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4e Dimanche du Carême (B)

18 mars 2012

La lumière et la vérité

Hubert Doucet

Hubert Doucet

 

La lecture du second livre des Chroniques que nous avons entendue au début de la célébration et que nous avons utilisée comme prière pénitentielle a suscité quelques discussions dans l’équipe qui a préparé notre rencontre de ce midi. Certaines parties du texte paraissaient tout à fait inadaptées aux conditions de notre temps. Cette description de Jérusalem qui est mise à Hubert Doucetfeu et à sang parce que ses habitants n’obéissent pas aux ordres de Dieu, cet exil de tout un peuple à Babylone pour en faire des esclaves, une telle interprétation de l’histoire fait-elle encore sens aujourd’hui? Voilà la préoccupation que nous avions en discutant du texte. Fallait-il ne pas l’utiliser et ne faire appel qu’aux deux autres textes? Fallait-il le trafiquer pour lui enlever ses aspérités? Ou y faire face avec toute sa rugosité?      

Il est vrai que ces passages concernant la destruction de Jérusalem et les milliers de réfugiés que cette guerre met sur la route irritent bien des lecteurs. Nous sommes plutôt pacifistes aujourd’hui et, par expérience, nous ne croyons plus qu’un moyen comme la guerre peut résoudre les conflits. Quand nous songeons à ce qui se passe en Syrie, particulièrement à Homs, le texte de ce matin est-il acceptable? Nous appartenons aussi à une culture qui cherche à respecter les croyances et les valeurs de chacun. N’y a-t-il pas du bon dans chaque religion? Peut-être les gens en avaient-ils assez des préceptes trop rigides de leur religion officielle? De plus, dans nos débats, nous tenons à respecter tous les points de vue, nous ne voulons pas manifester nos critiques trop fortement, de peur de briser la paix sociale.

Dans les textes de ce matin, à l’encontre de certaines de nos tendances culturelles, Dieu apparaît comme un radical. Il est d’abord un radical de l’amour. Il aime ce peuple avec qui il a fait alliance. Son amour est tel qu’il ne cesse de lui envoyer des messagers pour lui dire combien il est attaché à lui. À travers événements et messagers, Dieu cherche à faire comprendre aux siens que l’alliance qu’ils ont conclue ensemble les oblige à changer de comportement.
C’est la même thématique, aussi radicale d’ailleurs, qui est reprise dans l’évangile de Jean : « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique ». Son désir d’amour est tel qu’il se donne lui-même pour que tous et chacun trouvent une vie qui fait sens, en un mot le salut. Et là encore, on y retrouve une certaine dureté qui apparaît sous forme de dualisme : les œuvres mauvaises et les œuvres bonnes, les ténèbres et la lumière. « Quand la lumière est venue dans le monde, les hommes ont préféré les ténèbres à la lumière, parce que leurs œuvres étaient mauvaises. »         

Le texte de l’évangile d’aujourd’hui ne serait-il alors qu’une sorte de doublon de celui des Chroniques? Une différence fondamentale me semble exister entre les deux. Dans le livre des Chroniques, Dieu a conclu une alliance et chaque partie doit s’y tenir. Saint Jean nous confronte plutôt à cette tension mystérieuse bien-mal qui est au cœur de tout être humain. Nous sommes ici au cœur même de notre difficulté à saisir toute la complexité, je dirais même l’ambiguïté, de l’expérience humaine.          

Ce mal, il est là, nous ne pouvons y échapper; nous le savons par expérience. Et pourtant, « Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pour juger le monde, mais que, par lui, le monde soit sauvé. » Le mal n’est pas le tout de la vie. S’il y a du mal qui n’est que le mal, il est aussi vrai que certaines situations de mal transforment nos vies et vont se révéler positives. Les combattants de Homs nous rappellent quelle descente aux enfers on peut avoir à vivre pour espérer trouver la liberté.           

« La lumière est venue dans le monde ». À la toute fin de l’évangile, un lien extraordinaire est fait entre Jésus, la lumière et la vérité : « celui qui agit selon la vérité vient à la lumière, afin que ses œuvres soient reconnues comme les œuvres de Dieu. » Dans le récit des Chroniques, la vérité à laquelle chacun/chacune doit se conformer est définie par Dieu. Dans la parole de Jésus, chacun/chacune va reconnaître au cœur de lui-même la vérité qui fait venir à la lumière de sorte que l’œuvre de sa vie est reconnue comme l’œuvre même de Dieu.  

Cette démarche de vérité demeure cependant exigeante. D’où en ce temps de carême, ce passage par le désert que nous rappelle le tableau d’Élisabeth Roussel au désert la nuit qui est exposé à l’avant. À la fin de la célébration, ce tableau, chacun/chacune est invité à l’entourer de ses réflexions, de ses attentes, de ses craintes en cette période du Carême. Ce geste peut exprimer la démarche de vérité qui est la nôtre pour que l’œuvre de notre vie soit reconnue comme celle même de Dieu.  

Communauté chrétienne Saint-Albert-Le-Grand de Montréal