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Communauté chrétienne St-Albert le Grand





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La Sainte Famille (B)

31 décembre 2017

Aurélie Labbe

Aurélie Labbe

Gn 15, 1-6

He 11, 8.11-12

Lc 2, 22-35, 39-40

Partir sans savoir où l'on va.

Paul, dans sa lettre aux Hébreux mentionne Abraham qui obéit à l’appel de Dieu. Abraham partit sans savoir où il allait, et se retrouva à la tête d’une descendance aussi nombreuse que les étoiles du ciel.          

Aujourd’hui, nous célébrons la famille. Celle du sang. Celle que l’on ne choisit pas et qui nous concerne tous, même ceux d’entre nous qui se considèrent aujourd’hui sans famille.           
En effet, nous avons tous vécu les neuf premiers mois de notre vie bercés au rythme des battements du cœur de notre mère, en symbiose et dans un abandon total. Cette confiance si naturelle et si pure d’un enfant envers ses parents peut vraiment s’apparenter à la foi. À la genèse de la vie, une foi vierge de toute Aurélie Labbesouffrance, de tout doute et de toute déception, un amour inconditionnel porté seulement par cette vie toute neuve qui ne demande qu’à s’épanouir. Il y a en effet quelque chose de très spirituel et d’une grande beauté dans la naissance d’une famille… D’ailleurs, l’incarnation de Dieu sur Terre n’est-elle pas passée par ce triangle familial et par cette relation mère-fils ?  

Imaginez maintenant un père et une mère attendant l’arrivée de leur premier enfant. Ce peut être vous-même il y a quelques années, ou bien vos propres parents il y a bien longtemps. Ce peut être Marie et Joseph attendant l’arrivée de leur fils, car cette attente d’un enfant reste intemporelle. Il y a probablement toujours eu, et il y aura toujours, une part de peurs et de doutes, mais la naissance d’une famille est avant tout l’expression d’un amour qui surgit du plus profond de nos entrailles, un amour unique qui ne ressemble à rien d’autre que celui porté par des parents envers leur enfant. C’est instinctif, c’est l’expression de Dieu. Car Dieu est amour.  

D’un côté, la foi inébranlable et si pure du petit enfant envers ses parents. De l’autre côté, l’amour instinctif, puissant et animal des parents envers leur enfant. Mais alors, que se passe-t-il ensuite ?          

Pourquoi ce lien affectif si profond a-t-il le pouvoir de faire autant le bien que le mal sur tous ceux qui en font l’expérience ? Pourquoi en tant que fils ou fille, portons-nous autant de jugements sur nos parents ou sur notre éducation ? Pourquoi en tant que parents sommes-nous parfois si exigeants envers nos enfants ? Pourquoi portons-nous tous des blessures de vie reçues au sein de cette relation parents-enfants ? Pourquoi ressentons-nous parfois ce sentiment d’échec en regardant ce que notre famille est devenue ?         



Non, la famille n’est pas un long fleuve tranquille. Fonder une famille est avant tout un acte de foi. Ce père, cette mère et cet enfant unis par le sang qui partent pour un long voyage de toute une vie, sans savoir où ils vont… Il y a les espoirs, les rêves, le désir des parents de transmettre, de donner ce que l’on n’a pas reçu, le désir d’aimer et d’être aimé en retour.       
Il y a les attentes de l’enfant, qui non seulement a un besoin d’amour et de tendresse pour se développer physiologiquement, mais qui a besoin d’être accepté tel qu’il est. Et puis il y a la vie. Cette réalité qui nous rattrape chaque jour. Ces petits deuils quotidiens à faire sur notre propre imperfection, sur ces rêves envolés ou ces espoirs déçus…          

Nous avons évoqué ce matin l’exemple de Marie, qui reçut cette prophétie sur son enfant :

«  Cet enfant provoquera la chute et le relèvement de beaucoup en Israël. Il sera un signe de contradiction et de division – et toi Marie, ton âme sera traversée d’un glaive.   »        

Et oui, la famille est aussi un chemin de larmes…   

Nous ne savons pas où nous allons. En créant une famille, Dieu nous fait le cadeau d’une tâche. Une tâche ardue, qui peut s’avérer bien plus difficile que ce que l’on avait imaginée.         
Seulement, nous oublions parfois que Dieu nous a donné une tâche à vivre, non pas une tâche à réussir. Nous pensons échouer si notre couple se sépare. Nous pensons échouer si nos enfants, devenus adultes, ne se parlent plus. Nous pensons avoir échoué si les liens se brisent. Nous pensons avoir échoué si nos enfants prennent un chemin qui ne les conduit pas vers ce que nous considérons comme une réussite.       

Oui, il peut arriver que la tâche soit trop lourde à porter pour nos épaules. Notre famille ne ressemble jamais à ce dont on avait rêvé, car rien n’arrive jamais comme prévu. Mais si, comme Marie, nous pouvons apprendre à donner sans rien attendre en retour, alors même lorsque notre âme de parents est traversée par un glaive, notre foi en Dieu, en cette famille que nous avons créée peut rester inébranlable. Car la foi est le ciment de la famille. Cette famille, nous ne la choisissons pas. Certes, il n’y a pas de liens plus difficiles à maintenir et à entretenir que ceux qui nous sont offerts à la naissance. Mais en réalisant aussi qu’il n’y a pas de liens plus douloureux à briser que ceux du sang, nous pouvons prendre la mesure de ce que le mot aimer veut dire.        

La famille est une histoire qui se raconte et qui s’invente chaque jour. C’est le plus beau cadeau que Dieu nous ait fait. Il a mis entre nos mains sa dose divine d’amour et c’est à nous de le nourrir et de le partager en faisant chaque jour de notre mieux. Nous ne sommes pas des enfants ni des parents parfaits. Nous portons tous des blessures et nous avons tous nos propres difficultés à surmonter. Cela se vit aussi au sein de la famille. Et malgré nos difficultés, en ce dernier jour de l’année, je vous invite tous à méditer sur ce que notre famille nous a apporté. Ouvrons nos yeux et notre âme sur tous ces petits ou grands moments d’amour que nous avons vécus et reçus. Notre famille a aussi forgé ce qui est bon en nous et prenons ce temps pour l’honorer à sa juste valeur. Dans une famille il y a aussi de la joie, de l’amour, de la solidarité et de la compassion. Donc n’oublions pas ce cadeau de Dieu que nous avons reçu et rappelons-nous qu’une famille ne se réussit pas, elle se vit – avec amour.