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18e Dimanche du Temps Ordinaire (C)

 

31 juillet 2016

Luc Chartrand

Qo 1,2 et 2, 21-23


Luc 12, 13-21

Vanités des biens terrestres

La liturgie d’aujourd’hui s’articule autour de la temporalité. L’Ecclésiaste nous fait circuler entre passé et futur. Le travail bien fait, consciencieusement accompli et avec la connaissance appropriée sera abandonné un jour au profit de quelqu’un qui en héritera. Tout le labeur du passé sera transmis à quelqu’un qui n’a jamais eu à s’investir pour le recevoir. Qohélet s’indigne devant toute la peine que se donne une personne en posant la question brutale, « que reste-t-il? ».     

Luc ChartrandL’évangéliste Luc profite d’une question d’un homme au sujet du partage d’un héritage, pour introduire une parabole. Là encore, il y a un avant et un après. Le passé est constitué par l’abondance, des récoltes à ne plus savoir où les entreposer. Le « trop » invite à faire des plans. La générosité d’hier conduit à démolir les greniers pour en construire de plus grands. L’abondance vient modifier l’espace de manière à accumuler toujours plus de biens. Le but de l’opération est de profiter de ses réserves. Le futur est planifié sous le signe du repos, de la bonne chère, arrosée comme il se doit, et de la jouissance. C’est d’ailleurs cette réflexion qui le pousse à l’action, puisque Luc répète « lui-même » à deux reprises. L’homme riche à qui l’on prête cette pensée, « Je me dirai à moi-même » et de la part de Dieu ces paroles, « voilà ce qui arrive à celui qui amasse pour lui-même ». Devrions-nous donc nous méfier de nous-mêmes, avoir peur de nos planifications, être craintif pour demain?         

Il serait dommage de relire nos histoires personnelles avec un arrière-goût de culpabilité. Ce n’est pas la richesse qui est contestée ici, mais son usage. Le temps de bâtir n’est certainement pas mauvais, le temps d’être prévoyant pour l’avenir n’est pas l’objet d’un blâme. Ce qui est interrogé, me semble-t-il, est notre manière de nous situer par rapport à ces richesses. Si elles nous empêchent d’être en relation avec les autres, si elles restreignent nos dynamismes, si elles nous referment sur nous-mêmes, notre vocation d’hommes et de femmes se transforme alors en une sorte d’esclavage.     

Le passé nous a permis d’apporter notre contribution à la société. Il ne serait pas responsable d’avoir dilapidé tous nos biens, comme le fils cadet de la parabole de l’« enfant prodigue ». Si tous les membres de la société se départissaient de leurs biens, nous serions plongés dans une grave crise économique. Nous avons à être des personnes responsables par rapport aux biens que nous accumulons par notre travail, par rapport aux richesses qui nous permettent possiblement de vivre une retraite sans trop de soucis matériels, après des années de lourd investissement. L’avenir de toute personne est incertain. Nous ne savons pas ce que nous deviendrons dans les jours, les mois, les années qui viennent. Nos expériences personnelles nous conduisent à ce constat, nos richesses, les biens que nous possédons, sont du vent devant les souffrances que nous avons vécues, que nous vivons peut-être, devant notre impuissance à aider les autres pour qui nous ne pouvons rien. Ces sentiments ressentis font preuve de réalisme et d’altruisme.         

C’est là qu’un horizon différent ouvre un avenir autre que de celui qui demeure en « lui-même ». Il s’agit de sortir d’un espace qui nous enferme sur une dimension univoque, celle qualifiée de terre à terre. Ce nouvel espace n’est pas une fuite dans une autre sphère, celle du divin. Il s’agit d’une introduction de ce qui nous tient à cœur, sur cette terre, dans le monde de Dieu. Notre humanité n’est plus livrée à la mort. Le Christ ressuscité nous entraîne à sa suite. Nos propres ressources ont maintenant une nouvelle finalité, elles permettent d’être des collaborateurs et des collaboratrices d’un monde meilleur. Nous n’avons pas la prétention de croire y arriver par nous-mêmes. C’est ainsi que les paroles de Paul aux Colossiens prennent un sens particulier pour qui a un tant soit peu une expérience de vie : « Faites donc mourir en vous ce qui n’appartient  qu’à la terre ».   

L’expérience de la fragilité, de nos limites et de notre impuissance devant les grands défis de notre monde nous amène à faire tomber toutes les barrières des divisions qui reposent sur les religions, les cultures et les formes d’aliénations.      

Dans l’espace où se tient maintenant le Fils de Dieu, il n’y a plus lieu de craindre. Cet espace est celui de la confiance où le labeur d’hier trouve son véritable sens et est loin de n’être que du vent, peu importe qui en assure la succession… et ce qu’il nous en a coûté de renoncement et d’efforts!     

 

Communauté chrétienne Saint-Albert-Le-Grand de Montréal