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3e Dimanche de Pâques (B)

22 avril 2012

 Célébration : Centenaire de la Province

Luc 24, 35-48

André Descôteaux

André Descoteaux

On marche beaucoup dans les textes que nous avons entendus.

Dominique envoie ses frères sur les routes d’Europe. De fait, comme lui, ils la parcourront en tous sens! Les disciples d’Emmaüs marchent. Ils quittent le groupe des Onze. Ils abandonnent la ville où l’exécution de leur Maître a sonné le glas de leur espérance. Ils retournent dans leur village! À la fin de l’Évangile, ils reprendront la route de Jérusalem, mais cette fois en courant. Et puis, il y a ce mystérieux inconnu qui marche aussi et les accompagne.
André Descoteaux
Marcher! Même le P. Lacroix, sur YouTube, nous met en garde contre la course folle souvent à la merci de pouvoirs anonymes comme celui de l’argent. Au contraire, il nous invite à marcher dans la bonne direction. Le 22 avril, c’est-à-dire aujourd’hui, il sera là, alors marchons! Dans les faits, que nous le voulions ou non, nous marchons. À l’aube de mes 60 ans, marchant, courant, immobile, j’ai l’impression que la vie est comme un tapis roulant. La vie nous emporte. Tout bouge. Tout change autour de nous!       

Célébrer le centième anniversaire de la Province, c’est se rappeler une longue marche. Dieu sait que les frères de cette province ont marché, individuellement, je pense ici aux prédicateurs, aux conférenciers, aux professeurs, mais aussi collectivement : Québec, Canada, États-Unis, Japon, au Rwanda et au Burundi, au Portugal, Rome.      

Marcher, mais marcher dans quelle direction? La marche de notre vie se planifie-t-elle comme un voyage où la destination est connue? Où les étapes, les haltes pour se ressourcer sont bien précisées? Notre vie est-elle aussi bien planifiée que certains aimeraient organiser leur carrière?       

Dans l’Évangile, les disciples marchent, au départ, ils sont seuls. Ils échangent sur ce qui vient de se passer. Un étranger se joint à eux et entre dans leur conversation. Il écoute. Il a droit à une véritable prédication sur ce prophète puissant par ses paroles et ses actes. Mais tout s’est arrêté à sa mort. Tout, non! Car ils ont bien entendu la nouvelle troublante du tombeau vide et de cette apparition aux femmes. « Mais, lui, ils ne l’ont pas vu! » Et eux ne croient pas! Ils ont quitté Jérusalem. Ils ont laissé le groupe des Onze! En fait, ils retournent chez eux. La boucle est bien bouclée.   

Leur interlocuteur leur reproche leur incrédulité. Débute la longue leçon d’exégèse que tous auraient bien aimé entendre. La marche de Jésus qui s’était terminée sur la Croix par sa mort avait un sens. « En partant de Moïse… » Cette marche de Jésus, et tout particulièrement sa mort, s’insère dans cette longue marche de Dieu avec son peuple. Dieu qui, à la fin de la journée, veut se promener avec Adam et Ève dans le jardin. Il marche à leur recherche, car ils se sont cachés : ils ont honte, ils ont peur après avoir péché. Le Dieu de la Promesse qui accompagne Abraham le père des croyants dans ses interminables pérégrinations. Le Dieu de l’Alliance qui, sous la conduite de Moïse, libère son peuple de la servitude pour entreprendre sa longue marche dans le désert vers la Terre promise. Tout au long de l’histoire de son peuple, Dieu qui l’accompagne par ses prophètes pour qu’il continue de marcher selon ses voies. Finalement, ce Jésus de Nazareth, prophète puissant par ses actes et ses paroles devant Dieu et devant tout le peuple livré à la mort par les chefs de son peuple. Ne fallait-il pas? Ne fallait-il pas que l’ultime chemin qui mène à la mort, ne fallait-il pas que le cul-de-sac de la haine, de l’égoïsme, de l’injustice s’ouvrent par le chemin qu’a emprunté le Messie pour qu’il entre dans sa gloire et que nous puissions entrer avec lui dans la gloire de Dieu? Ne fallait-il pas?   

Cette marche de Jésus sur nos chemins est au cœur du dessein de Dieu, de son plan éternel d’amour pour l’humanité. Jésus emprunte nos chemins, tels qu’ils sont, pour que ceux-ci s’ouvrent et deviennent des chemins de vie, de liberté de paix, de justice, des chemins vers le monde nouveau, vers le Royaume, les cieux nouveaux et la terre nouvelle.

Signe de ce monde nouveau, de ce chemin qui croise nos chemins pour les transfigurer, le pain rompu. « Quand il fut à table avec eux, il prit le pain, dit la bénédiction, le rompit et le leur donna ». Alors leurs yeux s’ouvrirent et ils le reconnurent. À l’instant même, ils se levèrent et se remettent en marche pour Jérusalem : « C’est vrai! le Seigneur est ressuscité : il est apparu à Simon-Pierre! »       

Accompagné par le Ressuscité, nourri par sa parole et son pain, notre marche devient une marche de vie. Nos yeux une fois ouverts, notre marche en est transfigurée. Nous pouvons repartir sur la route, car nous nous savons accompagnés. Même si bien des inconnus demeurent, nous savons, dans la foi, que nous ne sommes pas seuls, notre marche a un sens. Quand nous sommes incertains, tentés par l’immobilisme, la Parole est toujours là pour nous brûler le cœur! Le pain est toujours rompu pour que nous le partagions et reconnaissions celui qui nous habite et nous relancer.     

La reconnaissance du Ressuscité, comme aux premiers jours, nous propulse sur la route, sur les chemins du monde où nous rencontrons des compagnons et des compagnes de route pour partager l’espérance. Car l’espérance est possible. Le chemin est ouvert! Le mystérieux Inconnu reste parmi nous, il n'est pas disparu. Il est sur nos routes, il n'est pas ailleurs. Sa gloire l'a rapproché de nous. La rumeur était vraie. Nous en sommes témoins.

Et voilà ce que les prêcheurs ont voulu être : des témoins. Mais les prêcheurs ne sont pas que des prêcheurs. Ils sont des frères prêcheurs. Des frères qui marchent avec. Des frères qui accompagnent. Des frères qui se veulent porteurs de l’espérance! Des frères qui veulent proclamer, par leur compagnonnage, que nous sommes accompagnés sur le chemin de nos vies et que ce chemin est une voie d’accomplissement et de bonheur. Après plus de cent ans, nous nourrissant de la Parole et du pain partagé, puissions-nous être encore et toujours des frères prêcheurs, des témoins : « C’est vrai! le Seigneur est ressuscité : il est apparu à Simon-Pierre! »

 

Communauté chrétienne Saint-Albert-Le-Grand de Montréal