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2e Dimanche de Pâques (C)

7 avril 2013

La tablette de Thomas

Édouard Potworowski

Édouard Potworoswski

 

Actes 5, 12-16

Jean 20, 19-31

Il est de ces textes que l'on peut lire et relire, et dans lesquels, à chaque lecture, on découvre quelque chose de nouveau.   
L'histoire de la conversion de Thomas est l'un de ces textes.            
Nous la connaissons si bien, cette histoire, que sa pertinence peut nous échapper parfois. Et pourtant!    
Chacun et chacune d'entre nous peut facilement se reconnaitre quelque part sur le chemin qu’a parcouru Thomas dans l'évolution de sa foi.
Édouard PotworowskiNous pouvons nous y reconnaitre, sur ce chemin, soit en progression, soit en régression, soit au point mort, soit encore en dérapage.        
Lorsqu’on lit le texte, il est un peu formel et solennel, et puis il y a ce passage des doigts dans les plaies qui nous laisse mal à l’aise.      
Alors jetons plutôt un coup d’œil derrière le texte pour voir qui était Thomas et ce qu’il a vraiment vécu. On peut facilement se l’imaginer, ce jeune homme à peu près du même âge que Jésus.   
Il vient, un soir, rejoindre ses amis. Il avait manqué la rencontre précédente. Ses amis sont encore sous le choc des événements récents et se sont enfermés dans un local. Thomas s'identifie, on lui ouvre la porte.   
"Salut les gars, quoi de neuf?"     
Ils se regardent, étonnés ou gênés, puis l'un d'entre eux annonce à Thomas que Jésus est ressuscité. Thomas est abasourdi. Il a sur lui le regard de tous les apôtres qui attendent sa réaction. Imaginez un peu la pression sur lui. Il doit réagir et rapidement. Lorsqu’il retrouve ses esprits, il se rend compte qu’il a trois options. La plus simple serait de rejeter toute cette histoire, car une fois qu’on est mort, c’est fini, et tous ont vu le corps sans vie de Jésus.         
Il aurait pu rejeter l'histoire de la résurrection.        
C’aurait été la solution facile, mais il ne l'a pas choisi, et je l’en félicite.       
La deuxième option aurait été d'accepter ce que lui disaient ses amis.            
Après tout, ils représentaient un groupe de gens fiables, une certaine autorité, et leur crédibilité à ses yeux aurait pu être suffisante pour qu’il accepte quelque chose qu'il ne pouvait pas comprendre.      
On rencontre de ces gens encore aujourd'hui qui disent, " Je n'y comprends rien, mais j'y crois. J'ai la foi du charbonnier et je me fie à l'autorité de ceux qui décident ce qu'il faut croire."           
Et l'on admire ces gens pour leur grande foi et on les place sur un piédestal. Je m'en voudrais de les juger, et de juger leur besoin d'une autorité qui leur dicte ce qu 'ils devraient penser et croire.  
Mais en même temps, je pense à l’Esprit. Parmi ses dons figurent la sagesse et l'intelligence.Thomas n'a pas accepté d'emblée la résurrection. Il a choisi la sagesse et l’intelligence de la foi.      
Et je l'en félicite.
Face à une situation difficile, vis à vis de laquelle il devait tôt ou tard prendre position, il a décidé librement de le faire plus tard. Il a choisi de s'acheter du temps, en se négociant des conditions. Il a mis, pour le moment, le concept de la résurrection sur une tablette.     
Nous avons tous une telle tablette. On y dépose les croyances qui nous sont proposées et que nous ne sommes pas prêts a accepter d'amblée. La mienne est assez bien garnie, croyez moi.           
Pour Thomas, la résurrection de Jésus méritait réflexion. Thomas voulait prendre une décision qui engagerait non seulement sa foi mais aussi sa raison. Une décision avec laquelle il pourrait vivre.   
Avec laquelle il serait à l’aise. Une décision qui accepterait que la raison a ses limites, et qu'au-delà de ces limites, il peut y avoir une réalité. C’est ça le défi que Thomas a choisi.Et nous devrions tous l’en féliciter.  
Ce qui s'est passé la semaine suivante est difficile à accepter au plan littéral. Mais le sens de l’image est incontournable. Le texte nous dit que Jésus vivant a invité Thomas à mettre sa main sur ses plaies mortelles. Quoi qu’il en soit, cette rencontre de Thomas avec Jésus ressuscité a été très personnelle, très intime et très puissante.      
Car à partir de ce moment, Jésus ressuscité faisait partie de ce en quoi croyait Thomas avec tout son être.          
Ce n’était pas une acceptation du bout des lèvres d’un concept théorique. Ce n’était pas la foi du charbonnier. Ce n’était plus une croyance déposée sur une tablette. Thomas avait maintenant une foi profonde, enracinée dans tout son être. Une foi intelligente, qui ne s’opposait pas à la raison, mais qui la dépassait.      
Une foi personnelle, aussi.Et donc distincte de la foi de chacun de ses compagnons. Un rapport personnel avec Jésus, comme ce devrait être le cas pour chaque chrétien authentique.    
Une acceptation totale non seulement de la résurrection mais aussi de ses conséquences. Cette foi faisait en quelque sorte partie intégrante de Thomas. Il pouvait dorénavant se présenter en disant : « Voici, je suis Thomas. Ce sont mes mains, c'est ma tête, mon cœur, mon intelligence, ma foi… mon seigneur et mon Dieu »          

Communauté chrétienne Saint-Albert-Le-Grand de Montréal