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2e Dimanche du Temps Ordinaire (B)

15 janvier 2012

Des récits d’appels

Samuel 3, 3-10, 19

Jean 1, 35-42

 

Yvon D. Gélinas

Yvon D. Gélinas

Des hommes adultes, déjà engagés dans des expériences de vie, qui découvrent Jésus, qui demeurent avec lui, qui marchent à sa suite. On pourrait dire, en un langage un peu désuet, des récits de vocation. Il me semble plus approprié de parler de récits de réponses à des appels qui, si on y prête attention, changent la vie, la conduisent à la découverte d’un sens.

D’où est venue chez André, chez Pierre et les autres, cette décision de se mettre à l’école de celui qui était jusque là un inconnu. La décision d’apprendre à le mieux connaître, puis de partager sa vie, sa mission, son message? On lit bien en ce récit le rôle d’un intermédiaire, d’un autre, qui fait part d’une rencontre, de l’amorce d’une découverte de celui qui est au-delà de l’habituel, du déjà connu. Viennent ensuite les regards que l’inconnu pose sur ces disciples potentiels, l’accueil à des interrogations, des intuitions d’un au-delà de l’ordinaire, et une invitation. Invitation qui n’attend pas une réponse immédiate, qui n’appelle pas directement au partage de vie et de mission. Une invitation qui n’impose rien, qui laisse place à la liberté, à la réflexion, à une décision plus personnelle : « Venez et voyez ».

C’est bien sûr un appel de Jésus à des premiers disciples, mais un appel discret qui passe par les événements et les situations de la vie. André, Simon, les autres aussi, vivaient sans doute d’une attente d’un plus dans l’existence, d’espoirs mal définis peut-être. Ils étaient, au moins pour deux d’entre eux, déjà engagés dans l’entourage d’un annonciateur d’espérance et de renouveau, disciples de Jean-Baptiste, celui qui désigne toujours l’autre qui vient derrière lui, qui en fait est celui qui est toujours devant lui. Quand Jésus appelle, qu’il recrute, oserait-on dire, il le fait presque toujours par des intermédiaires, il semble aussi un peu le faire au hasard des rencontres, mais il y a presque toujours, chez l’appelé, une expérience qui précède l’appel, une attente mal définie, presque ignorée au quotidien des événements.
Un récit de vocation, comme un peu dans le cas du jeune Samuel, tout à l’heure dans la première lecture. Un appel mal discerné, mal attribué, qui prend sens par l’interprétation d’un autre.

Que vient nous dire ce récit ce matin, à nous déjà bien engagés dans des situations et des expériences de vie?

Sans doute c’est là la révélation de la manière d’agir de Jésus, de sa manière d’être présent en nos vies. Une manière discrète qui presque toujours se module au naturel, au plus simple de la vie. Une révélation aussi de la gratuité qu’il met dans ses interventions. Comme au hasard de rencontres. Comme au hasard de la reconnaissance d’attentes, d’espoirs.
Avant tout, un récit qui vient donner sens pour nous à ce que l’on appelle trop étroitement une vocation. Dans toutes les vies, dans toutes nos vies, il y a de ces appels, au cœur même de nos diverses situations et divers engagements,. Des appels à un au-delà de l’habituel, à un plus d’existence. Que ce soit la révélation d’un sens, d’une orientation ou d’un partage de mission, mais toujours un appel qui répond à des espoirs, à des renouveaux que nous savons mal identifier souvent, que l’on perçoit confusément agissants en nos gestes et pensées quotidiens. Des appels à découvrir ce qu’est pour nous la parole évangélique , quel éclairage elle apporte, quelle occasion et quelle source elle est pour nous d’invitation au partage, à la mission, à toutes formes d’ouvertures à un au-delà, à une plus large dimension, à une plus juste dimension à apporter dans la vie de ceux et celles que nous côtoyons, et, humblement mais bien réellement, dans la vie du monde.

Des appels que l’on entend mal parfois et que parfois l’on n’entend pas. Non pas que l’on veuille les ignorer ces appels. Mais si souvent nous n’attendons plus rien et alors nous n’entendons plus rien. On est un peu comme le jeune Samuel : Qui nous parle, que nous dit-il? L’on ne sait pas bien identifier ou discerner parce que l’on ne se sait plus digne d’attentions. C’est alors que joue le secours d’un autre pour mieux juger. Le secours aussi d’un groupe, d’une communauté qui montre les occasions et les besoins d’engagements. Qui montre aussi le besoin d’être encore entraînés plus loin ou autrement.

Ce récit évangélique nous met encore en présence de la nécessité de garder un cœur ouvert qui maintient l’oreille et le regard attentifs à ce qui est en nous et en notre monde. Un cœur ouvert. Celui qui reste en éveil à la présence en nos vies de l’action discrète de la parole évangélique. Cette parole que l’on a parfois entendue il y a longtemps, que l’on a un peu oubliée, mais que rien n’empêche de se creuser un chemin en nous, de réapparaître au moment où on ne l’attend pas, au moment où l’on en a vraiment besoin.

Le cœur ouvert qui est capable de percevoir un regard posé sur nous, qui est capable de percevoir sa présence à lui, Jésus, en nos vies. La présence de cet homme qui, comme au hasard, allait et venait à l’horizon des premiers disciples. Celui qui ne cesse de venir et d’inviter : « Venez et voyez ». Il faut garder le cœur ouvert pour l’entendre. Il nous laisse tant de liberté et d’initiative.

Communauté chrétienne Saint-Albert-Le-Grand de Montréal