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Épiphanie (B)

8 janvier 2012

« Ils retournèrent par un autre chemin… »

 

Jacques Sylvestre

 

Hubert Doucet      

Après avoir suivi l’étoile et déposer aux pieds de l’enfant l’or, l’encens et la myrrhe, les mages retournèrent par un autre chemin.

Fait historique ou récit symbolique?
L’Évangéliste pour nous passer un petit, un gros message, s’inspire ici d’une prophétie d’Isaïe.

Les Mages retournèrent par un autre chemin.

Les mages : hommes illustres, sans doute bien nantis. Vénérés de leurs concitoyens… Quelle qu’ait été leur situation scientifique, économique, sociale, voire même religieuse ces mages étaient des insatisfaits. La science acquise ne pouvait les satisfaire; l’or, l’argent et l’encens les combler; pas davantage la vénération des concitoyens.

Rien n’avait pu jusque là donner pleine valeur à leur existence. Honnêtes avec eux-mêmes, ils demeuraient insatisfaits. Avec la conscience qu’ils avaient de leur insatisfaction, ils se sont mis en route, cherchant un sens, une valeur jusque là inconnue. Ils cherchaient quelque chose de plus. On ne quitte pas une situation aisée pour une autre sans quêter quelque chose de plus. Les mages cherchaient un sens à leur vie. La gloire, le bonheur, la réputation, le succès, rien ne les satisfaisait.     

Ils se sont mis en route, un soir, dans le sillage d’une petite lumière céleste. Ils ont fait longue route, guidés par une étoile. Après avoir trouvé la révélation d’un Dieu amour, ils sont revenus par un autre chemin.

Et nous?

Un appel nous a en ce jour rassemblés en ce lieu, fait quitter notre situation familiale et interpellé par le récit de Matthieu. Par quel chemin retournerons-nous?

Pour les mages : une lumière inusitée dans la nuit. Nuit de l’insatisfaction, nuit de prise de conscience, nuit de vérité. Une étoile, une petite lumière par dessus les toits. Elle a séduit ces hommes, des sages, des hommes d’intériorité. Des chercheurs de sens, de pourquoi.

Ils retournèrent par un autre chemin.

Une lumière, le jour, personne ne la remarque. Une petite lumière, dans la nuit, éclaire tous ceux et celles qui veillent en quelque lieu que ce soit. Un appel dans le silence, une question dans le désarroi, les inquiétudes, la solitude, le vieillissement, la maladie, tout est susceptible de nous questionner.

Les mages, ces savants, ces chercheurs de sens, le soir tombant, interpellés par une lumière insolite, quittent leurs illusions et se mettent en quête de sens.

La grande ville et ses bruits où ils parviennent après des journées de marche dissimulent pour un temps la brillance de l’étoile. Et quand ils replongent dans l’obscurité de la route, la nuit sans réponse mais pleine d’interrogations, ils revoient l’étoile, réentendent la question qui les tenaille, retrouvent l’espérance. L’étoile les conduira à Bethléem. Intime bourgade de Judée perdue dans les montagnes.

Un enfant, un nouveau né. Serait-ce la Lumière qu’ils cherchent, le sens qu’ils veulent découvrir?

Ils offrent l’or de tout ce qu’ils possèdent, ces valeurs matérielles en quoi ils ont tellement cru, et qui jusque-là les sécurisaient. Ils présentent l’encens, le désir de leur cœur insatisfait, leur prière silencieuse, leur quête du sens. Ils iront jusqu’à sacrifier la myrrhe de leur conversion et les souffrances probables : quitter des valeurs acquises pour trouver le vrai bonheur, la réelle sagesse. Changer pour ce petit Roi qui déjà inquiètent ses rivaux : la fortune, le renom, la gloire,

Pour évaluer leur existence et réfléchir sur le sens de la vie, ils n’ont pas attendu la nécessité de se questionner après un échec, le grand âge, la solitude, la fin, les portes de la mort, Ils ont su écouter un jour leur conscience, leur cœur… Voilà pourquoi ils retournèrent par un autre chemin.



Quelles sont nos vies ? Quelle est la valeur de ma vie ?

La matérialité de l’argent que l’on ne possède jamais assez? La spiritualité qui souvent fait de nous de petits maîtres de la Vérité, fuyant toute recherche? Comment donner pleine valeur à son existence, son quotidien d’hier, d’aujourd’hui et demain? Le besoin des autres, la mission qui nous pousse à l’extérieur de nous, vers les autres? Mais c’est à l’intérieur de soi qu’il faut trouver un sens.

S’il n’y avait la conscience, la prise de conscience de ce que nous sommes en vérité, non plus aux regards des autres, mais de tout ce dont nous vivons, Si nous n’étions capables d’attention, d’écoute de notre cœur. Donner un sens à tout ce qui constitue notre existence. Vivre le sens de chaque moment, de chaque événement, la pleine ou relative valeur de chaque être, de chaque chose… Cerner notre personnalité, nos propres valeurs, le face à face avec nous-même, pas même dans un miroir.

Comment distinguer parmi tous les astres une lumière qui interpelle, éclaire, guide? Jésus peut-être et sa leçon de vie. La grâce de la Bonne Nouvelle, l’Évangile?

Chemin long et difficile. Les Hérode se feront nombreux. Pour souffler cette petite flamme de l’espérance en nos cœurs et nous divertir de cette autre voie qu’une étoile intérieure peut nous ouvrir : la rencontre de ce jour, la célébration de la Lumière.


Grâce à l’étoile qui les conduit à Dieu parmi nous, les Mages retournèrent par un autre chemin.

Et nous, quelle autre voie saurons-nous prendre?

       « Voici au profond de la nuit
       Quelqu’un pas à pas nous conduit
       Vers une source de lumière
       Pris dans cette route sans détour.
       Joyeux nous partons vers l’Enfant
       Dont nous avons vu naître le jour.
       L’appel du lointain rendez-vous
       Dans nos cœurs a retenti.
       Le Père en secret jusqu’au bout¸
       Nous mènera près de son Fils
       Lumière, vie et vérité ». (P 122)