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Troisième Dimanche du Temps Ordinaire (C)

27 janvier 2013

Cette parole, c’est aujourd’hui qu’elle s’accomplit

Hubert Doucet

Hubert Doucet

Néhémie 8, 1-4a.5-6.8-10

1 Cor., 12, 12-30

Luc, 1, 14; 4, 14-21

Lorsqu’une petite équipe s’est réunie la semaine dernière pour préparer la célébration de ce dimanche, nous avons d’abord lu les trois textes que nous proposait la liturgie. Deux des textes allaient parfaitement ensemble, celui de Néhémie et celui de l’évangile de Luc. Ils nous parlent de la parole que le Seigneur adresse aux siens. L’autre, celui qui a trait au corps du Christ et que nous avons lu au tout début de notre célébration, nous semblait faire bande à part. Peut-être valait-il mieux le laisser tomber?  

Hubert DoucetEn discutant entre nous, nous nous sommes rendu compte que les deux textes sur la parole sont lus à une communauté d’hommes, de femmes et d’enfants qui ne peuvent éviter de réagir à ce qui est dit. Néhémie et Luc s’adressent chacun à un regroupement de croyants de tous âges. Quel que soit son contenu ou la manière dont elle est annoncée, cette parole demande à ceux et celles qui sont rassemblés : « Comment vous, comme corps de croyants, vous sentez-vous concernés par cette parole? Comment avez-vous l’intention de l’intégrer à votre vie ? »       

Dans le livre de Néhémie, le peuple de Jérusalem accueille le livre de Moïse comme un beau cadeau. Cette lecture qui lui est faite rend les gens heureux. Le peuple se met debout, lève les mains, se prosterne le visage contre terre. Il y a autant d’enthousiasme que lorsqu’on entend chanter un chœur de Gospel Singers.

Quand on connaît un peu l’histoire que ces gens viennent de vivre, on comprend leur enthousiasme. Plusieurs décennies plus tôt, le peuple était revenu de déportation. À ce retour d’exil, les gens avaient travaillé fort pour recréer la vie d’antan et tenté de reconstruire leur ville qui avait été largement détruite. L’expérience de reconstruction s’était révélée particulièrement pénible. En effet, durant toutes les années d’absence, des gens s’étaient installés à leur place, de même que la corruption. La confiance de la population a commencé à renaître lorsqu’est arrivé Néhémie.

Néhémie était un Juif de la Diaspora, haut fonctionnaire du roi de Perse, il avait demandé au roi Xerxès la permission de revenir à Jérusalem devant les difficultés majeures que les siens éprouvaient. Arrivé dans la ville, il s’était mis à la gouverner d’une main de maître. Il avait, par exemple, organisé des équipes de travail efficaces et les murs de la ville avaient été reconstruits en 52 jours, une semaine avant le 1er jour du 7e mois, la grande fête dont nous parle le texte que nous avons entendu. Aujourd’hui, on aimerait avoir des  dirigeants aussi bien structurés et efficaces pour administrer nos municipalités.    

Lorsqu’au jour de la fête, des milliers de personnes se rassemblent pour écouter la lecture du Livre de la Loi, le peuple ne peut qu’être heureux d’exprimer sa confiance dans l’avenir. Les  gens reçoivent cette lecture comme une action de grâces pour ce que le Seigneur a fait pour eux en leur envoyant Néhémie.      

Dans le texte de l’évangile, le contexte de la lecture est différent et également différentes sont les réactions que cette lecture suscite. Jésus rentre chez lui dans son village et, comme à son habitude, il se rend à la synagogue le jour du Sabbat où les gens sont rassemblés. Un responsable de la synagogue lui présente le livre du prophète Isaïe pour qu’il en fasse la lecture. Et le passage qu’il lit est le suivant : « L’Esprit du Seigneur est sur moi… Il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres… apporter aux opprimés la libération, annoncer une année de bienfaits… »   

Après une telle lecture, les gens attendaient sans doute quelques explications de la part de Jésus. Ils auraient sans doute aimé des précisions sur le choix de ce texte un peu obscur. Non, pas d’homélie, pas d’exhortation, pas de commentaire. Tout simplement, il s’assit et laisse les gens face à eux-mêmes.        

Comment reçoivent-ils ce texte? Se sentent-ils concernés ou, se disent-ils, c’est son affaire à lui? Ont-ils quelque chose à faire pour que la Bonne Nouvelle prenne forme et qu’une année de bienfaits se réalise? Rien n’est dit.   

Et tout à coup, Jésus brise le silence qui devait être intense. Une phrase, une seule : « Cette parole, c’est aujourd’hui qu’elle s’accomplit. » Pour l’assemblée qui était là, cette phrase expliquait-elle quelque chose? Ne creusait-elle pas davantage le questionnement? À quoi engageait-elle l’assemblée? Mais qu’est-ce qui s’accomplit aujourd’hui?    

Dans le texte de Néhémie, l’accomplissement est patent. Quelque chose de grandiose a été fait. Une communauté célèbre. Dans le cas de Luc, la congrégation de Nazareth est sans doute plus perplexe et même confuse.       

Le récit de l’évangile me semble plus près de notre aujourd’hui que ne l’est la fête que nous décrit l’histoire de Néhémie. Sans doute, croyons-nous à la Bonne Nouvelle et voulons-nous travailler à ce que la bonne vie advienne pour tous et toutes. Mais, nous nous demandons, parfois avec beaucoup de perplexité, comment une communauté peut-elle réussir cela dans notre aujourd’hui? En ce jour-là, Jésus n’a pas donné de réponse claire, sauf de dire : « C’est aujourd’hui que cette parole s’accomplit. » Cette parole, c’est comme si elle nous disait : à travers vos débats, vos questionnements, vos engagements, vous accomplissez la parole, vous faites advenir la Bonne Nouvelle.      

Autrefois, la Bonne Nouvelle apparaissait déjà faite. Aujourd’hui, notre expérience de croyants nous apprend qu’il faut, en quelque sorte, la faire surgir dans sa nouveauté première alors que les incertitudes nous ballotent. Tâche immense, mais porteuse d’espérance dans notre monde. Pour cette responsabilité qui est la nôtre, à la suite de Jésus, rendons-en grâce dans l’Eucharistie qui vient.

 

Communauté chrétienne Saint-Albert-Le-Grand de Montréal