CCSA






Communauté chrétienne St-Albert le Grand





Imprimer

Voir le déroulement de cette célébration

30e Dimanche du Temps Ordinaire (C)

27 octobre 2019

La prière du pauvre traverse les nuées

Si 35, 12-14, 16-18                        Luc, 18, 9-14

 

Hubert Doucet

Hubert Doucet      

Une très belle phrase, elle est tirée de Ben Sira, sert de fil conducteur à notre célébration : « La prière du pauvre traverse les nuées. » Lorsque j’ai fait quelques recherches pour l’homélie, j’ai remarqué que ce n’était Hubert Doucetpas seulement l’équipe de Saint-Albert qui aimait cette parole. D’autres sites la plaçaient aussi en exergue. J’étais bien content, cela allait me faciliter la tâche de préparation de l’homélie. Malheureusement, ces sites ne faisaient que la placer en tête de leur texte, sans vraiment s’y intéresser davantage. J’ai donc dû creuser la pensée de Ben Sira, ce sage juif qui a vécu deux siècles avant Jésus-Christ.

Ben Sira a été en contact avec la culture grecque, ce qui l’a mené à se demander : « Qui est mon Dieu? Qu’a-t-il d’original par rapport aux dieux grecs? » Sa réponse : Il est un Dieu qui aime et se préoccupe de son peuple. Son expérience de Yahvé lui dévoile qu’il se montre impartial tout en ne défavorisant pas le pauvre. Cette simple phrase est déjà tout un programme; son Seigneur est, en quelque sorte, exceptionnel. En effet, tout au long de l’histoire, et c’est encore aussi vrai aujourd’hui, malgré toutes nos affirmations sur l’égalité des droits, les pauvres sont habituellement défavorisés dans l’organisation de nos sociétés.         

Ben Sira ne s’arrête pas là. Son expérience lui apprend aussi que Yahvé vibre aux malheureux, principalement l’opprimé, l’orphelin, la veuve, le pauvre, Ces quatre groupes dont parle la 1ère lecture correspondent à ces personnes qui vivent dans des conditions de grande précarité, comme on dit aujourd’hui. En faisant ma recherche, j’ai appris que le mot précarité et le mot prière ont la même racine latine. Précaire voulait dire dans le droit romain : obtenir par la prière. C’est ici que nous retrouvons notre fameuse phrase : La prière du pauvre traverse les nuées.

Nous trouvons jolie cette phrase, elle a quelque chose de poétique, mais prise hors de son contexte, elle cache l’âpreté de ce que vit vraiment la personne précaire avant d’être entendue. Pour sortir de sa précarité, le faible, le menacé, le fragile n’a souvent que son cri pour être entendu, il ne lui reste que sa persévérance pour que Dieu en vienne à jeter les yeux sur cette personne et lui rende justice. Traverser les nuages, c’est crier assez fort pour que Dieu finisse par écouter. Oui, Dieu écoute, oui, il rend justice, mais quel cheminement la personne précaire ne doit-elle pas parcourir pour y parvenir!

Dans un sens, le cheminement du publicain de l’évangile d’aujourd’hui croise celui de la personne précaire Quel débat intérieur a-t-il dû vivre pour parvenir à cette prise de conscience de lui-même, qu’être humain, c’est aussi être précaire.          

Jusqu’ici, cet homme avait pu imposer son pouvoir, quel que soit le moyen qu’il choisissait. Intimidation, harcèlement, abus verbaux et physiques, rien n’arrêtait les collecteurs d’impôt pour se rembourser plus que généreusement de ce qu’il devait payer à l’autorité romaine. Selon les rabbins, ces collecteurs n’avaient aucune possibilité de repentance et de réintégration dans la communauté.     

Agir comme l’a fait ce collecteur d’impôt, en arriver là où il est maintenant, i.e. être vrai devant Dieu, cela a dû lui imposer tout un cheminement. Cet homme va se couper de son groupe d’appartenance et ne pourra rejoindre une autre communauté. Il se met à distance de sa société. Être vrai devant Dieu le précarise. Faisant le choix d’être vrai, cet homme se tient à distance et espère au plus profond de lui-même que sa prière traverse les nuées. 

Qu’il en soit ainsi pour nous!