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Quatrième dimanche de Pâques (C)

Laissons-nous guider vers les eaux de la source de vie

25 avril 2010

Luc Chartrand
Luc Chartrand

Les deux proclamations de la Parole que nous venons d’entendre nous introduisent dans deux contextes liturgiques bien différents.

L’Apocalypse nous transporte, par la vision de Jean, sur la scène divine où une foule acquiert un statut unique, indiqué par le port d’un vêtement blanc et par des palmes à la main. Cette foule rassemble des personnes de nations, races, peuples et langues divers, mais devant le Trône et devant l’Agneau, ils sont « un ». D’après l’Ancien, cette unité est due à ceci : venus de la grande épreuve, les membres de cette foule immense ont accepté de purifier leurs vêtements dans le sang de l’Agneau. En conséquence, ils n’auront plus faim, ils n’auront plus soif, la brûlure du soleil ne les accablera plus, puisque l’Agneau sera leur pasteur pour les conduire vers les eaux de la source de vie et que Dieu essuiera toute larme de leurs yeux.

La situation présente de cette foule est liée au moment du passé où chacun de ses membres a lavé ses vêtements et les a purifiés dans le sang de l’Agneau. Ce moment du passé leur a ouvert un futur, un nouvel horizon où l’Agneau sera leur pasteur pour les conduire vers les eaux de la source de vie. Curieusement, même pour l’Apocalypse, l’avenir n’est pas entièrement dévoilé. Il s’agit ici d’être conduit vers et non d’un terme qui serait atteint.

La liturgie, bien terrestre, à laquelle fait référence l’Évangile semble toute différente. Elle met en scène les déplacements de Jésus au Temple à l’occasion de la fête de la Dédicace. Les Juifs font cercle autour de Jésus pour le questionner. Ils veulent savoir s’il est le Messie. La réponse est audacieuse. Jésus reprend à son compte une image qui leur est bien connue, celle du berger « mes brebis écoutent ma voix et je les connais, et elles viennent à ma suite ». Pour le peuple élu, le Pasteur était le Roi, celui qui, au nom de Dieu, prenait soin de son troupeau. Rappelons-nous l’histoire de David : de berger, il est devenu roi.

L’image du mouton est aujourd’hui pour nous rébarbative. Elle l’est d’autant plus qu’elle évoque une dimension passive. Il serait étonnant, qu’un Dieu qui nous a créés à son image, nous ait voulus réduits à répondre au son de la voix. Les propos de Jésus ne sont pas un appel à la servilité, mais s’adressent à l’intelligence et la liberté humaines. Il s’agit ici d’écouter cette voix, de se laisser connaître et de se mettre en marche : trois attitudes impossibles à des moutons. Par cette écoute, nous nous exposons : notre liberté y est interpellée et engagée. Notre écoute est unique, tout comme la réponse qui est la nôtre. C’est pourquoi il ne saurait être question d’une réponse unique. Il y aura autant d’écoutes que de personnes qui acceptent de se mettre à la suite du Christ berger. À une voix unique correspond une multitude d’« écoutants » de Dieu. Ces réponses prennent le visage de nos opinions, de nos options théologiques. Il y a même une place pour les positions qui s’inscrivent dans les marges, car la contestation et la revendication font également partie de l’engagement du croyant. D’ailleurs ne sont-elles pas le gage du souffle prophétique à l’intérieur de l’Église?

Et puis, le berger n’agit pas de sa seule initiative mais s’inscrit entre Dieu et l’homme. Il y a dans le texte un mouvement de Dieu vers l’homme : c’est le don fait au Fils. Dans ce mouvement, le Verbe fait chair, le Fils est un intermédiaire : il réalise les œuvres au nom du Père, et c’est cela qui témoigne de ce qu’il est. En acceptant de suivre le Fils, nous accueillons ce don, qui est pour nous promesse de vie. En effet, ces œuvres nous donnent accès au Père. Nous sommes donc invités à revêtir librement aujourd’hui l’identité du croyant, en devenant disciples de celui qui est mort pour nous sauver et que Dieu le Père a ressuscité, Jésus Christ berger. Nos existences sont transformées par cette recherche, à la lumière de l’Évangile, de ce que Dieu veut pour nous, pour notre société, pour l’humanité. C’est ainsi que prendra forme un monde meilleur où personne n’aura plus faim, où personne n’aura plus soif, où la brûlure du soleil ne pèsera plus sur les épaules de personnes. Cette transformation à laquelle nos cœurs aspirent tant, elle se réalise à certains jours. Ce sont ces pousses toutes délicates, toutes frêles, qui sont l’expression de la voix de Dieu pour aujourd’hui.

La réponse de Jésus au Temple est une de ces pousses, toutes en nuances. C’est à travers nos univers personnels, nos itinéraires de vie bien particuliers, que le témoignage du Fils de l’homme nous parvient. Il en va maintenant de cette confrontation entre un unique commandement d’amour et notre quotidien pour nous acheminer vers les eaux de la source de vie. Notre avenir n’est donc pas tout tracé d’avance, mais se joue au présent. Nous sommes invités à nous laisser guider par le Ressuscité vers les eaux de la source de vie.


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