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23e Dimanche du Temps Ordinaire (B)
6 septembre 2015
Guy Lapointe
« Ouvre-toi! »
Des images difficiles à supporter, quand on regarde cette longue marche des migrants qui cherchent un endroit où vivre décemment. Pourtant, le passage de l’Évangile que nous venons d’entendre nous invite à ouvrir nos oreilles et nos yeux à cet appel : « Ouvre-toi! ». « Ouvre-toi! » dit Jésus au sourd-muet…
Dans la première lecture, Isaïe, au moment de l’Exil, annonce au peuple d’Israël, six siècles avant le Christ, que Dieu ne les a pas oubliés, qu’il vient lui-même les sauver. Le peuple était aveugle aux signes des temps et sourds aux promesses. Et les signes qui accompagneront leur retour dans leur pays seront des signes de guérison et de résurrection. « Les sourds entendrons et le boiteux bondira comme un cerf… ». Les images sont fortes.
Dans l’évangile de Marc, Jésus est un passeur infatigable. « Passer », le mot indique la communication entre les personnes comme on dit que le message passe ou ne passe pas. Le mot indique aussi le déplacement d’un lieu à un autre. Jésus, ce que nous dit l’évangéliste Marc, sort du territoire de Tyr. « Passant par Sidon, il prit la direction de la mer de Galilée ». Ensuite, il s’en va en territoire de la Décapole. Jésus, ce passant extraordinaire, franchit la distance des siècles pour nous rejoindre là où nous sommes aujourd’hui.
On lui amène un homme, sourd-muet. Aucun dialogue n’est possible avec cet homme : rien ne passe entre lui et son entourage. Jésus prend ses distances pour permettre à cet homme de s’ouvrir au monde, là où l’on s’appelle et se répond. Jésus ne parle pas… Il emmène le sourd-muet à « l’écart, loin de la foule, lui mit les doigts sur les oreilles, et avec sa salive, lui touche la langue ». En réalité, le geste de Jésus ne suffisait pas. Il fallait que le muet réponde à l’ordre de Jésus. « Ouvre-toi ». Ce qui bloque la parole n’est pas seulement un handicap physique, mais le repli sur soi qui met à l’écart. « Passer » pour vivre humainement, suppose qu’on sorte de soi. Nous sommes appelés à sortir de nous-mêmes pour pouvoir regarder et entendre les appels qui viennent de partout.
Jésus va en territoire païen. L’annonce de la Bonne Nouvelle n’est pas réservée à un peuple en particulier, Jésus veut l’étendre à toute l’humanité. Il veut nous signifier que pour devenir croyant, nous avons besoin des autres. Ce sont les autres qui amènent le païen à Jésus. Mais la rencontre du Christ se fait seul à seul : « Jésus l’emmena à l’écart, loin de la foule ». Et la parole est significative : « Ouvre-toi! ».
« Ouvre-toi! » À nous d’ouvrir nos yeux, nos oreilles et notre cœur pour que le message de Jésus nous rejoigne. Sortons de nous-même pour écouter les attentes de ceux et celles qui nous entourent. Les attentes de ceux et celles qui nous aiment et que nous aimons, mais aussi les attentes de ceux et celles qui nous ont offensés et que nous avons offensés. Pour donner la parole au sourd-muet, Jésus prend ses distances, « il l’emmène à l’écart ».
« Effata! Ouvre-toi! » C’est la première parole que le sourd-muet entendra! « Ouvre-toi! » à cette Parole dont tu as soif depuis toujours!
« Ouvre-toi! » à une parole venue du silence. Aussitôt, ses oreilles s’ouvrent. Plus qu’en aucun autre temps, nous avons à nous ouvrir aux migrants qui cherchent une terre d’accueil. Nous avons à consentir à la présence d’étrangers sur notre sol. L’humanité a soif de ce siIence et de cette Parole de Jésus, de cet accueil. L’humanité doit sortir de sa surdité et de son mutisme.
Jésus amène à l’écart loin de la foule ceux et celles qu’il veut guérir. On a besoin qu’on nous emmène à l’écart pour mieux entendre, pour mieux voir. Oui, ouvre-toi, ouvrons-nous aujourd‘hui et entendons les cris… les silences… et la Parole de Dieu… Ouvrons-nous aux besoins des autres. Il y a les migrants qu’on voit et qu’on entend marcher. Mais il y a aussi toutes ces personnes et ces peuples qui ont soif de ce silence et de cette Parole. Ouvrons nos oreilles : « Effata! Ouvre-toi! »