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Fête de la Présentation de Jésus au Temple (A)

2 février 2014

La perspicacité du vieillard Syméon

Hubert Doucet

Hubert Doucet

Malachie 3, 1-4

Luc 2, 22-35, 39-42

Lorsque j’étais enfant, la Chandeleur, comme on disait alors, était une assez belle fête. Le 2 février, on remisait la crèche, on enlevait les dernières décorations de Noël et on défaisait le sapin si on avait réussi à le conserver jusqu’à cette date. Pour les enfants, c’était surtout le jour où nos mères nous faisaient des crêpes. Pourquoi ce mets? Parce qu’une crêpe ressemble à un disque doré, symbole du Soleil, dont le retour commençait enfin à se préciser.        

Hubert DoucetDans tout cela, le vieillard Syméon n’avait à peu près rien à voir avec nos préoccupations du jour. J’avouerai même que ce personnage, un peu étrange, plutôt folklorique, ne m’a jamais vraiment intéressé… jusqu’à la semaine dernière. En lisant les textes de la liturgie pour me préparer à la rencontre de l’équipe en charge de notre célébration d’aujourd’hui, j’ai été frappé par la figure de ce vieillard. Il y avait en lui quelque chose qui m’a impressionné.    

Très tôt dans sa vie, cet homme a choisi une orientation bien déterminée. Il avait une vision claire de ce que serait l’avenir du peuple choisi : « Il attendait la Consolation d’Israël ». Sa vie spirituelle avait été nourrie des prophéties d’Isaïe sur la gloire future de Jérusalem. Syméon était convaincu que Dieu rétablirait prochainement son règne. Il vivait dans la certitude d’une restauration glorieuse. Cette grandeur presque insoutenable passait cependant par les exigences du feu, comme le dit le livre de Malachie : « Qui pourra soutenir le jour de sa venue? Qui pourra tenir debout lorsqu’il se montrera? ». Au terme de sa vie, il avait la certitude que tout cela allait bientôt se réaliser.    

Surprise! Voilà qu’un enfant tout simple que rien ne distingue des autres enfants amenés au temple par leurs parents va lui ouvrir des horizons nouveaux. Il y avait sans doute des thèmes de petitesse dans sa spiritualité, mais de là à passer du Messie Sauveur à l’accueil de l’enfant, il y a tout un fossé. Il semble pourtant le franchir sans difficulté. Ouvert à l’Esprit, il est capable de discerner une réalité que personne d’autre ne semble voir. L’Esprit est chez lui plus lumineux et perspicace que le cadre de pensée dans lequel on aurait peut-être tendance à l’enfermer, compte tenu de son grand âge. C’est d’abord cette attitude d’ouverture que j’ai admirée chez lui lorsque j’ai lu cet évangile.  

Sa perspicacité, on pourrait dire sa sagesse, l’a amené à saisir une seconde réalité qui, elle aussi, nous sort de notre confort. Que le salut passe par l’enfant entraîne des conséquences majeures pour notre engagement. Si le Messie est un Roi sauveur, un Chef puissant, nous n’avons qu’à le suivre, il suffit de lui obéir. Nous serons fiers de combattre pour ce roi de qui nous recevrons les ordres, devenant ainsi passifs et dépendants.      

Mais si le salut passe par l’enfant, c’est à nous qu’est confiée la tâche de l’aider à grandir dans la communauté. L’enfant a besoin de nous, il est remis entre nos mains. C’est, dans ce contexte, que prend tout son sens la dernière parole de Syméon : « Il sera un signe de division. […] Ainsi seront dévoilées les pensées secrètes d’un grand nombre. » En effet, un tel salut ne peut que remettre en question des façons statiques de penser et de faire. Il ne peut que déranger une vision toute faite du salut, comme la vie de Jésus en témoigne.   

La perspicacité de ce vieillard nous invite à la lucidité sur le type de salut que nous attendons : accueillerons-nous un enfant que rien ne distingue mais qui dépend de nous ou choisirons-nous un chef puissant, avec la conséquence de nous infantiliser?

Voilà quelques propos que je voulais partager avec vous au sujet du vieillard Syméon dont la manière d’être a beaucoup stimulé ma réflexion. J’y ai trouvé de la lumière.

Communauté chrétienne Saint-Albert-Le-Grand de Montréal