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1er Dimanche du Carême (A)

13 mars 2011

Jésus poussé par l’Esprit

Jacques Sylvestre

Matthieu 4, 1-11

Permettez que je vous partage ma réflexion personnelle en ce début de Carême. Elle m’est inspirée du film « Des hommes et des dieux » que la plupart d’entre vous ont probablement vu. Une communauté de moines cisterciens de Tibhirine, en Algérie assassinés le 26 mars 1996.
Des années durant, ces hommes avaient partagé avec leurs frères et sœurs Algériens. Ils participaient à leurs célébrations, allaient vendre leurs produits au marché, et l’un des leurs, le fr.Luc, médecin, recevait dans sa clinique au monastère des dizaines de patients chaque jour. Le récit filmé débute quelques mois avant l’ultimatum lancé par des terroristes qui ordonnent aux étrangers de quitter le pays. Un dilemme se pose alors aux moines avec acuité : PARTIR OU RESTER, une décision qui se doit d’être collective. Pour eux la dilemme prend une dimension shakespearienne : to be or not to be. Rester ou partir. C’est ensemble qu’ils veulent  prendre une option. Une réflexion intense a conduit la communauté à faire ce qu’elle croyait devoir faire, à la fidélité à son engagement.
Ce film fut une illumination pour beaucoup. La souffrance et la mort prenaient un sens, le film ravivait la foi d’un grand nombre. Chacun s’est senti transporté au-delà de soi. 
 
Aujourd’hui, l’évangile nous raconte la réflexion que Jésus poussé par l’Esprit est allé faire au désert. Depuis trente ans, il vit avec les siens, des hommes de son temps. Ses relations humaines lui ont permis de voir les besoins humains et spirituels de son peuple, et de mesurer l’ampleur de la tâche qu’il se sent appelé à remplir : rendre ses hommes heureux, les convertir à la justice, à la paix et à l’amour. Il passe quarante jours au désert.  Le désert, lieu de solitude, temps de réflexion, rencontre avec soi-même  Il sent l’urgence d’une réflexion pour un engagement concret. Il devine que ce ne sera pas facile. La tentation de démissionner se fera vive, non seulement au cours de l’action, mais là même au désert. Il serait si facile pour lui de mener un existence convenable selon les prescriptions de la loi, de remettre le tout entre les mains de Dieu, son Père, et de mousser sa personnalité jusqu’à l’idolâtrie, les trois tentations que le diable fait miroiter à ses yeux.… De ce désert, Jésus sortira grandi, d’attaque,  prêt à aller jusqu’au bout.

Le Carême que nous commençons n’est certes pas le premier. Mais sera-t-il identique aux précédents : un temps usuel qui débute un Mercredi des cendres et se termine à Pâques. D’ici là, la vie continue : la fidélité à ses devoirs d’état, accomplir honnêtement son travail et trouver des solutions pratiques aux problèmes économiques qui nous enserrent progressivement. Nous substituer à Dieu et ne plus lui faire confiance comme autrefois. Enfin, trouver une idole, capable de faire la paix en ce monde et de rallier tous les suffrages.

Trois solutions infaillibles à nos problèmes humains, voilà ce que le désert de Jésus et notre désert présentent en ce dimanche à notre attention. Mais, pour ce faire, il importera de prendre un temps pour réfléchir et prier. Il faudra bien nous y résoudre : réfléchir et ne plus nous laisser entraîner par la facilité, nos habitudes, et en remettre toute la responsabilité à d’autres… Ce désert peu recouvrir de lumière l’absurde de nos jours, la désespérance de l’actualité et la grande noirceur de questions demeurées sans réponse.

«Transformer les pierres en pain » propose Satan en tout premier lieu… Comme si cela définissait notre besoin élémentaire; primordiale : gagner sa vie, ne pas sombrer dans l’anarchie des marchés financiers… Nous vivons dans un monde qui a besoin  de conversion. « La Parole qui sort de la bouche de Dieu », la prédication  de Jésus seule pourra faire le miracle de la justice, de la paix et de l’amour dont nous avons tant besoin avant tout.

« Jette toi en bas du Temple…» Évidemment, nous avons des responsabilités. Il ne s’agit plus de nous en remettre à Dieu pour tout. Mais l’Esprit de Jésus tellement incarné dans son temps et ses lieux, et proclamé dans l’Évangile pourrait éclairer et soutenir nos responsabilités. Au lieu de nous délester du poids de la religion et de ce Dieu sans réponse comme si nous pouvions tout, « apprenti sorcier » que nous croyons être depuis un siècle.

« Si tu m’adores »… Le culte de l’homme, cet apprenti sorcier, dominé par les forces de la nature, et incapables de paix et non moins  de résoudre ses problèmes politiques et domestiques… Il faut un désert : lieu de vérité, de réflexion et de prière!

Le désert pour réaliser nos véritables pauvretés, dissiper nos illusions.
Le désert pour nous confronter avec nous-même,  réfléchir et ne plus fuir nos défis quotidiens…
Le désert pour retrouver Jésus, celui qui est venu établir un royaume de paix, de justice et d’amour.
Le désert pour réentendre l’évangile des béatitudes…

Une seule voix peut se faire entendre au désert pour qui prête l’oreille et ouvre son cœur : BIENHEUREUX…       

Communauté chrétienne Saint-Albert-Le-Grand de Montréal