Bandeau de la communauté

Imprimer

 

25e Dimanche du Temps Ordinaire (A)

21 septembre 2014

La bouleversante générosité de Dieu

Isaïe 55, 6-9

Matthieu 20, 1-16

Yvon D. Gélinas

Yvon D. Gélinas

On entend proclamer cette parabole, on la lit dans son ensemble, comme d’un premier coup d’œil, et nous vient alors à l’esprit la parole qu’Isaïe prête au Seigneur : Mes pensées ne sont pas vos pensées, et mes chemins ne sont pas vos chemins. Cela pour une raison bien simple : tout de suite on a saisi que le maître du domaine, c’est le Seigneur, et que sa vigne c’est ce Royaume dont Jésus nous a tant parlé.    

Il est bien juste de trouver en cette parabole une image de Dieu – d’un Dieu qui est père, qui est notre père – une image qui nous aide à comprendre que la logique de l’action de Dieu est bien au-delà, bien au-dessus de notre logique à nous. Oui, c’est juste, mais cela n’éclaire pas entièrement ce texte complexe, riche de biens des valeurs mais encore surprenant, nous laissant perplexes.         

Comme bien souvent avec les paraboles racontées par Jésus, la clé de l’interprétation et de la compréhension nous est donnée à la toute fin du récit, voire dans les dernières phrases. Ici, elle est dans la réponse adressée à cet ouvrier qui se plaint au maître du domaine et qui lui dit le ressentiment que son attitude fait naître en lui. Vas-tu regarder avec un œil mauvais parce que moi je suis bon? Tout tient ici dans la bonté de Dieu, dans sa bonté généreuse qui commande toute son action si déroutante à nos yeux parce que nous, notre bonté envers les autres, comme avec nous-mêmes, est trop souvent, trop facilement conditionnée et limitée par le souci du mérite, de ce que nous croyons être le juste mérite qui peut appeler la bonté.         

Ce n’est pas un reproche que le maître du domaine adresse à l’ouvrier mécontent, qui ne comprend pas, qui a le sentiment d’une injustice. Non, ce n’est pas un reproche, c’est une parole qui veut établir dans un autre univers que l’univers trop restreint – mais juste quand même – né de la condition humaine. À ce sentiment d’injustice, il est aussi rappelé que le salaire reçu est celui qui avait été proposé et accepté. À nous il est rappelé en même temps que nous n’avons pas à nous appuyer seulement sur nos mérites, à nous comparer aux autres, pour prendre conscience et faire état de la bonté et de la justice de Dieu dans les dons que librement et avec abondance – malgré parfois la difficulté à le reconnaître – Dieu gratuitement nous donne.

Pour mieux lever le doute qui persiste en nous sur la justice de Dieu à notre égard, doute qui souvent s’exprime dans la formule bien connue : « Qu’ai-je fait à Dieu pour être ainsi traité? », revenons plus avant dans la parabole. Au tout début, le maître du domaine sort pour appeler ceux qui sont sans travail, et par conséquent sans salaire, à s’employer au labeur et à la récolte de sa vigne. Et puis il fait de même à plusieurs reprises jusqu’à la fin du jour, à la cinquième heure. Elle est sans limites la volonté du maître de procurer travail et récompense à ceux qui attendent et espèrent un emploi, et même à ceux qui n’ont plus d’attente ni d’espoir puisque c’est la fin du jour.         

Et nous voici encore ramenés à considérer la générosité, la toute gratuite bonté de Dieu. À nous qui aux déserts de nos vies attendons un sens à notre vie, un terrain où déployer nos énergies et nos capacités, il est dit que Dieu appelle à travailler en son Royaume, à continuer son œuvre de création, à entrer dans son bonheur, à nous tourner vers les autres pour les entraîner, dans la mesure du possible, sans dominer ni imposer, sur les chemins de vie que le Seigneur nous propose. La générosité de Dieu qui ne se contente pas de donner, comme si nous n’étions que faiblesse et besoin, mais qui fait de nous des collaborateurs et nous ouvre ainsi à la possibilité de participer à sa bonté.           

Et plus encore. Dieu appelle et donne, même, surtout peut-être, à ceux et celles que les autres oublient d’embaucher les jugeant incapables, trop démunis, inutiles. Personne ne vous a embauchés? Alors venez vous aussi travailler à ma vigne.

Ainsi ne sont pas résolus tous les doutes, toutes les interrogations que fait naître en notre esprit et en notre réflexion cette assez mystérieuse parabole si loin de nos visées habituelles. Mais quand même nous est ainsi révélée une parole de libération et d’espoir. Libération de notre crainte d’être trop faible, sans grand moyen pour être utile dans la construction d’un monde de justice et de paix. Dieu a un regard pour tous, donne une part de travail en sa vigne, part ajustée à la mesure et à condition de tous et chacun. Il y a une logique de la raison, de la prévoyance, de la compétence; il y a encore une logique du cœur, celle qui compte le plus aux yeux de Dieu, logique capable d’amour et avant tout de simple bonté qui fait la tâche bien accomplie.     

Et puis les premiers seront les derniers et les derniers premiers conclut la parabole. Ce qui revient à dire : dans la logique du cœur, il n’y a pas de degrés, de compétition, de premier ou de dernier. Aux yeux de Dieu. il y a place, et heure, et labeur, pour tous et toutes.

 

Communauté chrétienne Saint-Albert-Le-Grand de Montréal