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2e Dimanche du Carême (B)

1er mars 2015

  

Une invincible confiance par excès d’amour

Genèse 22, 1-9a.10-13.15-18

Mc 9, 2-10

Bruno Demers

Bruno Demers

Connaissez-vous des gens qui exagèrent souvent? Par exemple, un beau-frère, un gendre, qui en met toujours un peu plus quand il raconte le nombre de kilomètres qu’il a parcouru en ski de fond ou encore le peu de temps qu’il faudrait pour réparer l’évier de la salle de bain. Nous-mêmes, de temps en temps, nous exagérons un peu telle difficulté ou telle prouesse pour capter l’attention de notre auditoire. Les textes d’aujourd’hui nous transportent dans le monde de l’excès parce que, dans la foi, il y a quelque chose d’excessif.

,Le récit du sacrifice d’Abraham recèle en effet quelque chose d’exagéré, d’excessif. Un Dieu, supposé bienveillant envers les humains, demande à Abraham de lui sacrifier son fils, son unique fils qui pourrait lui assurer une descendance! Vous comme moi, nous sommes toujours scandalisés par une telle demande de la part de Dieu, demande qui vient contredire la promesse qu’il avait faite à Abraham! Or, le véritable enjeu du récit est ailleurs. Comme il est dit au début du texte : « Dieu mit Abraham à l’épreuve ».

En effet, ce récit a pour but d’illustrer l’attitude spécifique d’Abraham à l’égard de Dieu. Il réagit avec promptitude. Il entend la demande et, sans poser de questions, fait les préparatifs nécessaires pour se mettre en route avec Isaac. À la disponibilité d’Abraham, s’ajoute une confiance telle que, jusque là, il n’imagine peut-être pas que Dieu va vraiment lui demander de tuer son fils. Mais Abraham obéit et il prépare le bûcher. Or, au moment de donner le coup fatal sur l’enfant, la Parole de Dieu se fait entendre par la voix de l’ange : « Ne porte pas la main sur l’enfant! Ne lui fais aucun mal! Je sais maintenant que tu crains Dieu : tu ne m’as pas refusé ton fils, ton fils unique ».
L’épreuve d’Abraham est réussie. Par cet acte apparemment absurde, Abraham fonde une expérience religieuse nouvelle dans l’histoire de l’humanité : la foi! Dieu ne donne aucune justification rationnelle. Il n’attend qu’une chose : qu’Abraham s’en remette totalement entre ses mains. L’invincible confiance, c’est ce que les juifs, les chrétiens et les musulmans reconnaissent en Abraham, le père des croyants. On ne peut pas enfermer Dieu dans les catégories d’une connaissance rationnelle. La véritable connaissance de Dieu relève de l’expérience du vécu, à la manière d’Abraham.

L’Évangile nous présente une autre scène exagérée, excessive, qui dépasse le vraisemblable. Nous sommes sur une haute montagne, le lieu par excellence de la rencontre avec Dieu. Jésus est entouré de deux personnages du passé : Moïse et Élie. Tout à coup,« Ses vêtements devinrent resplendissants, d’une blancheur telle que personne sur terre ne peut obtenir une blancheur pareille. Celui-ci est mon fils bien-aimé, écoutez-le! »

La Parole de Dieu qui avait loué l’invincible confiance d’Abraham invite maintenant à écouter celui qui incarne, dans ses paroles comme dans ses gestes, la parfaite foi-confiance en Dieu. Avant ce récit, Jésus avait annoncé sa passion. Maintenant, Dieu, par la transfiguration, vient authentifier le parcours que Jésus s’apprête à emprunter. Car, selon la connaissance rationnelle de l’époque, le Messie ne pouvait pas suivre un chemin d’exclusion, de souffrance et de mort. Or, comme pour Abraham, la foi implique parfois de faire confiance à Dieu au-delà de ce qui nous apparaîtrait plus logique.

Sur notre route vers Pâques, nous sommes conviés aujourd’hui à réfléchir sur la confiance que nous accordons à Dieu. La foi, ce n’est pas d’abord un ensemble de croyances ou de doctrines. C’est premièrement, une attitude de confiance en Dieu. Sur les diverses routes de nos existences, des événements surviennent qui mettent à l’épreuve notre foi au projet de bienveillance de Dieu sur le monde. Or, depuis la transfiguration et la résurrection, nous croyons que son Esprit est présent à travers tous les petits gestes qui font reculer la souffrance, le mal et la mort.

Aujourd’hui, Dieu nous invite à nous laisser atteindre par des visages transfigurés par l’amour comme ceux de Mère Térésa ou de Jean Vanier ou encore d’autres peut-être que vous connaissez. La gloire de Dieu n’est peut-être pas tant le rayonnement d’une lumière intense que le rayonnement qui procède de l’excès de l’amour, de l’excès de la charité. Dans toutes les exagérations des textes d’aujourd’hui, la Parole de Dieu vient nous dire que la seule réponse à l’excès du mal, et Dieu sait que nous y sommes malheureusement confrontés, c’est l’excès de l’amour. Des signes et des prodiges de la charité continuent à transfigurer notre monde. Nous sommes invités à nous y associer.

Communauté chrétienne Saint-Albert-Le-Grand de Montréal