C’est la fête aujourd’hui, la fête de tous
les saints : au-delà du Frère André, au-delà de
ceux que l’Église a canonisés. Nous célébrons
aujourd’hui les saints d’hier — ceux que nous avons
connus et aimés et qui nous ont quittés — les saints
d’aujourd’hui et ceux de demain.
Qui sont-ils, ces saints?
Voilà ce que disent les textes du jour : L’Apocalypse
nous parle d’une foule innombrable — en vêtements
blancs — qui reviennent de la grande épreuve. Et l’Évangile évoque
ceux qui pleurent, ceux qui cherchent le royaume de Dieu, la justice
et la paix, les miséricordieux, les purs de cœur — des
gens simples, des gens comme vous et moi?
Alors, ça veut dire quoi le mot: « saint »?
Pour St. Paul s’est simple : quand il écrit une
lettre, il l’adresse « à tous les saints » de
telle ou telle ville. Il ne leur demande pas de faire des miracles
ou d’autres choses extraordinaires. Non, pour Saint Paul il suffit
qu’ils aient choisi de suivre le Christ, ou d’essayer au
moins. C’est tout.
Saint Paul est Juif; Pour les Juifs avant lui, qu’est-ce que « saint » veut
dire?
Ils utilisent le mot « cadosh », et la racine
de ce mot hébreu est « autre, différent ».
Sont saints alors, tous ceux qui ne suivent pas bêtement la foule
autour d’eux, mais qui cherchent autre chose.
Sont saints certainement tous ceux qui cherchent L’Autre avec
un grand L :
Ce Dieu qu’ils ne peuvent même pas nommer, car il ne donne
pas son nom.
Tout ce qu’Il dit de lui même c’est : « Je
suis celui que je serais ». Je suis un Dieu du devenir,
un Dieu Autre, toujours différent de ce que vous imaginez.
Enfin, j’interroge ma langue maternelle, L’Allemand, (j’ai
cet avantage) : Saint, en allemand, se dit « heilig »;
et la racine de ce mot est heil, le verbe : heilen. Et ça
veut dire guérir.
Ça ne dit pas être parfait, non, ça veut dire : avoir été blessé et
guéri — être revenu de la grande épreuve avec
tous ses défis et ses blessures. — La boucle est bouclée.
Et pour moi-même c’est quoi, être saint?
Dieu nous a rêvés et Il nous a créés selon
son rêve.
Il nous aime tel que nous sommes, avec nos forces et nos faiblesses,
avec ce que nous avons de trop et ce qui nous manque, avec nos limites
et avec nos désirs de dépasser ces limites. — Il
nous a créés comme ça!
Alors j’ose rêver, moi aussi, questionner et espérer
au-delà des limites :
Pour être saint suffirait-il d’accepter d’être
en recherche continuelle? Suffirait-il de ne jamais arriver, mais de
toujours rester en route?
« En marche » dit la traduction des Béatitudes
par Chouraqui : en marche les artisans de paix, en marche ceux qui luttent
pour la justice, en marche vous qui pleurez … N’arrêtez
pas!
La vie m’a appris que chaque fois que j’ai réussi
quelque chose, soit l’enfance, l’adolescence, le choix
d’un bien-aimé, d’une carrière, le vieillissement
même… chaque fois que j’avais réussi quelque
chose, il a fallu recommencer. Dieu, ce Dieu du Devenir, me propose
toujours autre chose encore. — Parfois ça peut faire très
mal — et pourtant chaque fois un nouvel horizon inattendu s’ouvre.
. . . . .
Et si, pour être saint, il ne nous était demandé rien
que de faire un pas de plus?
Rien de spectaculaire, rien au delà de nos capacités — juste
faire un pas, un seul pas vers l’inconnu; et le faire dans une
espérance et une confiance folle.
Être saint pourrait se dire rien d’autre, que de
vivre ma vie à moi, devenir, moi-même, tel que Dieu m’a
rêvé? . . . . .
Quel défi — quel beau défi — quel défi
possible!
Bonne et heureuse Toussaint à nous tous!
Et que Jésus, le plus saint parmi les hommes, nous accompagne
dans ce parcours et nous nourrisse dans le partage du pain et du vin — et
de sa vis en nous.