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18e Dimanche du Temps Ordinaire (B)

8 août 2012

« Mann hou?...Qu’est-ce que c’est? »

 Ex 16, 2-4.12-15

Jn 6, 24-35

Guy Lapointe

Guy Lapointe

     

« Moi, je suis le pain de la vie ». Voilà des paroles, à première vue surprenantes. Jésus fait cette affirmation devant les Juifs, peu de temps après la multiplication des pains. Des paroles fortes et qui sont restées très présentes dans l’imaginaire croyant jusqu’à nous. On a presqu'envie de dire comme les Fils d’Israël devant la manne : « Qu’est-ce que c’est que ce pain de la vie? » Qu’est-ce que cela peut bien signifier?          

Guy LapointeEntre Jésus et la foule, il y a un malentendu. La symbolique des deux rives est éloquente à cet égard. On cherche Jésus autour du lac. Il s’est retiré… Enfin, les gens réussissent à le rejoindre. Et ce n’est pas fini. Aussitôt, se creuse un fossé d’incompréhension. Le malentendu sur ce qui vient de se passer à la suite de la multiplication des pains, est des plus manifestes. Ce que Jésus propose est tout autre chose que ce qu’ils attendent et demandent. Eux, veulent suivre un « faiseur de miracles », ce qui pourrait combler leur vie et leur besoin de pain, de santé etc. Et lui, déconcertant, leur déclare : « Je suis le pain de la vie ».

Et nous, comment recevons-nous cette affirmation : « Je suis le pain de la vie … Celui qui vient à moi n’aura plus jamais faim; celui qui croit en moi n’aura plus jamais soif »? Comment nous ouvrir à la nouveauté de Dieu à travers cette affirmation de Jésus qui dit le sens de toute sa vie?     

Il y a dans l’Évangile une parole décisive qu’on chante avec cœur, à chaque eucharistie : « Prenez et mangez… prenez et buvez ». Ce sont des paroles lourdes de sens qui nous renvoient à un moment important de la vie de Jésus mais qui disent tout le sens de sa vie. Le pain et le vin deviennent son corps, mais c’est le corps brisé et le sang versé, et toujours vivant, grâce à l’Esprit. Nous avons à l’entendre, à le comprendre, accepter que le mystère du Fils de Dieu se joue en quelque sorte dans ce partage. Quand nous partageons le pain et la coupe, nous sommes de cette présence, et c’est toute la vie de Jésus qui se partage. La réciprocité entre l’Église et le corps du Christ se manifeste par le geste de prendre le pain et la coupe et de le partager avec d’autres. C’est là que se manifeste l’Église dans le monde. Ce geste du pain offert, ce pain de vie, ce pain pour la vie a mis l’Église au monde, dans notre monde, dans le partage autour d’une table.

Comment aller plus loin et ne pas s’arrêter? Dieu entend les récriminations de son peuple. Il a faim. Nous devons développer une sensibilité envers les autres qui ont faim comme nous, et qui s’arrêtent souvent en chemin? Comment se rendre jusque dans l’inconnu, traverser nos déserts, espérer plus grand, plus large? Comment aller au bout de sa vie, là où nous retrouverons cette affirmation de Jésus : « Je suis le pain de la vie »? Ce ne sera pas entendu seulement comme une affirmation, mais comme une expérience que l’on cherche à vivre et à pousser plus loin. Partager le geste du pain et du vin, c’est être capable de regarder Dieu et l’autre d’un nouveau regard. Lors de la préparation de cette célébration quelqu’un faisait la réflexion suivante : « quand je vois toutes ces personnes au moment de la communion avec leur beauté, leurs joies, leurs blessures, leur mal de vivre, on sent qu’il y a une recherche de vie ensemble et d’attention.            

Nous nous rassemblons le dimanche. En venant ici, nous nous saluons, nous nous parlons, nous écoutons la Parole, nous nous écoutons aussi, nous faisons silence ensemble, nous partageons le pain et la coupe. Ces paroles et ces gestes font partie de notre eucharistie. Voilà une recherche commune : et nous voulons devenir à notre tour pain de la vie, faire que ce partage dans la mémoire de Jésus nous conduise plus loin chaque fois, jusqu’à rencontrer l’autre et les autres dans ce rassemblement et en repartir avec, en mémoire, la personne de Jésus et tous ces visages connus qui nous habitent.          

C’est un monde qui se construit à même l’écoute de la parole de Dieu et ce partage du pain de la vie. Non, ne laissons pas sombrer nos eucharisties dominicales dans l’insignifiance. Ne laissons pas mourir nos assemblées eucharistiques. Tentons de leur donner et de leur trouver un sens profond. Tentons de rejoindre l’autre, présent ou absent, se rejoindre soi-même, vivre une sorte de passage de soi à l’autre. C’est à travers cette attention entre nous que Jésus essaie de nous dire : « Je suis le pain de la vie ». Nous sommes, à sa suite, ce pain de la vie quand nous partageons vraiment le pain et la coupe avec un désir de communion, de « présence réelle » entre nous. Communion toujours à bâtir et à améliorer.  

Ce n’est peut-être pas chaque fois la multiplication des pains, mais à notre mesure et avec un cœur espérant, nos eucharisties pourraient être un moment où on repart avec la conviction que l’Esprit de Jésus est là et qu’Il me nourrit dans ma vie au quotidien. Alors, notre participation à l’eucharistie pourra ouvrir à la nouveauté de Dieu et nous découvrirons un peu mieux, je l’espère, que Jésus nous invite au partage qui traverse notre humanité et la sienne. « Moi, je suis le pain de la vie », nous rappelle Jésus. Et que le silence et la musique nous inspirent et donnent encore plus de sens à notre partage de ce dimanche.

 

Communauté chrétienne Saint-Albert-Le-Grand de Montréal