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5e Dimanche du Temps Ordinaire (A)

9 février 2014

  De sel et de lumière

 Is 58,1-5

I Cor. 2, 1-5

Matt. 5, 13-16

Guy Lapointe

Guy Lapointe

Les membres de l’équipe liturgique, qui ont préparé cette célébration, n’ont pas hésité à garder, pour ce dimanche, les trois passages bibliques que nous venons d’entendre. Avouez que ces passages ont de quoi nous interpeller profondément. Ils nous redisent, à leur façon, à quoi ressemble l’Évangile.     

Isaïe nous interpelle : « Partage ton pain avec celui qui a faim. Recueille chez toi le malheureux sans abri… ». Moins que des Jeux olympiques, on parle beaucoup ces temps-ci des itinérants dans notre ville et ailleurs : « Recueille chez-toi le malheureux sans abri… ».       

Guy LapointePaul, dans sa lettre aux Corinthiens, se souvient des premières heures de sa vie de croyant : « C’est dans la faiblesse, craintif et tout tremblant, que je suis arrivé chez vous… ».

Ces deux moments ouvrent à cette affirmation de Jésus à ses disciples : « Vous êtes le sel de la terre… vous êtes la lumière du monde… ». Est-il possible d’entendre ces appels, bien tranquillement, alors qu’ils parlent de partage, de faiblesse et de crainte, de sel et de lumière. Ce sont là les enjeux de la vie.          

À première vue, les deux images du sel et de la lumière se contredisent. Le sel donne du goût aux aliments quand il disparait. Le sel ne doit pas s’affadir, autrement le goût de la vie risque de perdre de sa saveur. Au contraire, la lumière ne doit pas être cachée, mais mise en évidence. Et Jésus insiste : pas sous le boisseau, mais sur le lampadaire. Oui, des affirmations qui sont des interpellations pour nous aujourd’hui, dans cette assemblée.      

Parlant de sel. En relisant encore et encore le passage de l’Évangile pour préparer mon homélie, je me suis rappelé le plaisir que j’avais éprouvé, dans les années 60, alors que jeune dominicain j’avais lu ce merveilleux petit livre d’un dominicain français — pas de chauvinisme de ma part — Serge de Beaurecueil, et qui avait pour titre : Nous avons partagé le pain et le sel (Cerf, 1965). Dans ce livre, Serge de Beaurecueil évoque un fait marquant de sa vie à Kaboul, en Afghanistan. Un de ses élèves musulmans vient un jour frapper à sa porte : « Je voudrais, lui dit-il, que vous veniez chez moi, nous partagerions le pain et le sel, puis je viendrais chez vous, nous partagerions le pain et le sel et nous serons amis pour toujours ». Ce qui fut fait et scella une grande amitié. Magnifique! Depuis, je n’ai jamais plus lu ce passage de Matthieu de la même manière. Le partage du pain et du sel, pratiqué dans plusieurs cultures, est un geste symbolique d’amitié et d’amour très fort. Au temps de Jésus, ce devait l’être aussi. Nous ne devons pas laisser le sel s’affadir. Sans sel, le monde perd de sa saveur.

On peut dire la même chose de la lumière. Sans lumière, nous nous égarons, nous ne savons plus où nous allons jusqu’à vivre des existences privées de sens. Remarquez: Jésus ne dit pas « soyez » sel et lumière, mais « vous êtes sel et lumière ». Quand Jésus dit à ses disciples : « Vous êtes la lumière du monde », il leur indique qu’ils seront le reflet lumineux du cœur même de Dieu, dans la mesure de leur expérience de foi, de leur espérance et de leur compassion. Nos gestes et nos paroles, quand ils révèlent l’amour sur les forces de fermeture et de lumière sur les ténèbres, ces gestes parlent de Dieu, révèle une image de Dieu.  

Tous les passages entendus aujourd’hui disent, à leur façon, le souci de transparence. Si nous tentons d’orienter notre vie en pratiquant ce que nous demande Isaïe : « Partage ton pain et ne te dérobe pas à ton semblable », alors notre lumière jaillira comme l’aurore. Et nous serons le sel de la terre. C’est la meilleure attitude pour parler de Dieu, de la profondeur de Dieu. Alors notre lecture du réel change. Elle invite à faire briller la lumière dans le monde comme Jésus l’a fait. Lumière du pain partagé, lumière de la santé retrouvée. Lumière de la dignité humaine reconnue.      

Donner du goût au monde comme le sel dans la nourriture. Être sel de la terre, c’est témoigner de notre espérance. Donner de l’éclat au monde comme la lumière dans une pièce, c’est s’engager à rétablir la justice dans l’esprit des Béatitudes et pratiquer le grand souhait de l’AMOUR qui libère. Souhaitons que notre agir soit inspirant et nous donne à nous-mêmes et aux autres le goût de croire en Dieu et de bâtir un monde plus humain et, je l’espère, un monde plus lumineux.

Communauté chrétienne Saint-Albert-Le-Grand de Montréal