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La Toussaint (B)

28 octobre 2012 

 Nous sommes tous des saints…

Mt. 5, 1-12

Ap 7, 1-14


Guy Lapointe

Guy Lapointe

Nous sommes de cette foule immense dont parle l’Apocalypse. Comme on vient de le souligner, certains ont déjà terminé la longue marche de cette communauté de saints et saintes devant Dieu. Mais qu’est-ce qu’un saint? J’ai trouvé sur Internet la réponse d’un enfant : « Les saints sont des grandes statues de plâtre, debout, sur un piédestal. » Est-ce que seuls des enfants ont cette vision de la sainteté?     

Guy LapointeComment décrire et mieux saisir cette fête de la Toussaint et le sens des Béatitudes qu’on vient de chanter? La Toussaint, c’est la prise de conscience, — qui était celle des premières générations chrétiennes — que nous sommes un peuple saint, parce que l’Esprit de Dieu nous est donné. Les saints sont tout simplement les membres de la communauté chrétienne. C’est le premier sens de la sainteté.       

Mais le terme saint a acquis une autre signification quand la communauté des saints a été confrontée à l’infidélité de ses membres. Et on a assisté à l’émergence d’un nouveau sens du mot saint. La Toussaint est une invitation qui nous est faite à devenir saint dans le second sens, i.e. des personnes dont la vie témoigne de l’amitié de Dieu. C’est la fête de l’espérance. Les saints sont des signes d’espérance, de la proximité de Dieu et des autres. On est heureux de découvrir des saints, tout près de nous, des femmes et des hommes que nous connaissons. Il y a des saints officiellement reconnus. Et nous en sommes heureux. On pense au frère André et à Kateri Tekakwitha, des saints de chez–nous. S. Augustin, lors d’une homélie qu’il prononçait pour la fête de s. Pierre et de s. Paul, n’était pas très heureux de voir l’église presque vide, et pourtant, disait-il, Pierre et Paul, ce sont les piliers de l’Église, alors que lorsqu’on fêtait Sainte Perpétue et Félicitée, deux femmes africaines martyrs au 3e s., que les fidèles connaissaient bien, l’église est remplie de fidèles. Ce sont des personnes qui nous rappellent, à leur façon, par leur qualité de vie que Dieu est plus proche de nous que nous-même. Ce n’est pas parce que Dieu est lointain que nous avons besoin de saints et de le devenir nous-même, mais par ce que les saints sont des signes d’espérance, des signes qui ouvrent la vie.        

 Les saints, dans la vie courante, sont des personnes en voie de devenir vraiment elles-mêmes, des personnes uniques. Il y a donc autant de manières de devenir saint qu’il y a d’êtres humains. Ce qui rapproche tout le monde, c’est la mémoire vivante de Jésus. Les saints ne sont pas des personnages sans relief, coulés dans le plâtre, vivant dans une serre ecclésiastique. Dorothy Day, cette militante américaine, convertie au catholicisme (~1980) et qui a travaillé toute sa vie pour un monde plus juste, avait une réaction de colère face à ceux qui la canonisait : « Ne m’appelez pas sainte. Je ne veux pas être mise au rancart aussi facilement ». Mais, comme elle, les saints sont des êtres bien vivants, mémoire vivante de Jésus. Si on voyait que la sainteté est la vocation de tout chrétien, notre foi ne serait pas perçue comme un code moral oppressif qui empêche de jouir de la vie, mais comme une invitation à la plénitude de la vie. Voilà ce que peut signifier la Toussaint.            

Ils étaient saints parce qu’ils partageaient la vie de Dieu en Christ. La sainteté était liée à l’unité dans l’Esprit. Dans ce sens, nous sommes un peuple saint parce que l’Esprit de Dieu nous est donné.    

Alors les béatitudes feraient-elles des disciples de Jésus, des résignés? « Bienheureux ceux qui ont une âme de pauvre; bienheureux les cœurs purs… Bienheureux les persécutés pour la justice… » Ce sont des personnes qui se mettent en marche, qui essaient de s’en sortir pour mieux vivre; ce sont des affamées de justice et de paix qui luttent pour un monde plus humain, sans mensonge. Une immense caravane humaine dans laquelle nous sommes et qui traversent des terres fertiles et des déserts, ce peuple en marche qui connaît des jours heureux et des jours difficiles. Ce peuple dont Jésus ravive l’espérance en lisant Isaïe dans la synagogue de son village. Ce que nous tentons de faire chaque dimanche. Les Béatitudes sont destinées à des personnes, à vous, à moi, qui essayons de devenir nous-mêmes dans la foi.         

Oui, je reste convaincu que peut naître à certaines heures de notre vie, et j’espère qu’elles sont nombreuses, en chacun et chacune de nous, le chant des béatitudes et que nous mêlions nos voix à celle de Dieu, pour que le monde se mette en marche poussée par l’espérance. Ce ne sont pas les êtres d’exception qui manquent, mais des êtres quotidiens, des êtres qui vivent les béatitudes dans leur comportement habituel, dans leur ordinaire. Des femmes et des hommes qui n’envisagent pas de possession sans partager avec les moins nantis. Des femmes et des hommes qui refusent la violence et pratiquent la paix. Et ils s’en trouvent beaucoup. Il y a autant de manières de devenir des saints qu’Il y a d’êtres humains. C’est en partageant la Parole et le Pain de l’eucharistie que nous constituons d’une façon privilégiée le peuple saint, mais qui vit sa foi et son espérance en se dispersant dans la vie quotidienne.     

Communauté chrétienne Saint-Albert-Le-Grand de Montréal