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29e Dimanche du Temps Ordinaire (C)

16 octobre 2016

Luc Chartrand

Exode 17, 8-13

Luc 18, 1-8

Persévérer, même sans certitude, mais ensemble

 

Ce matin, nous sommes en présence d’une femme, certainement dans la précarité, puisqu’elle fait une démarche qui vise à lui rendre justice contre son adversaire. Le juge à qui elle s’adresse, nous dit l’Évangile à deux reprises, ne craint pas Dieu et ne respecte pas les hommes. Son état de veuve, donc séparée de son mari, elle demande maintenant d’être séparée de quelqu’un qui s’oppose à elle, ou du moins qui exerce une emprise sur elle.      

Luc ChartrandLe juge de la parabole, tel qu’il est décrit, laisse entendre que la pauvre veuve a peu de chance de trouver grâce à ses yeux. Pourtant, le dénouement de l’histoire montre qu’un élément va intervenir pour celle qui se trouve dans l’indigence. La patience du juge a des limites, nous pouvons même ajouter, « rapidement » des limites. Pour cette unique raison, il veut se débarrasser au plus vite de celle qui s’adresse à son autorité.       

La suite de l’Évangile établit une comparaison entre cette veuve en relation avec ce juge sans scrupule et Dieu en alliance avec les élus. Ces derniers sont caractérisés par leur action de crier jour et nuit. Loin de nous l’idée, que les élus casseraient la tête de Dieu jour et nuit. Mais l’évangéliste Luc nous place devant le facteur temps. La durée du cri n’a pas de limites, puisqu’il se perpétue sans une indication du moment de son arrêt.       

Si la parabole est introduite comme une leçon concernant la nécessité de prier, Jésus semble maintenant avoir une autre intention. Il nous ouvre à un chemin difficile à connaître. C’est là que le genre littéraire « parabole » entre en jeu. Les élus étant définis comme des gens criant jour et nuit, nous trouvons difficilement de ces personnes, qui même en grande difficulté, s’adressent à Dieu dans la prière sans répit. Les élus ne représentent pas une catégorie de gens, de personnes. Ils sont une partie de nous-mêmes, qui peu importe notre état, éveillés ou endormis, demande justice. Cette part est présente en toute femme et tout homme, mais elle est cachée au plus profond de toute personne. Un cri que nous n’entendons pas et qui pourtant est bien là présent, sans que nous en soyons conscients. Cette expression de l’être croyant, des élus, est différente de la prière que nous adressons à Dieu à partir de nos situations personnelles de joie, de reconnaissance, de souffrance, d’inquiétudes, de désirs non réalisés. Il s’agit de quelque chose qui crie à notre insu. Une sorte de « part manquante », comme le dit Christian Bobin. Jésus s’adresse à elle en affirmant que justice lui sera faite. La veuve du début de la parabole caractérise le manque radical.  

La veuve a insisté longuement, le cri des élus dure jour et nuit. L’introduction de la parabole disait au sujet de celle-ci : « toujours prier sans se décourager », la finale, en ce qui concerne les élus, fait apparaître une autre dimension : « sans tarder, il leur fera justice ». Au temps de la patience et de la persévérance succède celui de la venue de la soudaine justice. Une longue durée nécessaire avant que surgisse la manifestation de la justice demandée. Un événement qui vient éclairer tout ce qui a précédé et qui permet, dans l’après-coup, de saisir le sens profond qui était enfoui dans les événements, les situations, de nos histoires personnelles et collectives.   

L’Évangile se termine par une question : « le Fils de l’homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre? » Ici, l’événement correspond à l’inattendu quant à son moment. Impossible à prévoir! Toutefois, il est l’événement révélateur de tout ce qui a précédé.           

La vraie question pour nous semble maintenant être : comment tenir dans la durée, tenir jusqu’à la venue du Fils de l’homme? Des séjours au désert que la vie nous impose, que la durée comporte nécessairement, il y a la présence des autres. Toutes ces personnes qui, comme nous, tant bien que mal, laissent monter du plus profond d’eux-mêmes un cri, toujours en attente d’une réponse adéquate et juste. Aller au désert, ce n’est pas vouloir s’isoler pour traverser l’expérience de la vie humaine. C’est avant tout un lieu, malgré les apparences, où nous pouvons recevoir la force pour laisser monter un cri, puisque l’indicible habitant chaque personne cherche à s’exprimer et à trouver une réponse. Nos quêtes de sens s’expriment de multiples façons. D’ailleurs, il est la raison d’être de nos déplacements intérieurs. 

La foi, nécessite donc de prendre la route, comme nous le rappelait Guy, la semaine dernière. C’est que par différents chemins nous sommes appelés à persévérer, même sans certitude, mais ensemble!    

Communauté chrétienne Saint-Albert-Le-Grand de Montréal