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34e Dimanche du Temps Ordinaire
et Fête du Christ-Roi (B)

22 novembre 2015

 

De quelle royauté s'agit-il?

Jean 18, 33-37

Bruno Demers

Bruno Demers

 

Célébrer Jésus Christ comme roi, qu'est-ce que ça veut dire en 2015?
N'est-ce pas un peu dépassé comme idée?
Quand Pie XI a instauré cette fête en 1926, la royauté avait peut-être quelque résonnance, encore faudrait-il préciser lesquelles, mais aujourd'hui cette image apparaît complètement obsolète. Pourquoi la garder? Aussi curieux que cela puisse paraître, quand Jésus répond à Pilate il ne dit pas qu'il n'est pas roi. Ce qu'il dit c'est que sa royauté ne vient pas de ce monde.

Bruno DemersJésus ne refuse pas la royauté. Il l'accepte. Mais de quelle royauté s'agit-il? Quand l'empereur Constantin a mis fin aux persécutions et que, par la suite, les empereurs ont de plus en plus favorisé le christianisme, l'Église d'alors a perçu comme une opportunité. N'était-ce pas l'occasion de faire advenir le Royaume de Dieu sous la forme d'une royauté terrestre et politique? Les siècles qui ont suivi ont conduit à reconnaître que ce n'était pas une bonne idée! Mettre ensemble pouvoir politique et pouvoir religieux constitue une forme de totalitarisme qui nous entraîne loin de l'Évangile.

Après l'éclatement de la chrétienté, on s'est mis à comprendre la royauté du Christ sous la forme d'une royauté spirituelle : Jésus règne sur les âmes! Le Roi-Messie est un guide spirituel, un maître en mystique. Cette royauté n'avait pas de rapport avec les organisations historiques ni avec les instances politiques de la société. Dans cette perspective, Jésus est le guide de mon royaume intérieur. Or, est-ce bien cela? Le christianisme n'est-il qu'une religion mystique sans rapport avec les événements collectifs?

Ma royauté ne vient pas de ce monde. Je suis venu dans le monde pour ceci : rendre témoignage à la vérité! Jésus est le roi d'un monde, oui, le Royaume de Dieu, mais ce monde n'est pas distinct du monde de tous les jours. Jésus se reconnaît roi mais il affirme néanmoins qu'il ne menace en rien Pilate par une révolte armée ou par une prise de pouvoir. Ce que Jésus veut dire, c'est que le monde politique n'a pas sa norme dernière en lui-même. Il est là pour assurer le bien-être de tous les citoyens. Il est au service de la collectivité.

Les premiers chrétiens ont lutté contre le caractère sacré de l'État. Le monde politique a sa logique, mais il n'a pas une vérité indépendante de tout autre horizon, ou de tout autre référence. Jésus n'est pas roi au sens où il prendrait le pouvoir de Pilate. Il n'est pas son concurrent même s'il pourrait être son adversaire. Jésus rappelle à Pilate que le pouvoir politique n'est pas un pouvoir absolu.

La royauté de Jésus n'est pas idéale ou spirituelle au sens où elle se désintéresserait du monde présent pour rêver un autre monde parfait. Elle est temporelle et concrète mais n'use d'aucune violence. La vérité de l'autre monde dont parle Jésus est aussi la vérité de ce monde-ci. Jésus combat pour que son peuple soit debout. Il lutte contre tous les tyrans. Il est la voix de ceux qui n'ont pas de voix. La prédication de Jésus a une vigueur sociale.

C'est une parole pour notre histoire. En effet, nous le savons, l'Évangile est une espérance pour l'opprimé et une accusation pour le tyran. Si on célèbre, aujourd'hui encore, Jésus Christ roi, c'est que la prédication du Royaume a un lien avec le monde politique. Elle rappelle vigoureusement que l'organisation politique est défaillante quand elle crée de la pauvreté, de l'exclusion et de la désespérance. L'Église a le devoir de rappeler aux autorités politiques la place des laissés-pour-compte.

Car la finalité du pouvoir politique est de s'assurer du bien-être de tous les citoyens. Et l'Église, nous le savons, ce n'est pas que la hiérarchie, c'est l'ensemble de tous les croyants. C'est par l'action de tous les croyants que le Royaume peut grandir. Nous pouvons aider Dieu à faire advenir son Royaume de justice et de paix. Mais cette action présuppose que nous ayons été convertis par l'Évangile. Et c'est bien cela le rôle de nos eucharisties : favoriser et éveiller nos rencontres personnelles avec Dieu. Profitons de ces moments pour nous laisser atteindre par sa Parole. Cette Parole qui, par nous, deviendra ensuite agissante.

Communauté chrétienne Saint-Albert-Le-Grand de Montréal