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2e Dimanche du Carême (C)

22 février 2016

Guy Lapointe

Gen. 15, 5-12.17-18

Luc 9, 28b-36

Ph 3, 20-22.4,1

Guy Lapointe

Ombre et lumière

Il était une fois Abraham… Le Seigneur lui dit : « regarde le ciel, et compte les étoiles si tu le peux… à ta descendance je donnerai ce pays que voici ».    

Il fallait qu’un homme se lève, qu’Abraham se mette en route, pour que commence une aventure de foi, une expérience de vie. Avec Abraham, c’est un peu notre expérience à chacune et à chacun de nous. Il nous faut souvent partir, repartir, se détacher de son « pays » pour aller ailleurs, là où la vie nous appelle et nous attend. C’est une question de foi en la vie, de foi en Dieu aussi.        

Guy LapointeIl était une fois Jésus sur la montagne avec trois de ses disciples. Une expérience d’ombre et de lumière. Jésus révèle à ces trois hommes ce qui se passera au cœur de chaque croyant après la résurrection. Les disciples le voient, il est devant eux, mais Jésus demeure à distance. Ce sont des personnes que la parole de Dieu a mis en route.  

Il fallait cette expérience de la transfiguration, d’un passage de l’ombre à la lumière, pour que les disciples commencent vraiment à croire en Jésus et à découvrir qu’il est fils de Dieu. Sans trop se tromper, on peut certainement imaginer que les disciples sont sortis de cette expérience avec l’impression qu’ils venaient de traverser un drôle de rêve, tout comme Abraham d’ailleurs. Lorsque dans la vie, un événement nous a étonnés, bouleversés, ou bien on le crie immédiatement, ou bien, quand il est trop intense, on garde le silence pendant un certain temps. Les moments les plus décisifs de nos vies ne se disent pas facilement. C’est ce que les disciples semblent avoir vécu. Un silence s’imposait, qu’il y ait eu ou pas consigne de Jésus. La transfiguration, comme l’appel fait à Abraham, c’est une scène à la lisière de la terre et du ciel, à la lisière du rêve et de la réalité, à la lisière de l’ombre et de la lumière. Sur la montagne, la terre et le ciel s’ouvrent pour faire entendre une voix : « Celui-ci est mon Fils, celui que j’ai choisi, écoutez-le ». Dans la nuée qui les enveloppait, les disciples, si on me permet cette expression, ont écouté la lumière.          

En préparant cette homélie, j’avais présent à l’esprit le récit qu’a fait, de sa conversion, l’écrivain Éric-Emmanuel Schmitt intitulé : La nuit de feu. Il raconte qu’il faisait un voyage avec un groupe dans le désert de Sahara. Voici que sans trop s’en apercevoir, il se met à l’écart du groupe. Il est perdu, loin de tout repère, acculé à passer la nuit dans le désert. Il peut s’attendre à mourir et pourtant il a brusquement l’intuition que ce monde n’est pas limité à ce que nos yeux voient. Loin de penser à la mort, il se laisse envahir par ce sentiment que notre monde est dépassé par un univers plus grand, par un univers et un temps qui ne sont plus marqués par la mort. À partir de cette nuit, son intelligence s’ouvrait sur un horizon plus large, une vie plus large. Pour lui, l’obscurité de la nuit était traversée par l’éclat des étoiles qui donnait au sable et aux rochers une couleur lumineuse : « La nuit de feu ». Le titre de ce livre traduit cette étrange alliance de l’ombre et de la lumière. Sa vie a été transfigurée.           

Ombre et lumière : telle est bien l’expérience de Pierre, Jacques et Jean le jour où ils commencèrent à découvrir que Jésus était plus que le fils du charpentier. Il était traversé par une lumière venant on ne sait d’où. La voix de Dieu qu’ils appellent père, se fait entendre. Se manifeste un monde dont on avait plus idée dans lequel Pierre aurait aimé se reposer. « Maître, il est bon que nous soyons ici! Faisons trois tentes ». En réalité, cet épisode de la transfiguration est un moment qui fait jaillir l’espérance au cœur d’un univers que la nuit semble recouvrir. Cette transfiguration anticipe la Résurrection que nous nous apprêtons à célébrer.   

Tout comme Éric-Emmanuel Schmitt, très souvent des croyantes et des croyants ont fait une expérience semblable à celle de Pierre, Jacques et Jean. Un événement dans la vie nous ouvre les yeux. À la suite d’un amour, d’un deuil, après un succès, un échec, devant un paysage grandiose. On a l’intuition que la vie humaine est autre que ce qu’elle paraît. Il y a encore d’autres figures à découvrir. Le récit de la transfiguration est là pour nous rappeler que les paroles de l’Évangile nous invitent à la vigilance. Il s’agit de percevoir les appels de Celui dont la voix s’est fait entendre sur la montagne, la voix de Dieu. Chaque jour, un monde ancien s’efface; un monde nouveau est déjà là. Un jour nouveau se lève quand nous nous laissons saisir par la Parole de Dieu, par l’Évangile. La Bonne Nouvelle n’est pas le privilège de quelques-uns, mais elle est pour l’humanité entière.        

Je termine en vous invitant à méditer ces deux paroles de Jésus : « Je suis lumière du monde », dit-il devant ses apôtres. Il dit encore à ses disciples : « Vous êtes la lumière du monde ». C’est à nous qu’il s’adresse.       

Communauté chrétienne Saint-Albert-Le-Grand de Montréal