4 décembre 2011
Renaldo Battista
Dans leurs « entretiens sur le bonheur » un moine, le Père Amédée, et un psychiatre, le Docteur Megglé, proposent que notre société est affligée par trois maux, les trois « e », soit l’éparpillement, l’encombrement, et l’énervement. J’en ajoute un quatrième, l’épuisemement, qui est la conséquence des trois premiers. Ainsi, en ce temps de l’année, alors que se profile à l’horizon la frénésie des festivités de Noël, on peut parfois se retrouver affligé de l’un ou l’autre de ces maux, sinon des quatre à la fois.
Mais, peut-on se demander, les sociétés qui nous ont précédés étaient-elles moins atteintes par ces maux? Étaient-elles moins complexes, moins agitées, plus sereines?
La réponse à cette question se retrouve en partie dans ce beau texte d’Isaïe que nous avons lu, qui fait ressortir l’immense besoin de consolation du peuple hébreu, alors en captivité à Babylone, approximativement 600 ans avant la venue de l’Emmanuel. Mais le texte est empreint d’espérance et annonce le retour du peuple choisi à Jérusalem, car, comme l’écrit le prophète, « le seigneur Dieu… conduit son troupeau… rassemble les agneaux… les porte sur son cœur… et prend soin des brebis qui allaitent leurs petits ». À travers cet épisode douloureux de captivité en terre étrangère, le peuple juif, guidé pas sa foi, retrouve sa confiance, sa cohésion de peuple en mouvement, habité par l’espoir d’une rentrée prochaine au bercail. Quelle belle leçon d’espérance!
Plusieurs siècles plus tard, à l’époque de Jésus, la situation géo-politique n’est pas moins complexe avec l’occupation romaine de la Palestine. Dans ce contexte, les interventions, d’abord de Jean-Baptiste, puis de Jésus, sont éclairantes et remplies d’espérance, puisqu’elles proclament une « bonne nouvelle », ou comme l’écrit Pierre, l’avènement « d’un ciel nouveau et d’une terre nouvelle où résidera la justice ». Le baptême dans « l’Esprit Saint », dont nous parle Marc, se décline non seulement par l’enseignement de Jésus, mais aussi, sinon surtout, par ses gestes, son attention à l’autre, aux autres qu’il conseille, soulage, et parfois guérit.
Voilà, la voie royale, qui nous permet d’entrevoir cette recherche de l’Esprit, le 5e E, en majuscules cette fois-ci, ultime antidote à nos maux et source de toute espérance.
Nous voici trois millénaires plus tard, à nous demander « de quoi le Québec a-t-il besoin? », pour reprendre le titre d’un livre récent, un recueil collectif de textes faisant état d’un questionnement profond et actuel de notre société, d’une recherche de sens, et d’une volonté de réactualisation de valeurs, engourdies, endormies plutôt que disparues. Plusieurs pistes de réflexion sont offertes dans cet ouvrage. Mais, pouvons-nous nous demander, quelle pourrait être la valeur ajoutée de notre perspective chrétienne à cette démarche essentielle de notre société?
Alors que des points de repère familiers s’estompent, devant l’accélération de l’échange d’information, la sensation d’un monde en expansion ou son contraire, le « village global » dans lequel nous vivons, cette perception, parfois inconfortable du temps qui se contracte et se télescope, avons-nous une boussole? S’il est vrai que pour le Seigneur, « un seul jour est comme mille ans, et mille ans comme un seul jour », cette boussole n’est-elle pas à portée de main? En effet, la tradition chrétienne, à laquelle nous appartenons, ne véhicule-t-elle pas les éléments de sagesse d’une réponse apaisante à notre désorientation? La confiance et l’espérance de trouver un oasis, ainsi que la cohésion avec les autres voyageurs, sont les guides essentiels au succès de toute traversée du désert, la stratégie de survie par excellence.
La période de l’Avent est une période d’attente, non pas d’attente passive mais d’attente active, d’anticipation. Ainsi, notre attente devient veille pour écouter l’Esprit qui nous parle dans le silence, dans le calme, au fond de nous-mêmes, et chez l’autre que l’on accueille par un regard, un sourire, un geste de la main. Notre attente devient espérance.
Au-delà des ténèbres, ne voyez-vous pas déjà la lumière qui renaît?