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20e Dimanche du Temps Ordinaire(B)

16 août 2015

Pain vivant en nous

Proverbes 9, 1-6

Jean 6, 51-58

Yvon D. Gélinas

Yvon D. Gélinas

Tout a commencé par la multiplication des pains, ce jour où Jésus a donné à manger à toute une foule à partir de quelques morceaux de pain. Le pain multiplié, signe du don, du partage. Un signe et un geste inouï pour une foule qui ne voyait de possible qu’une faim qui ne pouvait être rassasiée. Dans l’Évangile de Jean, suit alors un long discours. Un discours qui va conduire de la révélation du pain de vie à celle du pain vivant. Un discours prononcé à la synagogue de Capharnaüm et qui s’adresse — alors comme dans tous les temps — à ceux et celles qui osent aller jusqu’à croire, comme à celles et ceux qui butent sans cesse sur l’absence d’évidences.           

Dans un premier temps de ce discours, Jésus nous dit que le pain qui donne la vie, c’est lui-même. Ceux et celles qui écoutent sa parole et qui la reçoivent dans la foi, qui s’attachent à sa personne, communient à sa vie comme à sa mort, trouvent là le pain qui donne sens à leur propre vie jusque dans leur propre mort. Jésus est ce pain qui se donne pour la vie des autres. Ces autres qui sont conviés à reproduire dans leur propre existence le modèle exemplaire reconnu dans la parole de Jésus et le chemin qu’il a traversé.          

 Mais voici que le discours nous conduit plus loin, et même ailleurs. C’est la section du discours qui nous est proposée pour ce dimanche. Il y est encore question de pain offert et donné, un pain qui est toujours Jésus lui-même, un pain qui n’est plus cependant appelé « pain de vie », mais « pain vivant ». Un pain .actuel, un pain de ce jour, un pain toujours présent malgré l’apparente absence de Jésus. C’est un pain qui sans cesse se renouvelle depuis le soir des adieux, à la veille de sa mort, alors qu’entouré de ses amis, il disait sur le pain et le vin : « Ceci est mon corps, ceci est la coupe de mon sang ». Quand on entend aujourd’hui : « Je suis le pain vivant, le pain que je suis et que je donne, ma chair donnée pour qu’ils aient la vie », nous comprenons, comme l’entendaient les premiers chrétiens, qu’il s’agit d’un pain actuel. Pain de sa présence, pain de sa force et de son énergie qu’il nous communique. Il est toujours là, prêt à se donner, n’attendant que d’être accueilli dans le réalisme de l’eucharistie qui est la suite du réalisme de son incarnation.

Et c’est avec un réalisme presque choquant que l’Évangile de Jean insiste sur la nécessité de « manger », et même de « croquer » ce pain qui est la chair du Christ. C’est la condition pour communier à sa vie, et communier si étroitement que sa vie devienne la nôtre, comme la nourriture quotidienne donne vie à notre corps. Recevoir, manger, boire, pour demeurer avec lui et en lui. La réception du pain eucharistique n’est pas le simple souvenir d’un événement qui n’a duré qu’un moment, mais une communion véritable et stable avec celui qui sauve et refait la vie, et fait entrer en gloire. Le pain vivant est donné pour faire demeurer dans l’état de vie. Ce pain est aujourd’hui, pour nous, le pain de sa présence.     

Une présence qui est réelle, surtout qui est vraie. Non pas un simple face à face, lui devant nous et nous devant lui, dans l’admiration et la révérence, un peu comme devant un monument ou un spectacle étonnant. Une vraie présence. Une présence faite de dialogue, d’échanges réciproques, de réelle communion. Une présence qui demande à grandir en nous, qu’on doit laisser grandir en nous. C’est un peu comme la Sagesse qui invite à sa table, qui nourrit et conduit à suivre un juste chemin avec intelligence.      

 « Comment cet homme peut-il donner sa chair à manger? » Nous n’avons pas trop à nous offusquer de la réaction des auditeurs juifs de Jésus à son discours sur le pain vivant. Il est toujours difficile pour nous comme pour eux d’entendre ces paroles de Jésus et d’y croire pleinement; de ne pas voir là qu’une allégorie ou des paroles abstraites qui n’ont que peu de liens avec la réalité qui est nôtre. Nous sommes comme confrontés à l’impossible. Il faut oser croire qu’il vit vraiment en nous et que notre vie peut se greffer à la sienne et être promise à la même plénitude. Croire que, comme pour lui, la mort n’est pas le dernier mot de tout. Et Il faut, pour y arriver, garder l’esprit ouvert, être capable d’étonnement et d’admiration. Peut-être faut-il aussi un esprit qui a été affermi par la parole qui devient réponse au besoin profond du cœur humain : croire que l’infinitude de nos désirs et de nos faims puisse être entendue et satisfaite à jamais.On reste admiratif devant semblable évocation de vraie présence; on doit aussi en venir à la louange et à l’action de grâce. Plus encore, dépassant l’apparent insurpassable obstacle du possible et de l’évidence, il faut en venir à devenir vraiment ce que l’on reçoit en ce don de pain vivant : des êtres capables, comme lui, de don et de partage; capables de refaire la vie pour soi et pour les autres; capables de demeurer et d’aider à demeurer dans l’état de vie.

Communauté chrétienne Saint-Albert-Le-Grand de Montréal