Bandeau de la communauté


Imprimer

Voir le déroulement de ce dimanche

26e Dimanche du Temps Ordinaire (C)

25 septembre 2016

Les fausses certitudes

Am 6, 1a,4-7

Lc 16, 19-31

1Tim 6, 11-12

Yvon D. Gélinas

Yvon D. Gélinas

Deux hommes. Un riche qui mène une vie fastueuse, faisant chaque jour de plantureux repas, n’ayant d’autre souci que de bien profiter de sa bonne vie. Un pauvre qui se tient au portail de la maison du riche. Il ne demande rien. Il a bien le désir de manger les miettes qui tombent de la table du riche, mais personne ne s’occupe ou se préoccupe de lui. Il y a comme un mur de séparation entre ces deux hommes. Chacun vit dans une sphère qui lui est propre. Ils sont proches dans le temps, mais séparés, malgré même la proximité, dans l’espace. Ils n’ont en commun que la condition de mortels. Et justement les deux hommes meurent. Le riche, on l’enterre. Et ensuite plus rien; c’est fini, on l’enterre. Le pauvre, les anges s’occupent de lui.
      
On sait peu d’autres choses de ces deux hommes. Du riche, encore moins. Il est riche c’est tout. Et puis, il ne se soucie que de lui-même. Le pauvre qui est à son portail, il ne sait même pas qu’il existe. Quant au pauvre, on nous dit qu’il attend et ne demande rien, se contentant de désirer. Il est pauvre, malade, un peu comme Job. Cependant. Il y a quelque chose qui est dit de lui et qui est important : il a un nom, donc il a une existence concrète, réelle. Ce nom nous dit beaucoup de lui : Lazare, ce qui signifie : Dieu aide.   
Et ce récit si bien mené par Luc a un prolongement au-delà de la vie terrestre, au séjour des morts, et dans un renversement de situation. Le riche souffre et aimerait avoir l’aide du pauvre. Lazare, lui, est consolé. La vie continue au-delà de la mort, différente mais conforme aux options voulues ou acceptées durant le séjour terrestre. Ce qui intrigue un peu, c’est que rien ne nous est dit de ce que Lazare a fait pour mériter et le soin des anges, et la bénédiction de Dieu. Il n’est nullement mentionné qu’il était spécialement pieux et vertueux. Il était pauvre tout simplement, homme de souffrance, comme un nouveau Job acceptant en toute confiance ce que son nom promettait : Dieu aide! On reconnaît bien là l’accent propre à Luc. La pauvreté, le malheur, la souffrance sont comme un cri vers Dieu, un appel à la compassion et à la délivrance. Et puis, la pauvreté, elle est si souvent le fruit de l’injustice de la part des possédants. De cette injustice qui consiste à ne pas se soucier du sort des autres, à ne pas même imaginer que le partage est plus humain que la jouissance égoïste. Du riche, on ne sait pas s’il est devenu riche par son labeur ou si sa richesse est le fruit d’actions malhonnêtes ou de l’exploitation de ses semblables. Ce qui apparaît c’est qu’il était enfermé en sa richesse, gâté par l’argent au point de ne pas imaginer que cela existe la pauvreté. 
À retenir, le sort divers des deux hommes après la vie terrestre n’est pas présenté comme un jugement de Dieu : les deux hommes ont eux-mêmes provoqué et justifié ce qui leur arrive par leurs attitudes de vie. On meurt comme on a vécu dirait la sagesse populaire.   
      
Que nous dit cette parabole? Qu’il faut être pauvre pour être aimé de Dieu? Qu’il faut fuir la richesse, la condamner? Certainement pas. Le jugement ne porte pas sur la richesse, mais sur un riche qui ne voit rien au-delà de sa richesse, sur l’usage de la richesse aussi. Mais certainement ce qui est dénoncé ce sont les fausses certitudes que la richesse risque d’engendrer. Croire qu’on est à jamais à l’abri de tout, qu’on a plein contrôle sur tout puisque qu’on peut, pour un temps, se procurer tout ce dont on a besoin. Remarquons bien que l’on se crée souvent aussi de fausses certitudes avec d’autres richesses que celles de l’argent.   
      
 Il n’y a pas là non plus une exaltation ou un éloge de la pauvreté. C’est une fois de plus l’invitation évangélique à adopter le regard de Dieu sur les situations humaines. Voir le cœur et ses dispositions d’ouverture ou d’indifférence. C’est par son cœur fermé, retourné sur lui-même, enveloppé dans ses certitudes, que le riche se condamne. Surtout, voir la pauvreté, comme toute autre forme de misère et de détresse, comme un cri d’appel, comme une main tendue, comme une manifestation d’humanité à sauver, de vie à amener justement à la vie. Inutile d’attendre une révélation spectaculaire pour s’en convaincre.  
Inutile aussi d’attendre un événement particulièrement malheureux et troublant pour prendre position. Les frères du riche avaient pour eux la Loi de Moïse et les prophètes pour ajuster leur vie à ce regard de Dieu. À témoin, la violente proclamation du radical Amos qu’on a entendue en début de célébration. Nous avons l’Évangile pour nous éveiller aux situations humaines, pour apprendre à être humain et préoccupé de l’humain à la mesure même du regard de Dieu, du jugement de Dieu.      

Communauté chrétienne Saint-Albert-Le-Grand de Montréal