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20e Dimanche du Temps Ordinaire (C)

18 août 2013

 Feu, divisions… et l’Évangile?

Jérémie 38, 4-6, 8-10
Luc 12, 49-53

 

Yvon D. Gélinas

Yvon D. Gélinas

Et voilà. C’est tout. Elle est bien brève la parole évangélique de ce matin. Elle est surtout déconcertante. Dans le cadre d’un Évangile qui parle sans cesse de partage et de miséricorde, de paix donnée et de paix à désirer et construire, voici qu’on entend : Je suis venu apporter le feu sur la terre… Je ne suis pas venu mettre la paix dans le monde, mais la division... Un simple regard sur l’ensemble de l’Évangile, un temps de réflexion, nous font cependant découvrir quel message ce texte d’aujourd’hui veut nous faire entendre.
Rien de destructeur dans ce feu que Jésus est venu apporter. C’est plutôt l’expression de son désir profond d’annoncer à tous et partout une Bonne Nouvelle qui éclaire, réchauffe et fait briller la vie. Et puis cette constatation qui dit le réalisme du message de Jésus, l’insertion de l’Évangile dans un monde concret, dans le vécu de la condition humaine. Pour les disciples de Jésus, pour les croyants et croyantes de tous les temps – un peu comme Jésus le premier l’a connu – une foi accordée à la Parole, une décision pour des valeurs, pour un mode de vie, pour un engagement à la suite et en même temps que l’on vit une foi, cela ne peut pas ne pas susciter des réactions, des oppositions qui souvent et tristement conduisent à des divisions. D’autant plus, et ne l’oublions pas, que la parole qui fait naître la foi et l’engagement, est une parole de feu, une parole révolutionnaire qui bouscule, qui interpelle, qui veut changer le monde.

Allons plus loin. Les paroles entendues ce matin sont avant tout un appel à la fidélité, au courage qu’entraîne tout engagement.

L’exemple de Jérémie qui demeure fidèle à ses convictions, même au prix de se retrouver embourbé dans une citerne, nous adresse une question. D’autant plus que l’engagement de Jérémie, sa fidélité à cet engagement, suscite un éveil à la sympathie et, qui plus est, à la justice chez un étranger qui ne partage pas la foi de Jérémie. Et la voici cette question qui se dresse devant nous :

Avons-nous le courage pour tenir en la fidélité en un engagement comme en une foi, l’audace pour nous appuyer sur le témoignage de Jésus quand l’opposition vient de qui nous est proche, de notre milieu de vie, de notre propre famille et que c’est là que peuvent se faire jour les divisions? On ne peut consentir à tout avec des réserves intérieures. On ne peut pas toujours taire, cacher, diluer ses convictions et ses valeurs pour gagner une paix, une unité précaires et souvent illusoires. Il en va – et ce n’est pas rien – de notre conscience.

L’Évangile est chemin à parcourir, marche à poursuivre. On n’accepte pas ni de tout trancher, de tout briser une fois pour toutes, ni de se contenter de ce qui est. On avance dans la tolérance. Tolérance à l’égard des autres et tolérance que l’on est en droit d’attendre à notre égard. De là, on avance encore en recherches d’unité à susciter, de communions à construire. Tout devient question de regard posé sur l’autre : regard de respect, d’empathie, finalement d’amour. L’autre qui devient le prochain quand on accepte de le rencontrer. Les croyants et croyantes ont à vivre – pas seulement à rêver ou désirer – l’espérance de la communion dans l’esprit des « Béatitudes ». Demeurer pauvre et humble et, avec cette force, aller vers la justice jusqu’à la paix. Non pas en taisant et cachant, non pas en cédant toujours, mais comme les porteurs d’un amour et d’une volonté de rencontre. Va-t-on se séparer du fils, de la fille, et de la belle-mère, leur refusant le respect et l’amour? Est-il impossible, tout au long du chemin, de faire naître chez eux, pour nous, humblement et discrètement, le respect et l’amour?

Et puis nous ne sommes pas seuls, livrés au hasard de la marche. Il y a le difficile départ, puis la longue marche de ceux et celles qui nous ont précédés dans la foi. Nous sommes de cette lignée de pèlerins vers Dieu. À leur suite, avec eux, nous faisons route. Route vers Dieu et en même temps, par le même mouvement, vers nous-mêmes, vers le plein de notre vie. Habités par la promesse, les yeux fixés sur Jésus, à cause de Jésus, à sa manière, sans drame ni sentiment du tragique, avec au cœur une confiance : ce chemin il l’a marché avant nous et il le marche toujours avec nous; nous avançons. Nous avons choisi et gardons volonté d’avancer comme si déjà, aux creux même des difficultés, nous verrions l’invisible. Et cela, déjà, nous est bonheur. C’est comme un feu, éclairant et purifiant, qu’on veut voir bien allumé, qu’on veut voir se répandre.

Communauté chrétienne Saint-Albert-Le-Grand de Montréal