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Communauté chrétienne St-Albert le Grand




 


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5e Dimanche de Pâques (B)

29 avril 2018

Première lettre de Jean 3, 18-24

Évangile selon saint Jean 15, 1-8

Dieu est plus grand que notre cœur  

André Descôteaux 

  
André Descôteaux« Porter », « donner » du fruit. L’expression apparaît cinq fois dans ce cours extrait de l’évangile. Il faut donner du fruit ou bien le sarment est en levé ! J’ai l’impression de me retrouver dans un milieu de travail où le mot d’ordre est : productivité, toujours plus de productivité ! Si ça fait pas, dehors ! Peut-être ma formation déteint un peu trop sur moi, mais je n’ai pu m’empêcher de lire ce texte d’un point de vue économique de production, de rentabilité.

Mais quels sont les fruits que la vigne doit produire ? Le texte ne les décrit pas explicitement. Par contre la première lettre de Jean nous aide à répondre. « Nous devons aimer, nous dit-il, non pas avec des paroles et des discours, mais par des actes et en vérité. » Aimer, appartenir à la vérité, être fidèle à son commandement qui est d’avoir foi en son Fils Jésus et de nous aimer les uns les autres.

En somme trois fruits : croire, aimer, vivre dans la vérité. En croyant, en aimant nous accomplissons le commandement mais aussi nous appartenons à la vérité. Déjà faire la vérité, être vrai, authentique, cohérent, assurer l’unité de sa vie est un très beau fruit mais Jean parle d’appartenance à la vérité. Qu’est-ce à dire ? Jean ne cesse de le dire : Dieu est Amour. Donc si tu vis dans l’amour, tu appartiens à la vérité, à la Vérité avec un « V majuscule ».     

Les fruits que nous sommes appelés à produire sont, me semble-t-il, en contradiction avec la lecture économique que j’ai faite de l’Évangile. Comment produire des fruits d’amour, de vérité de vie par contrainte, par force ? Vous qui avez enseigné ou qui enseignez encore savez très bien qu’un enfant peut, par force, obéir mais le convaincre, changer son cœur est impossible par le simple jeu de l’autorité. Certes l’autorité peut provoquer une prise de conscience, mais elle s’arrête là. Souvenons-nous de cette phrase de François de Sales :
«  On peut attirer plus facilement une mouche avec une cuillérée de miel qu’avec un baril de vinaigre  ».

D’ailleurs l’image de la vigne en elle-même que Jésus met de l’avant comporte bien d’autres soins que l’émondage. Je me souviens d’un vigneron de Champagne qui nous expliquait de long en large tous les soins qu’il devait prodiguer à sa vigne. C’est inouï. D’ailleurs dans les autres passages de l’Écriture où l’image de la vigne est mise de l’avant, on insiste toujours sur la prévenance de Dieu, sur l’attention dont la vigne est l’objet. Demain les novices travailleront à aménager le devant de l’église. Il faudra attendre peut-être jusqu’à trois ans avant d’obtenir le résultat final. Mais dans ce passage de l’Évangile de Jean nous atteignons un sommet. Il ne s’agit plus d’une attention extérieure, mais d’une présence intérieure : « celui qui demeure en moi et en qui je demeure ».

Cette présence de l’un à l’autre n’est pas que pour les mystiques qui la vivent dans un état de conscience très avancé mais c’est pour chacun et chacune de nous. D’une manière négative le Christ nous dit que sans lui nous ne pouvons rien. Je connais des croyants qui recherchent les expériences « affectives », sentir en soi une élévation, un bien-être à la pensée d’être en présence du Christ. Sans être contre, rappelons-nous les fruits dont il est question : non pas sentir que l’on aime mais aimer. Aimer peut exiger quelques fois des actes héroïques qui sont posés sans être porté par une vague d’affection, de sentiment. Et pourtant là est le véritable amour.    

Cette présence de l’un à l’autre produit un autre fruit : la présence des uns aux autres. Non seulement par l’amour qui jaillit de cette présence du Christ en nous mais de la présence du Christ qui nous soude les uns les autres. Nous sommes greffés au même tronc dont la vie circule en nous les sarments. Nous sommes familiers avec l’image du Corps que Paul développe. Jean, lui, préfère reprendre cette comparaison avec la vigne que l’on retrouve dans l’Ancien Testament.  Demeurer dans le Christ, c’est aussi être présent à l’autre, à celui, celle qui est à mes côtés.  

Nous sommes bien loin de la rentabilité, du travail sans âme. Au contraire. Nous sommes dans l’univers de l’amour, de la présence, de l’union avec Dieu et entre nous. Comme le dit Irénée de Lyon « Dieu est devenu ce que nous sommes pour que nous devenions ce qu’il est » : communion.     

Dans cette eucharistie, approchons-nous, nourrissons-nous de cette présence pour que nous soyons présents dans l’amour les uns aux autres et présents dans l’amour à notre Dieu. Ainsi appartiendrons-nous à la vérité et aurons-nous le cœur en paix ! Amen.