job 19,1.23-27a       Jn 14, 1-6        1 Th 4, 13-18

 

Messe souvenir des défunts   

André Descôteaux 

  
      Le philosophe français, Gabriel Marcel, écrivait : " Aimer un être, c'est lui dire : toi, tu ne mourras pas ". Bien sûr, ce mot, " tu ne mourras pas ", les faits le démentiront puisque chacun doit mourir. De ce point de vue, il s'agit peut-être de se faire consciemment illusion à soi-même. Cette semaine, on a rapporté la nouvelle bouleversante qu’un couple uni par 50 ans de vie commune a reçu ensemble l’aide médicale à mourir. Dans un dernier message à son épouse, son mari lui redit son amour et son bonheur d’avoir passé sa vie avec elle. Quant à son fils, il lui souhaite de vivre comme lui 50 ans André Descôteauxde bonheur avec sa conjointe. Ce furent ses dernières paroles.  
        
Que peut bien alors signifier ce « tu ne mourras pas » ? Serait-ce une façon pour celui qui aime d’affirmer son espoir que la fidélité de son amour est plus grande que les faits, plus forte que tout, même la mort.  Mais que reste-t-il ?        
        
« Ne soyez donc pas bouleversés », dit Jésus à ses disciples qui pressentent que Jésus les quittera et que vraisemblablement sa vie se terminera par une mort ignominieuse. « Ne soyez pas bouleversés, vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi ».      
        
Il ne s’agit pas pour Jésus de nier la peur ni la douleur que vivent ses disciples. D’ailleurs, Jésus n’a jamais enveloppé la souffrance des personnes qu’il rencontrait dans des propos lénifiants.  Quand il a croisé la veuve de Naïm, il ne lui a pas servi un sermon sur la patience ou sur la valeur méritoire de la souffrance. Il lui a redonné son fils vivant. Jésus ne nie jamais le sérieux des épreuves des hommes et des femmes. Au contraire. Toujours, il leur ouvre un chemin, dégage l’horizon, en leur demandant de croire.
        
Il fait de même aujourd’hui avec ses apôtres.  Jésus sait que ni lui ni ses disciples ne peuvent échapper au drame qui est en train de se jouer. Mais il les invite à la confiance comme lui d’ailleurs, dans toute cette aventure, fait confiance à son Père.  Il leur ouvre une espérance inimaginable. Non seulement il y a de nombreuses demeures dans la maison de son Père mais il leur promet qu’il reviendra les prendre avec lui et les conduire à la place qu’il leur a préparée.   
        
Préparer une place, que comprendre ? Il me semble qu’en tout premier lieu, Jésus nous dit que cette place nous est donnée. Elle est d’abord et avant tout un don de ce Dieu qui, par amour, nous a créés et qui nous veut auprès de lui pour partager son amour. Ensuite, il nous dit que cette place est aussi son œuvre. Si Gabriel Marcel peut affirmer Aimer un être, c'est lui dire : toi, tu ne mourras pas, nous aurons une place parce que le Christ Jésus dit à chacun de nous : « Je t’aime, toi, tu ne mourras pas, au contraire je t’emmène près de moi afin que là où je suis, tu sois, toi aussi ».   
        
Nous sentons bien dans ces paroles de Jésus que derrière l’image de la place, il y a pour nous un avenir difficilement imaginable qui se profile. Cet avenir est même d’un autre ordre que celui de la seule immortalité : c’est l’éternité. Il ne s’agit pas d’une continuation infinie d’une situation déjà connue mais d’une transformation radicale de ce que nous sommes parce qu’en communion avec celui qui nous prend avec lui, avec son Père, le Dieu de la vie, l’Amour. C’est cela l’éternité!  
        
Redit en quelques mots, « ce qui nous attend est bien plus un au-delà de la vie qu’un pur au-delà de la mort ».  Certes cette nouvelle vie passe par la mort, mais il y a beaucoup plus qu’une simple prolongation temporelle, il y a cet au-delà de la vie, cet au-delà de l’amour qui s’offre à nous.      
        
Mais quelle est donc la valeur de ce que nous vivons, en particulier de nos amours ? Quel rapport entre cette place promise et notre place sur cette terre ? Saint Jean de la Croix nous met sur une bonne piste quand il affirme « nous serons jugés sur l’amour ». Au-delà de l’idée de jugement qui peut choquer, saint Jean de la Croix met le doigt sur l’essentiel : sur ce qui nous habite. Il ne s’agit pas de distribuer les places selon les mérites accumulées par chacun : le plus méritant ayant la plus belle place alors que le malfrat, s’il réussit à passer à travers les mailles du filet, se verra attribuer la chambre de la bonne. Non, il s’agit de la révélation de ce qui nous habite, de la place de l’amour dans nos vies. Comme le dit une belle prière de l’avent : « nous t’aimerons alors de l’amour dont nous avons aimé en cette vie! » 
        
C’est l’amour incarné dans nos vies, l’amour de nos conjoints, de nos enfants, de nos amis, les pardons donnés et reçus, nos engagements pour un meilleur vivre-ensemble, tout ce qui construit la communion, c’est cet amour qui prendra les dimensions de l’éternité. Pour prendre notre place, nous n’arriverons pas seuls car dans nos cœurs plusieurs devront déjà avoir une place. Notre espérance est alors d’être avec eux et avec elles pour l’éternité en Dieu. 
        
La mort reste avec sa brutalité. Personne n’y échappe même pas le Christ mais c’est parce qu’il a pris le chemin de notre mort que son chemin est devenu celui du Ressuscité et qu’il est lui-même notre chemin. La mort restera toujours un mystère mais le Christ nous invite à lui faire confiance et à espérer car il est le chemin qui nous conduit vers un au-delà de vie. Une plénitude insoupçonnée, et vers la réalisation de notre vérité la plus vraie, la plus profonde : l’amour.
        
        
Ce qui se passera de l’autre côté
Quand tout pour moi     
Aura basculé dans l’Éternité…  
Je ne le sais pas !   
Je crois, je crois seulement       
qu’un grand amour m’attend.    
        
C’est vers un amour       
que je marche en m’en allant;    
C’est dans son amour     
         que je tends les bras       
C’est dans la vie    
         que je descends doucement.     
        
Si je meurs, ne pleurez pas,       
C’est un amour     
         qui me prend paisiblement.       
Si j’ai peur… et pourquoi pas ?  
Rappelez-moi souvent, simplement,    
qu’un grand amour m’attend.    
        
Mon Rédempteur va m’ouvrir la porte,
de la joie, de sa lumière.  
Oui, Père, voici que je viens vers Toi. 
Comme un enfant,
je viens me jeter dans ton amour,       
ton amour qui m’attend.  
        
        
Prière attribuée à saint Jean de la Croix