26e Dimanche du Temps Ordinaire (C)
29 septembre 2013
AFFIRMER, INSTRUIRE, PRIER
Benoît Lacroix
I Deux extraits de la Parole biblique dominent la liturgie première de cette célébration du dimanche 29 septembre : un texte plutôt affirmatif de Paul l’Apôtre ; il nous invite à la justice, à l’humilité, à la douceur même, mais aussi « à bien te battre pour la foi ». Puis l’évangile, Jésus, celui qui nous réunit ce midi, n’y va pas de main morte : il envoie le riche en enfer.
Les mots sont là, cinglants. D’une part un riche, richissime riche, vêtements de luxe, festins somptueux. Tout près, au portail de la salle à manger, un pauvre couvert de plaies, il ramasse les miettes de la table, des chiens lèchent ses plaies. Aucun dialogue entre ce riche et ce pauvre. Deux solitudes. C’est pénible.
Notre Jésus, soi-disant « doux et humble de cœur », a sûrement le sens du drame. N’oublions pas cependant qu’il s’agit d’une parabole. Ici Jésus imite quelques prophètes qui eux aussi possédaient l’art de se mettre en colère.
II Mais, qui est trop riche aujourd’hui ? Qui sont les pauvres à l’arrière-plan, sans moyens, sans défense ? Sans être nécessairement malins, nous pourrions opérer une transposition de situation qui nous intéresse tous et toutes. Le pouvoir médiatique est aujourd’hui devenu si puissant et si riche que nous avons peine à le contrecarrer. Ce pouvoir s’impose partout dans l’univers des individus et des nations. Qui le possède est riche en influence; les autres, nous autres, nous sommes pauvres. Cela arrive présentement dès que l’on parle de foi, de religion.
Que devons-nous faire ? L’antique sagesse veut que l’on ne discute pas avec les sourds, mais qu’en même temps nous agissions selon nos convictions personnelles. Ne lutte pas contre le vent, ferme ta fenêtre dit un proverbe du Proche-Orient… Avec ceux, celles qui sont prêts à dialoguer, la discussion s’impose de même que l’affirmation publique va de soi, du moins dans les sociétés libres.
Deux attitudes déjà chez Jésus de Nazareth : il parle ouvertement en divers lieux, mais ne discute pas avec Hérode, et à peine avec Pilate. L’attitude de notre tradition dite chrétienne est presque toujours la même. Quand une personne ne croit à rien, ne discute pas. Écoute-la. Si possible, cherche à l’instruire. L’instruire sans nécessairement la convaincre. Ce qui s’appelle la charité qui donne sans recevoir.
Au Québec, une urgence s’impose. L’ignorance religieuse est telle que la discussion apparaît parfois inutile. Reste l’instruction du peuple et celle des enfants d’abord.
Et surtout le témoignage personnel, discret ou affermi, selon les situations.
III Comment ne pas nous redire et sans faux zèle, que la religion chrétienne est une des plus riches qui soit et par le contenu et par son histoire. Simplement à relire les Evangües, à penser à des génies comme Augustin, Bach en musique, Thérèse d’Avila en mystique, Vincent de Paul, Charles de Foucault…
Mais entre nous, il est cependant une loi, la même, la plus belle, l’excellente loi de charité. Charité avec tous ceux, celles qui nous contredisent, qui refusent de vivre dans la différence. Apprenons en même temps à discuter pour mieux apprendre, apprendre à nous reconnaître différents. Finalement discuter pour mieux apprendre à nous aimer !
Et ceci entre nous croyants, catholiques, pratiquants de gauche de droite, il y a aussi cette réponse ingénieuse et inoffensive qui existe depuis des millénaires, pour apaiser les esprits autant que pour rassurer les consciences : c’est la prière. La prière qui est unique en son genre, personnelle, secrète, possible à tous. La prière de sainte Monique qui convertit Augustin et obtient tant d’autres bienfaits…
Prier c’est aussi aimer. Avec nos proches, parents, enfants, incroyants ou négationnistes, la patience, doublée de bienveillance ou plutôt triplée par la prière, comporte des avantages inédits sinon incalculables… Elle est plus forte que nos mots, et cela inclut aussi les miens.
Enfin, et sans nous enorgueillir outre mesure, admettons que notre assemblée est exemplaire : composée de personnes différentes, et pourtant nous faisons assemblée, nous écoutons et chantons nos textes sacrés, les mêmes pour tous. Nous prions ensemble, si bien que le Seigneur nous invite chacun, chacune à sa table pour la communion, sommet de cette célébration.