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Le Christ-Roi (A)

26 novembre 2017

Denis Tesson

Denis Tesson

Ezéchiel 11-12, 15-16

Matthieu 25, 31-40

Un Royaume de frères et sœurs


Et le Roi leur répondra : “Amen, je vous le dis : chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait.” (Matthieu 25, 40)

           
Les textes de ce matin offrent une belle ressemblance avec les Béatitudes.

           
Denis TessonDans la prophétie d’Ezékiel, les fragiles, les meurtris, les égarés sont ceux sur lesquels le Dieu-berger porte son attention.       

Ce sont les mêmes dont Jésus a eu le souci tout au long de sa vie et, dans notre Évangile, ces bienheureux entraînent, dans leur sillage et leur gloire, tous les justes qui les ont reconnus et secourus.      

Jésus s’identifie aux malheureux béatifiés : chacun d’eux, c’est mon frère, c’est moi!      

Et nous, appelés à construire un Royaume de Justice, nous nous efforçons de reconnaître Jésus dans tous ces visages blessés par la vie… nous les chrétiens!       

Mais les autres? Nous connaissons bien des justes qui ignorent Jésus. Et ceux-là, qui reconnaissent-ils, quelle force les anime, quel idéal les élève à cette dignité de juste? 

           
Nos deux enfants sont dans la quarantaine et sont incroyants. Par ailleurs, ce sont vraiment des justes. En générosité, en compassion, en engagement auprès des démunis, ils me surpassent largement. Si je prétendais qu’ils le doivent à leur éducation chrétienne, ils se sentiraient gravement insultés.   

           
Celles et ceux que nous considérons des justes ne s’efforcent pas de l’être. Ça leur vient tout naturellement : Il faut que je m’occupe de cet enfant qui est en échec scolaire, je ne peux pas tolérer l’humiliation que vit cet homme en prison, il faut que j’aille voir unetelle, qui déprime. Et si je tempère… « Toi, Papa, tu ne ferais rien si tu savais, si tu voyais? »     

           
Dans l’évangile de ce matin, les justes ne sont pas conscients de faire le bien, ni n’ont reconnu leur Sauveur dans ces visages blessés. Les Justes qui ont soustrait des Juifs à la barbarie nazie ou les mères de famille de Lampedusa qui hébergent les migrants n’auraient pas pu se regarder dans le miroir, s’y reconnaître, si elles s’étaient dérobées. Nous les entendons dire : « Mais, c’est tout naturel, vous auriez fait pareil si vous aviez vu. ».       

           
Vous auriez fait pareil? Quelle confiance dans la bonté humaine! N’est-ce pas cela, la foi des justes?      

           
Revenons à la prophétie d’Ezékiel : Dieu, le vrai berger qui prend soin des égarés et des faibles, c’est aussi une révélation sur nous-mêmes et sur nos désirs profonds. Dieu nous a créés à son image, soit, mais ce n’est pas blasphémer que d’énoncer la réciproque.          

           
Le visage que nous donnons à Dieu est l’idéal que nous nous faisons de l’être humain. Il reflète le genre d’amour que nous aimerions recevoir et donner. Le Dieu que prophétise Ezékiel est ce que nous rêvons d’être : dotés d’infinie tendresse et de compassion.       

           
Nous rêvons aussi d’une société juste et sans violence, dont la devise serait Fraternité. Dans une telle société, tous les frères et sœurs se verraient reconnaître la même dignité. Tous, et en particulier les meurtris, les égarés, seraient vus comme des êtres de bonne volonté et en besoin d’amour.      

           
Oui, cela fait partie de notre grandeur humaine, nous avons la fraternité chevillée au cœur.          

           
Comprenons bien, il ne s’agit pas de solidarité, d’assistance, de juste répartition, de droits égaux, c’est bien au-delà de ce qui se raisonne, se mesure et se négocie. Il ne s’agit pas de se comporter en frère secourable… la fraternité c’est voir et reconnaître l’infinie grandeur de l’autre.      

           
La fraternité, c’est voir avec son cœur.         

           
Cette humanité de frères et sœurs, c’est aussi celle dont rêvait Jésus. Il appelait cela le Royaume de Dieu, pas un Royaume de ses fidèles, pas un Royaume de l’au-delà, mais un Royaume ouvert à tous, maintenant.          

           
De toute sa culture juive, Jésus avait médité et retenu certaines prophéties qui lui paraissaient le plus en harmonie avec ses convictions d’homme juste. Il en avait développé une idée de ce qu’était Dieu, de son projet, du culte qui lui était dû et du temple où il demeurait.    

           
Juste parmi les justes, l’audace de son rêve et de son idée de Dieu l’ont mené au supplice : pas par sacrifice, il me semble, mais par fidélité — « Ayant vécu son humanité jusqu’au bout… » — pas en s’efforçant, mais en demeurant vrai, en se laissant conduire par l’Esprit, comme disent les croyants.    

           
Une idée de Dieu, mais surtout une relation à Dieu. Des heures d’intimité et d’écoute qui avivaient son désir de le servir et qui le relançaient, irrésistiblement à la rencontre de ces exclus qui reflétaient Dieu.    

           
Nous aussi, avec la musique de l’orgue, laissons l’Esprit nous envahir. Sans effort, abandonnons-nous à la tendresse de Dieu. Laissons-le parer de sa lumière tous ces visages que nous avons négligé de voir. Tous ces visages qui sont le sacrement de notre rencontre avec Lui.