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Veille de Noël (A)

24 décembre 2016

 

Un enfant nous est né, un fils nous est donné

 

André Descôteaux

Noël est une très belle fête avec les décorations, les illuminations, le réveillon, les rencontres et, sans oublier, les échanges de cadeaux. Toutefois, si, cet après-midi, l’un d’entre vous a été obligé d’aller au centre-ville, en évitant les cônes orange, s’il a essayé de trouver une place de stationnement et s’il a affronté la cohue à la recherche du cadeau de la dernière minute, je comprends très bien qu’il ne partage pas mon enthousiasme.  
 
Pourtant, hier, en début de soirée, je suis allé à la pharmacie tout près d’ici. En entrant, je vois un ado, d’environ 14 ans, essayant d’acheter un parfum probablement pour sa copine. Je l’entendais se dépêtrer dans ses réponses aux nombreuses questions que lui posait la vendeuse. C’est quand même beau. J’espère que sa copine aimera le parfum! Oui, cette générosité, toutes ces manifestations d’amitié et d’affection ont de quoi réchauffer nos cœurs.     
 
Ces célébrations s’insèrent dans la belle histoire de Noël, dans une histoire de vie et d’amour. Une jeune femme, Marie, après un long voyage, accouche de son enfant, un enfant avec toute la vie devant lui. Elle donne naissance à l’espérance qu’elle n’a cessé de nourrir durant neuf mois. Un père, Joseph, qui se réjouit de voir son épouse et ce fils que Dieu lui confie comme son propre enfant. Noël, fête de la vie, fête des débuts, fêtes des promesses. Noël, également fête d’un Dieu qui se réjouit de cette naissance, de la venue du Prince de la Paix, comme l’ont chanté Claude-Marie et le frère Guy. « Oui, un enfant nous est né, un fils nous est donné ». Et les anges de proclamer : « Aujourd’hui, dans la ville de David, vous est né un Sauveur qui est le Christ, le Seigneur ». En Jésus, celui qui est éternel et qui n'a ni commencement ni fin, celui qui a créé toutes choses, est né au milieu de sa création — dans un petit village palestinien, et il est né d'une de ses créatures — de la vierge Marie pour être notre lumière, pour débloquer l’horizon et ouvrir un avenir insoupçonné, qui pourtant comble nos désirs les plus profonds.    
 
Et c’est là que le bât blesse. Si certains jeunes cessent de croire à l’histoire du petit Jésus au moment où ils comprennent que le père Noël n’existe pas — du moins, c’est ce que certains prétendent — nous nous heurtons à un doute beaucoup plus profond. Croyons-nous qu’avec Jésus l’humanité connaît un nouveau commencement ? Alors que notre monde est tourmenté par l’instabilité, l’incertitude, la barbarie, la peur, l’intolérance, Noël est-il pour nous une source de joie, d’espérance et d’action ? Le renouveau annoncé à Noël est-il possible ? Ne serait-ce qu’une illusion, si belle soit-elle ? Pire, cette bonne nouvelle est portée par une religion organisée, le christianisme. Ai-je besoin de parler longuement de l’image que projettent les religions ? Il suffit de regarder ce qui se passe Moyen-Orient pour avoir peur des religions même avec les plus belles promesses ! Les religions davantage porteuses d’intolérance, de violence que de paix !  
 
Je ne sais pas si vous vous êtes déjà demandé pourquoi nous célébrions Noël, le 25 décembre, au début de l’hiver. Ce n'est pas par hasard que nous sommes ici en plein hiver et au milieu de la nuit pour célébrer cet événement. En fait, nous ne savons pas à quelle saison Jésus est né, ni à quelle heure. Nous pourrions donc fêter sa naissance en juillet et au milieu du jour. Les Noëls du campeur ont leur charme ! Ne serait-il pas beaucoup plus agréable d'aller à l'église en été ? Mais l'Église a très tôt choisi ce moment-ci, en hiver et dans la nuit, pour célébrer la naissance de Dieu, et pour une raison évidente. L'hiver est la saison la plus froide, la plus stérile, c'est la saison du gel et de la faim. Dans notre hémisphère, c’est en hiver que le soleil, source de vie, lui qui donne lumière et chaleur, est le plus éloigné de nous. Et au milieu de la nuit, ce faible soleil d’hiver est absent. Nous sommes entourés d'une obscurité et d'un froid profonds. Malheureux les itinérants qui doivent être dehors maintenant. Toute la nature semble contre nous, c'est le moment le plus dur, le moins humain de l'année.
 
