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3e Dimanche de l'Avent (B)

11 décembre 2011

Si notre quête de justice rejoignait notre quête de lumière

Suzanne Loiselle

Isaïe 61,1-2, 10-11

Jean 1, 6-8, 19-28

Paul 1 Th 5, 16-24

Tout comme au temps d’Isaïe, les pauvres d’aujourd’hui attendent l’annonce d’une bonne nouvelle, ceux et celles qui ont le cœur brisé aspirent à leur guérison, les prisonniers espèrent leur délivrance et les captifs leur libération. Dans la tourmente actuelle, les cris des exclus s’élèvent pour exiger sa fin. Remplis d’indignation comme le prophète Jérémie (Jér. 15, 17), les pauvres et les Suzanne Loisellelaissés pour compte aspirent à un monde différent, un monde de justice sociale et de solidarité. Comme des « bêtes féroces de l’espoir » selon l’expression de Gaston Miron dans La route que nous suivons, ils espèrent pour aujourd’hui l’avènement d’un monde nouveau, d’une terre nouvelle.

Mais leur espérance, tout comme la nôtre, est mise à rude épreuve alors que les mauvaises nouvelles ne manquent pas, comme celle révélée cette semaine dans le dernier rapport de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). On y apprend que « le fossé qui sépare les riches des pauvres est au plus haut depuis plus de 30 ans… La situation est d’autant plus préoccupante que les mécanismes de répartition de la richesse s’avèrent de moins en moins efficaces, même au Canada. »

Cette prise de conscience d’un monde de plus en plus inégal n’appartient pas qu’aux technocrates de l’OCDE. De multiples mouvements sociaux autour du monde font le même constat. De la ville de Sidi Bouzid en Tunisie, en passant par la Place Tahrir au Caire, la Puerta del Sol à Madrid, Wall Street à New-York ou le Square Victoria à Montréal, des populations lassées par une société qui les marginalise, se sont soulevées pour dire haut et fort leurs aspirations pour plus de justice, d’égalité, de démocratie. Le moteur de leurs révoltes? L’indignation! Leurs motifs d’indignation : la précarité des emplois, la rareté des logements, la discrimination dans l’accès aux études supérieures, le saccage de la planète, les conflits armés, les violences faites aux femmes et aux enfants. Tous ces mouvements d’indignés expriment leur ras-le-bol d’une société globalisée dont la majorité des populations est abandonnée à son sort.

Après quelques mois de soulèvements un peu partout sur la planète, les gouvernements locaux ont entrepris de chasser tous ces trouble-fête et de vider les places publiques. Mais l’indignation n’a pas été chassée pour autant…

Face à l’aggravation de l’écart qui existe entre les riches et les pauvres et face à la détérioration accélérée de la planète, l’indignation ne suffit pas, l’annonce d’un monde nouveau non plus. L’indignation exige le passage à l’action, à l’engagement solidaire. « Indignez-vous! », oui, mais « engagez-vous! » clame le résistant bien connu Stéphane Hessel. Car dit-il, il ne suffit pas de s’indigner, chacun-e doit savoir, selon son charisme, s’engager dans les combats d’aujourd’hui et Dieu sait qu’ils sont nombreux, comme par exemple la défense des droits humains, la lutte contre les inégalités, le respect de l’environnement, l’opposition aux guerres.

La route qui mène à plus de respect pour tous les êtres vivants et à plus de dignité pour tous les humains est remplie d’obstacles tels la concentration des pouvoirs et des richesses, la corruption, le pillage des ressources, la privatisation des services publics. Au cœur de ce désordre qui n’est sans doute pas le fruit du hasard, les voix des mouvements sociaux, celles des femmes, des étudiants, des environnementalistes, des pacifistes, s’élèvent de partout. « Franchissez les portes, dégagez le chemin du peuple, enlevez les pierres de la chaussée » clament-elles sans cesse, tout comme au temps d’Isaïe (Is.62, 10). Dans le désert du monde d’aujourd’hui, ces voix sont-elles entendues, écoutées, accueillies? On croit y entendre, comme en écho, le témoignage de Jean : « Je suis la voix qui crie dans le désert : aplanissez le chemin du Seigneur, comme a dit le prophète Isaïe » (Jn 1, 23).

Ces textes de l’évangéliste Jean tout comme ceux du prophète Isaïe que nous venons de proclamer, prennent ici tout leur sens : « L’Esprit du Seigneur est sur moi… il m’a envoyé porter la bonne nouvelle aux appauvris d’aujourd’hui, annoncer une année de bienfaits » (Is 61, 1-2a). Une année de bienfaits pour toutes les personnes exclues dont la condition nous a été rappelée par tous les campements dressés sur les places publiques du monde. À leur façon, sans doute sans toujours le savoir ou sans le nommer, les exclus du monde rendent témoignage et leur témoignage nous interpellent toutes et tous. Comme Jean, ils rendent témoignage à la Lumière afin que leur dignité leur soit rendue et qu’un autre monde devienne possible, un monde de solidarité et de justice.

Et si, en ce temps d’attente et d’espérance, notre quête de justice rejoignait notre quête de lumière……

Comme chante le psalmiste :

N’est-ce pas toi Seigneur qui reviendras nous faire vivre
Et qui seras la joie de ton peuple?
Montre-nous ta fidélité, Seigneur
Et donne-nous ton salut.

La Justice marche devant lui,
Et ses pas tracent le chemin. (Psaume 85)

Et si, en ce temps d’Avent, nous mettions nos pas dans ses pas pour renouveler notre monde…

Communauté chrétienne Saint-Albert-Le-Grand de Montréal