Chaque jour, surtout avec l’avènement des nouvelles technologies, nous entendons parler d’histoires de fraude, de vol d’identité, d’abus de confiance. Plusieurs ont encore à l’esprit les révélations de la commission Charbonneau et les diverses magouilles mises à jour. Plus récemment, l’Unité permanente anti-corruption, l’UPAC, la police des polices, a été à son tour sujette à enquête! On a beau être vigilant, personne n’est vraiment à l’abri des délits sophistiqués de ces malfaiteurs. Ils déploient une surprenante ingéniosité!
À peine a-t-on trouvé une mesure de protection, la voici déjouée. Un bris de sécurité sera suivi d’un renforcement, et le jeu du chat et de la souris se poursuit, le plus souvent dans l’impunité pour ces malins qui trouvent à se mettre à l’abri. Détournements de fonds, évasions fiscales, cyber-attaques et arnaques de tous genres, le prophète Amos lui-même serait stupéfait des stratégies mises en œuvre par les pirates informatiques et autres bandits des temps modernes. Ils ont un profond sentiment de supériorité et agissent non seulement comme si Dieu n’existait pas, mais comme s’ils étaient au-dessus des lois.
Dans la première lecture, Amos nous décrivait leurs délibérations. Ils sont impatients d’agir, ils semblent insatiables, toujours à comploter leurs méfaits. On y voit l’intelligence du mal à l’œuvre. Une intense activité de l’esprit qui s’applique à planifier le prochain coup, la « bonne affaire ». Tous les moyens sont bons pour augmenter ses profits, et tant pis si les victimes se trouvent parmi les plus faibles et les plus démunis de la société! Celui qui complote le mal n’a pas d’états d’âme. Il est ciblé sur l’objectif. Il a confiance en lui, ne semblant aucunement douter de son succès. La naïveté et la crédulité des gens l’étonnent et lui donnent toutes les audaces. Personne ne pourra se mettre en travers de son chemin… sinon un prophète de la trempe de Amos qui emploiera tout son ministère prophétique à les dénoncer.
Dans la Bible, le livre d’Amos constituerait la doctrine sociale d’Israël, l’ultime expression de ses valeurs de justice et d’honnêteté. Toute atteinte contre la personne, surtout le droit des plus vulnérables, constitue une atteinte contre Dieu. C’est pourquoi le prophète affirme solennellement au nom de Dieu : « Non, jamais je n’oublierai aucun de leurs méfaits ».
Jésus lui-même était attentif à cette capacité des gens malhonnêtes à trouver toujours de nouveaux moyens pour opérer leurs trafics. Cela lui aura peut-être inspiré la parabole de l’évangile du jour. Un homme est acculé au pied du mur : il a été dénoncé pour cause de mauvaise gérance et le patron lui signifie que son renvoi est imminent. Alors il rumine pour déterminer « la suite des choses ». Situation délicate… périlleuse. Que faire? Que faire? Voilà, notre homme a déjà l’intuition que sa situation réclame une action. Il lui faut agir. Mais quoi faire? Il passe en revue quelques possibilités qui lui viennent spontanément à l’esprit, mais les rejette toutes du revers de la main comme impraticables. Allons! Il faut se creuser un peu plus les méninges. Au terme de cette intense réflexion se produit un « eurêka! » j’ai trouvé! La parabole nous fera ensuite découvrir son idée « géniale » qui consistera à s’accommoder des amis, avec l’argent même du patron, pour affronter les temps difficiles qui l’attendent.
À notre grande surprise, le patron, celui-là même qui a été lésé par la mauvaise gestion de son employé et maintenant par ses procédés malhonnêtes, voilà que le patron fait son éloge! Il vante son habileté! Jésus qui présente cette histoire se fait approbateur, en souhaitant que les fils et filles de lumière sachent déployer une semblable ingéniosité. Comme disait littéralement un vieux missionnaire anglais que j’ai connu au Japon « Servez-vous de votre tête! » « Use your head! »
Oui, c’est vrai, nous pourrions nous « user » un peu plus pour l’évangile. Nous en restons trop à l’assentiment du cœur, à un désir de conformer notre vie aux enseignements reçus, et si possible de les transmettre, au moins par l’exemple. Mais nos forces, nous les employons à venir à bout de nos fins de mois, à répondre aux exigences du travail, à satisfaire aux besoins de nos familles, à venir en aide de notre mieux à ceux et celles qui sont dans le besoin. Nous nous appliquons à faire le bien. Mais, décidément, non, à moins que vous n’ayez à préparer une homélie, nous ne nous cassons pas la tête pour l’évangile! Pour la bonne et simple raison que nous ne voulons pas nous casser la tête avec quoi que ce soit. C’est le cas de l’immense majorité des gens honnêtes.
Curieusement, à ce chapitre, les criminels de tout acabit pourraient nous faire la leçon. Inlassablement, ils songent à ce que sera la prochaine combine. Leurs turbines fonctionnent! Ne parle-t-on pas plus fréquemment du « génie du mal » que du « génie du bien »? Ah! soupire Jésus dans cette parabole, si les croyants et croyantes pouvaient investir la même énergie créatrice! S’ils pouvaient considérer le service de l’évangile comme s’il y allait de leur survie!
Jésus, dans l’évangile, ne nous propose pas de se tirer d’affaires par des moyens malhonnêtes ou encore de s’acheter des amis. N’empêche, la lucidité du gérant, son habileté forcent son admiration. Ne pourrions-nous pas, nous aussi être lucides et habiles… pour le bien?
Mais (faut-il dire « malheureusement? »), nous ne sommes pas sous la contrainte. Nous ne sommes pas pris à la gorge. Nous ne sommes pas poussés dans nos derniers retranchements. La nécessité qui est la mère de l’invention nous laisse en repos! Notre génie est bien peu revendiqué! Nous aurions quelque force encore inexplorée dans notre cerveau droit ou gauche d’enfants de lumière. Qu’est-ce qui pourrait bien les déclencher?
Ce vendredi, il y aura à Montréal une marche pour le climat. La jeune Greta Thunberg en fera partie. Son appel à la mobilisation de la jeune génération pour secouer l’inertie des dirigeants a eu un impact considérable. Face aux défis de la sauvegarde de notre maison commune, qu’attendons-nous pour agir? Allons-nous enfin secouer notre inertie? Déjà une bonne partie de la planète aurait dépassé la cote d’alarme dans le réchauffement climatique. Peut-être réagira-t-on enfin face à l’urgence? Dieu nous fait confiance dans les petites comme dans les grandes choses. C’est à nous de nous ingénier à réaliser son projet que tous soient sauvés. C’est à nous qu’il revient de protéger les pauvres et les faibles contre l’argent malhonnête. C’est encore à nous de répondre à la situation de crise que connaît actuellement notre Église. Comme le gérant de l’évangile, nous avons à bien analyser les problèmes auxquels nous sommes confrontés. Il faudrait y réfléchir… intensément! L’appel de Jésus est clair : « Allons! Enfants de lumière! Soyons lucides et habiles… dans le bien! »