C'est justement à ce moment symbolique que nous fêtons la naissance de Jésus, parce que c'est alors que nous avons le plus besoin d'une lumière qui nous fasse vivre, qui nous donne de l'espérance, qui nous rende humains. Fêter la naissance de Jésus en la plus longue nuit de l’hiver, c’est affirmer que la lumière, qui répond à nos besoins les plus profonds, c'est Jésus. Même au milieu de l'obscurité la plus profonde il y a une lumière, une espérance, plus profonde encore, et nous la trouvons en Jésus. Voilà pourquoi Jésus est né, pourquoi il est là. Si Dieu, en Jésus, est venu partager notre condition humaine, ce n'était pas pour le plaisir. Il est né au milieu de cette nuit obscure et froide, pour partager, dans toute sa dure vérité, notre condition. Un jour, il subira même la souffrance que symbolise cette nuit. Il est venu pour être notre lumière, notre soleil, quitte à vivre lui-même nos ténèbres. Comme le dit le prophète Isaïe dans la première lecture, c'est pour ceux qui marchent dans les ténèbres que cette grande lumière s'est levée, pour ceux qui habitent le pays de l'ombre qu'elle a resplendi.    
 
Le récit de l’annonce de la naissance du Sauveur aux bergers tout attendrissante qu’elle soit illustre bien ce point. Au temps de Jésus, les bergers n’étaient pas des enfants de chœur. Pauvres, ils menaient des vies difficiles dans les montagnes et les déserts. Leurs rapports avec leurs concitoyens étaient très tendus. Aujourd’hui, ils seraient perçus un peu comme des motards. Pourtant, c'est à ces bergers que la bonne nouvelle de la venue de la lumière est annoncée, à eux que les anges lumineux chantent « Gloire à Dieu et paix aux hommes ». Ils se sont mis en marche et se sont rendus à la crèche. Leur vie a été bouleversée. L’Évangile se poursuit : « les bergers repartirent ; ils glorifiaient et louaient Dieu pour tout ce qu’ils avaient entendu et vu, selon ce qui leur avait été annoncé ».      
 
Si cette bonne nouvelle peut changer le cœur de bergers, elle ne cesse, année après année, d’inciter les croyants à renaître ! L’enfant de la crèche peut briser la lourde carapace de la religion organisée. Souvent, il suffit d’un prophète, comme François notre pape. Sans se lasser, il dénonce toute forme d’intégrisme et le recours à la violence au nom de Dieu. Il nous invite à être des témoins de la lumière dans un monde blessé, à laisser éclater en nous la paix et l’amour. À nous les prêtres, il nous demande de fuir la plaie du cléricalisme pour être au service de la Bonne Nouvelle et du peuple de Dieu.    
 
C’est pourquoi cette nuit obscure et froide est pour nous un moment de lumière ; et si nous sommes réunis en cette église, ce n’est pas pour nier que la nuit, l'obscurité et le froid soient là, mais pour accepter la lumière que Dieu nous y offre. Rien, non rien, « ni le mal, ni la souffrance, ni la cupidité, ni son silence complice, ni les dieux de la fatalité »1, n’éteindront la lumière de Noël. Oui, fêtons et célébrons ! Illuminons nos sapins ! Illuminons nos cœurs ! Jeune homme cherche le plus beau parfum pour ta copine ! Notre nuit est pleine de la lumière d’un nouveau-né. Oui, « un enfant nous est né, un fils nous est donné » ! Joyeux Noël ! 


1 Ravet, Jean-Claude, Féconde fragilité. Le Devoir, 24 décembre 2016, B5.     

 

Bruno Demers

 

 

Communauté chrétienne Saint-Albert-Le-Grand de Montréal