Après avoir écouté ces passages des Actes et de
Jean, on a envie de dire : mais quel souffle! Les images sont
fortes : un immense bruit, le vent, le feu. Il semble y avoir à Jérusalem,
des gens venus de partout, des quatre coins du monde connu à cette époque.
Chacun entend la même chose, et pourtant chacun entend dans sa
propre langue. La communion se vit dans la diversité. Quelque
chose d’important se passe. On croit rêver… Comment
ce souffle a-t-il pu demeurer l’un des grands vents de l’histoire?
L’Esprit balaie le doute et la peur chez les disciples. C’est
cet Esprit qui planait sur les eaux, qui mettait debout les prophètes,
qui éveillait tout un peuple, qui fait surgir des personnes
prophétiques et significatives parmi nous. Les effets sont incalculables.
Plus de verrous. Le souffle a dénoué leur langue; il
a ouvert leurs yeux et leurs mains, et leur a donné une énergie
transformante de joie et de pardon. « Les disciples furent
remplis de joie ». Comme si le souffle de Dieu avait une
fonction maternelle pour enfanter l’humanité à l’avenir
qu’il ouvre pour elle. Pentecôte, c’est tout cela,
et autres choses encore. Comment ne pas comprendre l’actualité du
message?
Oui, c’est la naissance de l’Église racontée
avec un immense enthousiasme. Cela dit, je ne crois pas que les disciples
aient reçu la mission de fabriquer une Église avec ses
structures, des institutions et des murs. Mais ils ont reçu
la mission d’établir des liens, la fidélité qui
a un autre nom : l’amour. Et j’ajouterais l’espérance. À cet égard,
on peut dire que l’Église est toujours à réinventer,
grâce à ce souffle de l’Esprit. Et on le sait et
on le voit : ce n’est pas facile et ce ne fut jamais facile.
Cette fête de la Pentecôte n’est pas une chose du
passé, mais elle est du présent et de notre avenir. Tout
en reconnaissant ce que l’Église porte de grand et de
beau comme héritage de foi, vous serez d’accord avec moi
pour dire que, par les temps qui courent, elle a un immense besoin
d’un bon souffle, d’un grand vent de l’Esprit pour
redonner confiance aux croyantes et croyants et au monde. L’Église
tant dans son expérience de foi que dans sa dimension institutionnelle
a besoin d’une Pentecôte. Cette fête tombe si bien
pour une Église en difficultés.
Le rappel de la Pentecôte, dans le mouvement de l’Esprit
du Ressuscité, nous redit, si nous l’avions oublié quelque
part dans l’histoire, que nous n’avons qu’un seul
pasteur, le Christ ressuscité : « Jésus
vint, il était là au milieu d’eux ».
Lui seul fonde notre foi. Et c’est son souffle qui doit nous
aider à vivre, à construire le monde, à faire Église.
La fête de la Pentecôte, nous rappelle que les pasteurs
dans l’Église, à quelque niveau que ce soit, ne
pourront jamais prendre la place du Christ. Ils sont au service des
membres avec leur compétence. Comme tous les chrétiens,
les pasteurs cheminent dans la foi. Récemment, une personne
de cette communauté me faisait la remarque suivante : « l’Église
n’est pas un lobby, elle est un témoin », témoin
de la vie au-delà de toutes les morts et de toutes les limites
que nous connaissons pour gérer notre vie individuelle et collective.
La fête de la Pentecôte nous redit qu’ensemble, comme
communauté, nous sommes les disciples, mais disciples du Christ.
C’est ce souffle que nous devons retrouver. C’est ce souffle
encore qui, dans la situation présente de l’Église,
nous rappelle cette parole : « la vérité vous
rendra libre », pas une vérité qu’on
possède, mais une vérité qu’on cherche ensemble.
Oui, que les responsables repensent la façon de gouverner cette Église.
Ils ont besoin de ce Souffle et nous aussi. Et pour cette recherche,
nous sommes avec eux, à notre mesure…
En somme, il faut revenir à l’Évangile. À la
fois la faiblesse et la force du Christ sont constitutives de la manière
d’être et de faire Église. Ici au Québec
tout particulièrement, l’Église est en train de
muter profondément. Nous sommes passés d’un christianisme
marqué par l’habitude à un christianisme de conviction.
Nous sommes aussi dans un christianisme de conversation et non plus
d’imposition; un christianisme de foi, d’une foi qui a
du souffle. Je pense à ces deux jeunes, Béatrice et David,
qui pour la première fois vont partager avec nous le pain et
le vin de l’eucharisite. Avec eux, il sera important de converser
sur la foi et à partir de leur foi et de leurs hésitations.
Ne jamais quitter leur vie quotidienne, mais l’ouvir à la
mémoire de Jésus et de son esprit. Oui, nous devons nous
parler.
La célébration dominicale, tant délaissée
dans nos milieux, ne doit plus être comprise comme cette petite
heure rituelle à laquelle jadis chaque chrétien devait
se plier. Ce temps doit redevenir le lieu d’une Parole significative,
d’une écoute commune, d’un silence qui parle de
Dieu, qui parle de nous, et le besoin de réapprendre constamment
le partage. Nous dire que le Christ, dans le partage du pain et du
vin, nous invite à faire corps avec lui, à devenir son
corps, à être présents à ce monde.
Si, en cette Pentecôte, nous écoutions Jésus redire : « De
même que le Père m’a envoyé, moi aussi je
vous envoie… » Je vous envoie pour faire vivre et
non pour condamner, pour tenter de vivre vrai et non dans un « système
fermé, idéalisé, sacralisé » pour
reprendre les mots d’Albert Rouet, évêque de Poitiers… Et
si, en cette Pentecôte, nous écoutions le souffle à peine
perceptible, la respiration de Dieu mais aussi la respiration du monde!
Et si, grâce à l’Esprit, l’Église restait
toujours à réinventer…
Je nous invite à un bon moment de silence qui s’ouvrira
dans l’écoute du Veni Creator de Nicolas Vigny .