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4e Dimanche de Pâques (C)

17 avril 2016

Luc Chartrand

Jean 10, 27-30

Actes des Apôtres 13. 14.43-52

Apocalypse de saint Jean 7, 9.14b-17

Dans l'ordre de la foi, il n'y a pas d'évidence

Les récits des apparitions du Ressuscité, chez Jean, se sont terminés avec celui de la pêche miraculeuse que nous avons entendu la semaine dernière. Germain Derome, dans sa très belle homélie du troisième dimanche de Pâques, nous a introduits au thème pastoral de l’Évangile que nous venons d’entendre. D'ailleurs, il n'hésitait pas à nous parler du malaise ressenti en entendant le Ressuscité s’adresser à Pierre en ces termes : « Pais mes brebis ». De fait, l’image des brebis nous parle bien peu. Et comme il nous était rappelé, « nous sommes attachés à notre liberté individuelle ». D’ailleurs, pourquoi Dieu nous aurait-il créés à son image, pour nous contraindre à le suivre au moindre son de sa voix?      

Luc ChartrandL’Évangile d’aujourd’hui nous propose un tout autre itinéraire. Jean dessine l’identité de Jésus en empruntant la forme révélatrice du nom de Dieu dans l’Ancien Testament, « Je suis ». Cette nomination de Jésus prend différentes nuances dans l’écrit johannique, « Je suis la lumière du monde » (Jn 8, 35), « Je suis le pain de la vie » ( Jn 6,35), pour ne citer que ces deux-là. Il s’agit donc de reconnaître une des caractéristiques attribuées à Dieu.

Le Pasteur, dont il est question dans ces quelques versets, est un être de relation. C’est probablement pour cette raison, que les premiers mots de l’évangile laissent entendre que l’affirmation n’est pas nouvelle, elle s’enracine dans quelque chose de connu, « Jésus avait dit aux Juifs ». À cela, une nuance semble être apportée, « il leur dit encore ». De ce qui est su, va maintenant découler un aspect nouveau. Il s’agit d’une série d’enchainements qui met en scène l’alternance du Pasteur et des brebis. « Mes brebis » écoutent ma voix. Le Pasteur les connaît. Les brebis suivent le Pasteur. Le Pasteur donne aux brebis la vie éternelle. Dans cette relation du Pasteur aux brebis, il n’est question que d’action. Personne ne peut être qualifié de « suiveux ». Écouter demande de prendre des dispositions intérieures pour accueillir la voix du Pasteur. En réponse à cette attitude, le Pasteur se dévoile par la connaissance de celui qui écoute. De cette écoute, la relation grandit au point où les brebis passent de l’écoute à la décision de suivre le Pasteur. Les actions s'enchainent dans la confiance sans qu’aucune garantie n’apparaisse. C’est à ce prix que la liberté humaine est sauve et que nous demeurons dans l’ordre de la foi. N’est-ce pas ce que Dieu cherche à faire dans les récits des apparitions du Ressuscité? Chez Luc, on nous dit que les yeux des disciples d’Emmaüs « étaient aveuglés, et ils ne le reconnaissaient pas » (Lc 24, 15). Chez Jean, Marie Madeleine se retournant aperçoit Jésus, mais le confond avec un gardien, pour le reconnaître seulement quand il l’interpelle par son nom, « Marie! » (Jn 20, 11-18).   

Dans l’ordre de la foi, il n’y a pas d’évidence. Il y a une quête de sens qui se joue entre des interpellations d’une Parole laissée en attente d’une réponse. Ces interpellations, elles se mêlent au bruit du monde. De cette alchimie naît quelque chose d’inattendu qui mérite que nous écoutions, que nous courrions le risque de suivre avec nos suspicions, nos doutes, nos peurs. Cet horizon, c’est celui qu’a connu Pierre. Il a renié trois fois avant de confesser trois fois son amour à celui qu’il reconnaît comme son Seigneur et qui lui vaudra d’être le Pasteur à la suite du Ressuscité.        

Dans la foi, il n’y a donc pas d’évidence en raison du respect inconditionnel de Dieu pour la personne humaine. La première communauté chrétienne en payera le prix. Si l’heureuse annonce est parvenue jusqu’à nous et s’adresse à une foule immense, que nul ne peut dénombrer, « une foule de toutes nations, races et peuples et langues » (Ap, 7, 9), c’est en raison de son accueil positif par nos sœurs et frères des générations passées. Écouter, connaître et suivre ne sont pas des termes univoques, ils laissent à chaque personne la tâche d’accueillir leur vocation propre. Il y aura des moments de grâce, des moments de doute, des moments de remise en question comme en témoignent l’expérience de Paul et Barnabé…                 

Communauté chrétienne Saint-Albert-Le-Grand de Montréal