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Cinquième dimanche du Carême (C)

La femme adultère

21 février 2010

Catherine Sacchitelle

Catherine Sacchitelle

Jean 8, 1-11

À l’écoute de cet Évangile, je suis , une fois de plus, désarçonnée devant la réaction inattendue de Jésus. Replaçons-nous dans le contexte quelques secondes.

Des scribes emmènent une femme coupable d’adultère à Jésus en train d’enseigner. Le tout, on le devine, dans une atmosphère tendue et explosive. On veut mettre son autorité à l’épreuve, semer le doute, trouver un moyen de condamner celui qui commence à avoir trop d’ascendant sur les gens. C’est très habile et ratoureux de la part des scribes car la situation présentée ici semble simple et ne comporter qu’une seule issue : la condamnation dictée par la Loi.

Au début, Jésus ignore ceux qui lui tendent ce piège. Il ne mord pas et refuse la confrontation. Penché, il dessine sur le sol et garde le silence.
La force du silence très présent dans ce texte me chavire et me trouble. N’en expérimente-t-on pas un semblable sur la route du pèlerinage? S’il va de soi, quand je songe à la prière, j’oublie peut-être de lui laisser une place dans mes rencontres. Est-ce que dans mon travail et dans mes amitiés, j’ose ménager des espaces de silence? Pour écouter, pour accueillir bien sûr, mais aussi parce qu’un silence peut s’avérer fécond si j’accepte de dépasser les moments de malaise qu’il peut susciter.

Reprenons le récit. Lorsque Jésus finit par s’adresser aux accusateurs qui insistent, il le fait de façon tout-à fait astucieuse… Il esquive l’affrontement, évite de confronter les scribes sur leur terrain miné (celui de la Loi). Il emmène son public ailleurs… Refusant le rôle de juge, il opte pour celui de médiateur.

En renvoyant les gens à eux-mêmes, à leur conscience, sa parole déconcerte et crée une ouverture. Elle se fait dynamique, plutôt que statique. Cette qualité digne des grands pédagogues permet à Jésus d’ouvrir ici une brèche, de suggérer de voir les choses sous un angle plus complexe et complet que la dichotomie soumise par les scribes. Tous gagnent en profondeur à appréhender la réalité autrement qu’en noir ou blanc.

« Celui d’entre vous qui est sans péché, qu’il soit le premier à lui jeter la pierre ».
La situation est retournée. Tous les protagonistes sont conviés à se mettre en route, à se questionner. La réponse de Jésus appelle un mouvement tout en indiquant un chemin où prévaut l’intégrité.

En m’incitant à poser un regard neuf sur mes jugements hâtifs, sur ma tendance lourde au blâme, Jésus fait appel au meilleur de moi-même. Je suis emmenée à « faire des efforts », à « travailler sur moi-même ». Quel réconfort, un Dieu qui libère de nos peurs, de nos rigidités et qui inspire le dépassement de soi! Un Dieu qui fait confiance! Comme la relation des deux frères dans la parabole du fils prodigue, les liens que j’entretiens avec mes proches sont parfois troubles. Je suis invitée, dans mon pèlerinage à revoir le rôle que je joue dans les petites irritations qui ponctuent parfois mes relations avec mon entourage. Cette parole m’encourage à risquer la rencontre avec l’autre ainsi qu’à sortir des sentiers balisés, à me laisser surprendre.

Jésus souhaite que l’on s’aventure sur le terrain de la créativité pour régler nos conflits. Si j’envisage sous un angle nouveau les discordes qui ponctuent mes relations interpersonnelles et consens à délaisser la sécurité des idées toutes faites, je permets l’émergence de solutions nouvelles, non anticipées. Si en plus, je m’allie à l’autre pour trouver une issue positive au conflit, nous irons sans doute encore plus loin grâce à nos différences. D’ailleurs, le pèlerinage est souvent synonyme de très longue route!

Le texte se poursuit. Des paroles fortes le terminent : « Moi non plus, je ne te condamne pas. Va et ne pèche plus ».

L’accueil au cœur de l’expérience humaine comme de l’expérience en Dieu! Puis-je en profiter pour me questionner sur ma propre façon de transiger avec ceux qui me blessent, me bousculent ou tout simplement heurtent mes idées? Ma capacité à résister à la tentation du jugement expéditif est ici mise à l’épreuve.

En s’adressant ainsi à la femme, Jésus offre son pardon par-delà le doute. Le pardon dans l’accueil inconditionnel. Notez que ceci se fait en l’absence d’aveu ou de confession. Un pardon dans la liberté. Un pardon qui se fait invitation à se mettre en route, à aller de l’avant comme s’il s’agissait d’un nouveau départ. Un pardon comme un don : celui de la liberté et des choix.

Jésus ici, laisse entrevoir son Dieu-amour, un Dieu qui pardonne. Comme cet amour d’un parent pour son enfant. Une démarche de pardon déboucherait sur un gain de liberté et de paix intérieure. Cette Bonne Nouvelle nourrit-elle ma quête de nouvel élan? C’est debout, responsables que le Dieu de Jésus désire nous voir. Il nous assure que sa présence guidera notre marche.

En m’interrogeant sur ce à quoi je suis fidèle, sur mes raisons de l’être, cet évangile me montre un chemin d’authenticité. La quarantaine entamée, de petites mises au point périodiques m’obligent à considérer le chemin parcouru. Force m’est d’admettre que j’ai de la difficulté à composer avec les renoncements et les déchirements qui découlent de certains choix dans ma vie. Aussi, je m’en veux de mon manque d’indignation engagée face aux injustices. Le texte de ce matin me force à m’interroger sur mes valeurs, mes infidélités envers moi-même et mes lâchetés envers les autres. Jésus suggère qu’on devient de meilleurs humains lorsqu’on ose faire preuve d’intégrité et qu’on s’accueille tel qu’on est, avec nos contradictions. Si inspirée par cet Évangile, je me risque sur la voie du pardon et de l’indulgence envers moi-même, j’y gagnerai une forme de liberté. J’échapperai au piège du ressentiment et serai prête à poursuivre ma route d’un pas plus léger : dans mon balluchon, une plus grande capacité d’accueil. Est-ce que j’y puiserai le courage de m’impliquer davantage pour contribuer à bâtir une société plus humaine? C’est ce que je souhaite à chacun de nous à l’approche de Pâques.


 


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