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Communauté chrétienne
Saint-Albert-Le-Grand de Montréal |
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Troisième dimanche du Carême (C)
Oser la rencontre
7 février 2010
Pierre Francou
Pierre Francou
Exode 3, 1-15 (Extrait)
Jean 4, 5-42 (Extrait)
Depuis le début de ce Carême, nous avons pris la route
pour partir en pèlerinage à la rencontre de Dieu. Après
la traversée exigeante du désert et l’apaisement
de la transfiguration, les textes d’aujourd’hui nous
invitent à réfléchir sur la façon dont
la présence de Dieu se manifeste dans nos vies. Sur les routes
encombrées que nous suivons, il me semble que bien souvent les
apparences occultent la présence de Dieu parmi nous. Plus encore,
les obstacles rencontrés peuvent nous faire perdre jusqu’au
désir de rencontre avec Lui. Tant le monde que notre environnement
immédiat nous confrontent quotidiennement à des préoccupations
de tout ordre. Préoccupations qui font de nous des pèlerins
perdus, fatigués de tourner en rond, parfois découragés
de ne pas trouver la route. Si ces préoccupations nous empêchent
de rencontrer Dieu, nous prenons le risque de tarir notre foi et d’être
incapables de la transmettre.
Dans le texte de l’Exode, Moïse, berger solitaire, chemine
avec son troupeau et remarque un phénomène surnaturel :
du feu dans un buisson qui ne se consume pas. Curieux, Moïse décide
de prendre le temps de faire un détour. Dans le contexte de
cette époque, un tel phénomène est forcément
une manifestation de la présence de Dieu; un Dieu dominant placé au-dessus
des hommes et de la nature, inaccessible et combien intimidant. Malgré tout
Moïse ose la rencontre. Lorsque Dieu se manifeste et parle, Moïse
ne semble même pas surpris. Sa culture le pousse à croire
qu’il est effectivement en présence de Dieu et il lui
fait confiance sans discussion. Il accueille l’immense mission
de libérer le peuple d’Égypte sans l’ombre
d’un doute. Dieu parle, il sait que c’est Dieu lui-même
et il le suit en toute confiance.
La Samaritaine rencontre aussi Dieu sur son chemin de vie. À la
différence de Moïse, la Samaritaine rencontre Dieu à travers
un homme nommé Jésus. C’est me semble-t-il
une des révélations essentielles de l’Évangile:
la présence de Dieu dans tout être humain. C’est
donc en allant à la rencontre de l’autre que nous saurons
trouver Sa présence.
Voilà qui parait simplifier quelque peu notre recherche de la
présence de Dieu dans notre monde, présence dont nous
avons tant besoin pour nous guider. Force est de constater que certaines
rencontres restent stériles. Notre défi est donc de construire
celles qui vont nous accompagner vers Dieu.
Il me semble que les attitudes de Jésus et de la Samaritaine
nous instruisent sur les qualités d’une rencontre qui
conduit effectivement à Dieu.
Tout d’abord prendre le temps de s’arrêter pour dialoguer
avec l’autre. Jésus et la Samaritaine s’arrêtent
dans leurs occupations du jour pour se parler et échanger. Jésus
va même rester deux jours avec la communauté de cette
femme, suggérant que ce temps sera utilisé pour l’écoute
mutuelle. Dans le tourbillon de nos vies, le temps offert à l’autre
représente un défi que nous avons bien du mal à relever,
même avec nos plus proches.
Non seulement Jésus et la Samaritaine prennent du temps pour échanger,
mais ils sont très attentifs l’un à l’autre.
Jésus se présente très dépouillé,
sans bagage, fatigué par la route, sans nourriture ni eau alors
qu’il fait chaud. Jésus s’affranchit de ces contingences
matérielles pour être totalement présent à la
Samaritaine. De son côté, la Samaritaine pensait bien
ne rencontrer personne à midi au puits; apercevant cet inconnu,
elle ne fait pas demi-tour mais accepte de se laisser surprendre par
lui; elle n’hésite pas à lui exprimer son étonnement
et ses questions. Elle aussi est très concentrée sur
la rencontre qu’elle est en train de vivre. Jésus et la
Samaritaine se trouvent dépouillés en présence
l’un de l’autre, dépouillement nécessaire à la
qualité de l’écoute, à l’accueil de
l’autre et au rapprochement.
Contrairement à Moïse, la Samaritaine n’a pas la
culture qui la porterait spontanément à reconnaître
Dieu en Jésus. Cependant Jésus a su peu à peu
faire naître la confiance dans un dialogue qui commence par une
requête des plus simples mais vitale: donne-moi à boire. Graduellement,
en douceur, Jésus, connu comme juif se fait reconnaître
comme Seigneur, puis prophète et finalement Messie. La pédagogie
de ce dialogue conduit la Samaritaine à puiser en elle le don
de croire, à l’exprimer et le transmettre. La confiance
mène à la découverte de l’autre et à la
découverte de Dieu. Quelle différence avec le Dieu de
Moïse! J’oserais le mot : quel humanisme!
En allant en Samarie, Jésus va au devant de la différence
voir de l’hostilité. Jésus nous encourage à prendre
le risque de sortir des sentiers battus. Notre confiance en l’homme et
en nous-mêmes permet d’aller à la rencontre de l’inconnu.
La richesse qui découlera de la rencontre justifie le risque qu’on
accepte de prendre. La différence va susciter les échanges et
la réflexion, dès l’instant où elle est associée à une
grande qualité d’écoute. Spontanément nous aurions
tendance à rencontrer des gens qui nous sont proches par leur culture
et leurs idées, mais cet épisode de l’Évangile nous
laisse à penser que les rencontres les plus riches se font avec des
gens différents de nous.
Enfin je suis frappé par la disponibilité de Dieu pour
nous. Il est toujours prêt à se manifester à travers
quelqu’un qui se trouve sur notre route. Son amour pour nous
est patient et infini. Ceci peut suggérer que si nous sommes
le moindrement attentif et que nous faisons confiance, nous rencontrerons
Dieu à travers les gens que nous croisons, progressant ainsi
dans le pèlerinage de notre vie vers Dieu. Évidemment
si nous reconnaissons la présence de Dieu dans les personnes
que nous rencontrons, nous devons admettre que la réciprocité va
certainement arriver : nous serons reconnus comme des porteurs
de Dieu engagés au quotidien. Nous devrions nous en réjouir
car cela donne du sens à notre chemin, même si cela nous
donne une responsabilité qui nous dépasse et qui
pourrait être ressentie comme écrasante.
Jésus nous encourage à déposer humblement nos
besaces pour accepter cette responsabilité et devenir des pélerins
entreprenants.
Dans la poursuite de notre pèlerinage vers Pâques,
Avons-nous assez confiance pour faire les détours nécessaires,
rallonger nos routes comme Moïse, pour nous laisser surprendre
par des rencontres saisissantes?
Sommes-nous prêts à découvrir Dieu et son appel à la
conversion, à l’image de la Samaritaine, à nous
faire porteurs d’eau?
Sommes-nous prêts à nous arrêter comme Jésus
pour offrir l’attention nécessaire à l’autre?
Sommes-nous prêts à accepter que d’autres vont reconnaître
Dieu en nous?
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