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5e Dimanche du Carême (B)

22 mars 2015

La vie, comme un printemps, renaît encore, et pour toujours

Jérémie 31, 31-34

Jean 12, 20-33

 

Yvon D. Gélinas

Yvon D. Gélinas

Des propositions, des phrases, souvent entendues, souvent reprises, mais qui laisse toujours comme une idée, une vague image d’une fin inévitable. Si le grain de blé ne meurt… Perdre sa vie…Quand j’aurai été élevé de terre, dit Jésus signifiant par là de quelle mort il allait mourir. Et voici que s‘étend sur le jour l’ombre puissante de la croix. Tout cela semble bien s’accorder avec une fin de carême, un temps de retour sur soi, sur des égarements peut-être qu’on regrette. Le temps, les duretés de ce temps présent, aidant, on sent monter au cœur comme un voile de tristesse, et, bien sûr, d’une certaine inquiétude. Avons-nous raison de voir et penser ainsi ? De nous laisser entraîner sur de telles avenues ? Est-ce là la juste perspective qui s’ouvre sur le chemin que nous avons à parcourir ?        

Le grain de blé est jeté en terre, il meurt, mais alors il porte beaucoup de fruits. On perd sa vie en voulant la garder, la garder pour soi. Mais il est possible aussi d’avoir l’impression de la perdre pour la garder en une autre vie, plus heureuse. Il sera élevé de terre sur le bois de la croix, mais ce sera encore un moment de gloire, la croix devenant source de lumière qui éclaire la route et attire hors du désert de nos vies. En réalité rien ne nous parle aujourd’hui d’une fin, d’une mort seulement, mais bien plutôt d’un renouveau, d’une vie, de la vie véritable.    

Perdre sa vie en voulant la garder. Garder cette vie dont on se satisfait, que l’on finit par aimer. Mais une vie qui souvent se replie en elle-même, qui ne veut pas voir ce qui est trop dur, ce qui est irrecevable. Qui se ferme aussi à la vue des autres, à l’écoute de leurs appels. C’est trop souvent le petit bonheur immédiat étranger à tout réel avenir.     

Se détacher de sa vie, semblant vivre une perte. Mais c’est la vie ouverte qui prend alors la place. Vie qui voit le mal, les détresses de toutes sortes, les arrachements inéluctables. Mais vie qui s’ouvre à autre chose que soi seul, qui s’ouvre aux autres, jusqu’à l’Autre, vie qui partage, donne et reçoit.      

           

Ce ne sont pas là que de vagues rêveries, des consolations que l’on se donne, qui ne repose que sur des promesses. Des promesses qui ne seront réalité que dans un avenir bien imprévisible, bien au-delà du quotidien de notre existence et de nos vies.        

Quand le grain de blé est jeté en terre, il ne fait pas qu’apparemment mourir, il travaille, il se développe en mutation, il fait de la vie. La vie qui  semble perdue n’est pas qu’arrachement; dans ses détachements elle est sourdement, silencieusement accomplissement, multiplication en tant d’autres formes de vie pour soi en même temps que pour la suite du monde. Cet achèvement, ces dépassements sont le lot de toutes vies, même de celles qui semblent stériles à ses propres yeux comme aux yeux des autres, aux yeux de qui ne sait pas, n’accepte pas de tout voir, qui renonce à toute ouverture à un sens possible. C’est le chemin que nous avons à parcourir, c’est le chemin de toute vie.         

           

Mais il y a plus et mieux encore. C’est le chemin vers Pâques. C’est le chemin que Jésus a marché avant nous et pour nous ; son chemin vers la gloire et la lumière, mais chemin qui passait aussi par la croix. Le chemin dont il a eu peur : Dirai-je : Père délivre moi de cette heure ? Il a porté nos questionnements et nos incertitudes, nous peines et nos peurs. Il en a fait de la confiance, un affermissement dans l’espérance. Il a tout tourné vers la vie à laquelle il veut nous entraîner. Qu’il veut nous apprendre. Il a marché avant nous notre chemin, il l’a marché pour nous. Pas seulement pour nous donner un exemple, un modèle à reproduire. Mais pour bien marquer sur les routes de nos vies les traces de ses pas dans lesquelles nous marquons à notre tour la trace de nos pas, avec le poids de nos peines et de nos bonheurs. Pour que comme lui nous puissions nous ouvrir à la confiance et à l’espérance.         

           

Nous voici presqu’à la fin du carême. Alors que nous marchons vers Pâques, nous nous rappelons qu’il est venu, qu’il a porté nos peurs et nos échecs. Il a témoigné de sa foi, de sa fidélité et de cette courageuse liberté que portait son espérance. Il est venu, et il a bouleversé par sa parole qui marque notre mémoire, nos manières trop étroites – souvent trop peu audacieuses – de voir. Il nous découvre un espace avec des amorces de sens : la vie donnée, la mort qui porte fruit et s’ouvre encore en vie. Il est venu, et il nous a rappelé que tout n’est pas que promesse pour un vague futur, que déjà, même quand nous ne pouvons reconnaître que notre faiblesse, on peut encore mettre en ce monde un peu d’espérance, un peu d’amour; que sous des aspects parfois bien gris, un travail se fait, et que la route s’ouvre vers un accomplissement : c’est le déjà là et le pas encore… et la vie, comme un printemps, renaît encore, et pour toujours.

Communauté chrétienne Saint-Albert-Le-Grand de Montréal