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14e Dimanche du Temps Ordinaire (C)

7 juillet 2013

Isaïe 66 12-14c

Luc 10, 1-12

Denis Tesson

 

Dans ce récit, il s’agit de préparer la visite prochaine de Jésus. Pour l’heure, ce Jésus n’est encore que prophète, messie sans doute, voire plus, selon les aveux des disciples les plus proches.

Mais ces soixante-douze, ce sont des apprentis, enthousiastes certes, mais peu fiables. Loin de leurs bases, Ils risquent de faire des erreurs, de paniquer, il vaut mieux les envoyer deux par deux!!

Denis TessonCes disciples m’intéressent, je voudrais les comparer à Jean-Baptiste, l’autre annonciateur, et aussi interpréter cet ancrage et ce mutisme qui leur sont imposés : ça peut éclairer ce que serait pour nous « Partir en mission ».          



Il y a deux semaines, en commentant l’Évangile de la St-Jean Baptiste, Laurent comparait la démarche de Jean, le précurseur, et celle de Jésus. Voici d’autres émissaires, d’autres annonciateurs :

 Comme Jean, ils entreprennent une mission au péril de leur vie; 

  • Pour eux aussi, la simplicité et le dénuement : ni sandales ni baton de marche
  • Du miel et des sauterelles pour Jean, l’alternance du jeune et des repas de fête pour Jésus, mais l’intimité et la monotonie de la table familiale pour les disciples.
  • Jean recevait les pélerins. Jésus vivait l’itinérance. Les disciples, envoyés au loin, sont enjoints de ne pas traîner en route et de se fixer dans la première maison accueillante.
  • Jean haranguait les foules. Jésus , au hasard des rencontres, improvisait une parabole ou confondait ses détracteurs. Les disciples, eux, sont sommés de se taire.

Se taire, ou presque.

 « Que la paix soit sur cette maison! » doivent dire les disciples. Je suppose que la bonne réponse est « Que la paix soit aussi sur vous, entrez! » Mais, précise Jésus : « s'il y a là un ami de la paix, votre paix ira reposer sur lui; sinon, elle reviendra sur vous. » Autrement dit, si la paix n’est pas accueillie, n’en gardez ni rancune, ni mépris, que cela renforce votre attitude de paix à vous. Pardonnez l’offense et soyez comme un agneau parmi des loups.

Donc, pas de prosélytisme, pas de porte à porte, pas de discours public. En fait, pas de mots — sinon ceux de la courtoisie — mais des services. Quelque chose comme : « Merci de votre accueil. Que puis-je faire pour aider et mériter le bol de soupe que vous m’offrez? »

Les disciples ne doivent pas être dans le discours, mais dans l’attitude et l’action : humilité, service de l’autre, écoute et, si Dieu veut, guérison. Et c’est seulement lorsque la guérison est reconnue, qu’elle est devenue signe, que le disciple peut prendre la parole. Dire à son hôte : « Voyez, le Royaume de Dieu est tout proche. Nous avons eu raison d’espérer ensemble. »

Et je suppose que les disciples ont dû aussi répondre à la question : « Ce Jésus, quand viendra-t-il chez nous? »… avec la probable réponse : « Je n’ai malheureusement pas accès à son agenda. Il est en route. Attendons-le!! »



Mettons-nous à la place de l’hôte : quand et comment aura lieu cette rencontre décisive? Nous aussi, nous aimerions vivre des moments de révélation : la Transfiguration, la chute de cheval sur la route de Damas. Mais nous en sommes réduits, nous aussi, à interpréter des témoignages.

Mettons-nous à la place des jeunes disciples : envoyés par Jésus, ils s’imaginaient capables de faire des discours, des miracles, des conversions. Ils sont prêts à risquer leur vie et on les envoie, tout banalement, partager la vie de famille dans la première maison dont on ne les chasse pas.

Ils ont foi en Jésus, ils se sentent prêts à parler du Royaume, mais sont enjoints de se taire : car ce n’est pas parce que l’Esprit vous interpelle que vous devenez son porte-parole. Personne ne parle au nom de l’Esprit. Ni eux, ni vous… ni moi qui ose l’homélie ce matin!!

Ils veulent agir : mais partir en mission, ce n’est peut-être pas entreprendre de changer le monde. Ce pourrait être observer, vivre avec les autres, agir en fonction de leurs besoins, prendre le temps de les comprendre pour les aimer comme ils sont. Ne pas vouloir changer leur univers, mais changer mon regard sur eux pour les en croire capables.

Ils veulent témoigner : mais témoigner ce serait aussi reconnaître, dans les tout petits gestes qui guérissent, la prophétie d’Isaïe : « votre cœur se réjouira, vos membres, comme l’herbe nouvelle, seront rajeunis… ». Un grand rêve sur écran géant, mais qui s’accomplit, par petites touches, à même le tissu de nos vies ordinaires.



Un dernier propos : au cours de l’été, nous ne serons pas seulement le disciple. Peut-être serons-nous l’hôte, qui prendra le risque d’ouvrir sa porte, d’offrir son hospitalité au parfait étranger, de l’inviter à sa table.

Un étranger, une étrangère. Mais son attitude de paix et son désir de rendre service seront si manifestes, que nous ouvrirons aussi notre cœur, que nous lui montrerons nos blessures. Elle parlera peu. Elle ne nous donnera pas de conseil. Elle nous écoutera et nous consolera. Sa paix nous envahira. Et elle nous fera nous souvenir d’Isaïe : « Je dirigerai vers vous la paix comme un fleuve. Vous serez comme des nourrissons que l'on porte sur son bras, que l'on caresse sur ses genoux. »

La paix partagée, l’espérance ranimée, puis la foi, peut-être, quand, troublé, le chercheur de Dieu a l’impression que c’est Dieu lui-même qui le cherche.

 

Communauté chrétienne Saint-Albert-Le-Grand de Montréal