Thomas lui dit alors :
« Mon Seigneur et mon Dieu !»
Jésus lui dit : « Parce
tu m’as vu, tu crois.
Heureux ceux qui croient sans avoir
vu. »
Jean 20, 28-29
On
pense d’abord à une parole d’encouragement
pour
ceux qui n’ont pas vu
c’est-à-dire
pour ceux qui n’étaient pas au rendez-vous de l’histoire,
ceux,
qui de loin dans le temps et dans l’espace essaient de croire
en Jésus.
Mais
n’est-ce pas aussi un rappel,
une
précision : croire, avoir la foi, ce n’est pas
voir ;
c’est
précisément faire confiance,
se
confier quand on ne voit pas…
Bien
sûr, il y a ceux qui ont vu.
Pas
ces gens qui l’ont aperçu
ou
qui se sont bousculés sur son passage par curiosité,
pour
voir des prodiges.
Pas
de ces anonymes
dont
on ignore ce qu’ils sont devenus
ou
dont on a perdu la trace.
Mais ces hommes, ces femmes
qui
l’ont connu personnellement,
qui
l’ont fréquenté et accompagné
marché
avec lui sur les routes de leur pays,
qui
était le sien
depuis
la Galilée
« Ce
verbe de vie, nous l’avons vu de nos yeux… non mains
l’ont touché… »
disait
son ami, l’apôtre Jean (1Jn
1,1)
En
sommes ces hommes et ces femmes
qui
ont vécu avec lui.
Et
nous savons comment,
entraînés
au-delà de ce qu’ils avaient vu
ils
ont été amenés à regarder du côté invisible,
à
faire confiance à ce qu’ils ne voyaient pas.
On
connait la suite de l’histoire…
la
grande brisure de sa passion et de sa mort
quelques
signes d’une présence
qui
continue mystérieuse
mais
bien réelle et vivante.
Puis
son départ
c’est-à-dire
ce qui semble une sorte de départ
et
voilà qu’ils se retrouvent avec leurs souvenirs :
Ses
paroles
Ses
gestes
Et
surtout son amitié.
Cette
amitié qui a changé leur vie,
qui
a révélé à chacun ce qu’il porte
de meilleur en soi.
Cette
amitié qui désormais les rassemble à jamais.
Et
c’est alors que leurs yeux s’ouvrent,
comme
à Emmaüs,
que
leur regard se porte plus loin que ce qu’ils ont vu
que
ses paroles ont une nouvelle résonance
que
ses gestes prennent une signification inattendue
que
les horizons s’élargissent à l »infini
et
que s’ouvrent devant eux
comme
des avenues immenses
ouvrant
sur le mystère de Dieu,
le
mystère de l’être humain.
C’est
ce qu’ils essaient de dire désormais
quand
ils parlent de lui,
quand
ils inspirent les évangiles :
ce
qu’ils ont vu,
ce
qui est au-delà,
c’est-à-dire
ce à quoi ils croient
parce
qu’ils croient en Lui…
N’est-ce
pas l’histoire de l’apôtre Thomas,
une
sorte de figure emblématique sur le chemin de la foi ?
Un
homme à l’esprit critique,
aux
exigences précises, cliniques,
qui
veut voir,
qui
veut toucher
qui
ne s’en laisse pas conter…
Et
pourtant un homme
pour
qui en face de Celui qui a la délicatesse de venir le rencontrer,
il
n’y a plus rien qui compte
sinon
ce lien au-delà de toutes les significations, de tous les
contextes
sinon
la joie de rencontrer son ami.
L’histoire
se continue.
Elle
est de tous les temps.
Elle
vient jusqu’à nous – c’est l’histoire
d’une amitié…
Puissions-nous
au
cœur de nos exigences les plus légitimes
au
cœur de nos interrogations
au
cœur de nos doutes
au
cœur de nos moments de noirceur et de désespoirs
c’est-à-dire
dans cette vie qui est la nôtre,
dans
cette vie pour ainsi dire comme nous sommes,
apprendre
à reconnaître la présence de celui
qui,
mort et ressuscité
avec
la cicatrice de son amitié pour nous,
invite
à lui faire confiance,
à
se fier à Lui,
à
accueillir son amitié – et à la laisser vivre
entre nous.
« Aimez-vous
les uns les autres » disait-Il
laisser
circuler l’amour entre vous
c’est
à ce signe qu’on reconnaîtra que vous êtes
mes disciples,
qu’on
se souviendra de moi…
et
que la respiration de Dieu continuera dans le monde.
« Bienheureux ceux qui croient
sans avoir vu. »