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Une petite fille et son péché

2e Dimanche de l'Avent (C)

 

6 décembre 2009

Silvia Bellfort

Silvia Bellfort

Baruc 5, 1-9

Philippiens 1, 4-6.8-11

Luc 3, 1-6



De la lecture de Baruc, aujourd’hui, j’ai retenu des paroles de soutien, d’accompagnement, d’encouragement à se tenir debout, à faire face. De justice aussi. Essentiellement, il nous engage à faire confiance, à se faire confiance.

De l’épitre de Paul émanent l’espoir, la joie et l’espérance, la lumière aussi.

Quant à la longue liste rébarbative des Grands dans l’ouverture de l’Évangile de Luc elle m’a souvent retenue d’aller plus loin. Dommage! Car j’ai ainsi, évidemment, perdu la substance du message. Je la reconnais depuis (cette liste) comme importante puisqu’elle n’y figure que pour mieux être ensuite écartée : Que Dieu, parmi toutes ces éminences du moment, choisisse de s’adresser au plus petit dans le Royaume, donne en effet à penser. Et soudain, en écoutant bien nous entendons sa voix puissante, digne : une voix qui nous crie l’attente d’un monde nouveau où les montagnes seront abaissées, les murs tomberont et les péchés seront chose du passé. Et, au-delà de l’écoute, il nous incite à nous mettre au travail, à nous mettre en chemin.

Plus je m’appropriais ces textes plus ils me rappelaient l’essence du métier de travailleuse sociale que j’ai eu le privilège d’exercer jusqu’à récemment. L’écoute y était centrale, mais, sans l’espoir d’un monde meilleur je n’aurais pas pu accompagner - encore moins soutenir - ces exclus de la terre, trébuchant sur leur chemin, qui ont eu le courage, avec tant d’humilité, de frapper à ma porte.

En tous temps et lieux il y a eu des hommes grands, puissants (comme on l’a vu dans l’Evangile), de savants exégètes. Et notre communauté n’en est pas exempte. Alors, quand on m’a demandé de prendre ici la parole, j’ai été passablement surprise. Et puis, en chemin, j’ai fait confiance et je me suis fait confiance. D’ailleurs, puisque je comprends qu’une homélie s’entend comme un petit entretien familier - je me sens bien à l’aise d’adopter un style qui me convient mieux. Une histoire remplacera donc ce matin la docte exégèse à laquelle nous sommes habitués.

C’est l’histoire d’un itinéraire humain, avec ses chemins tortueux, semés d’embûches, d’une voix entendue dans un lieu inattendu, et d’écoute et d’espérance et de lumière au bout de ce chemin où les murs sont enfin tombés et les montagnes se sont aplanies.

L’histoire pourrait s’appeler Une petite fille et son péché. Il y a longtemps, longtemps, sa famille avait confié à sa grand-mère, une grand-mère pieuse, très pieuse, son éducation religieuse. La petite fille et son péché adorait sa grand-mère et tout naturellement elle l’accompagnait autant de fois qu’il fallait aux messes du dimanche, comme, à l’occasion, en semaine, ne comprenant pas grand-chose à toute cette affaire-là sauf qu’il fallait y aller, se tenir tranquille sans dire un mot.

Or, la petite fille et son péché habitait sur le même palier qu’un jeune tailleur très gentil pour elle: il lui offrait tant et tant de jolis rubans colorés, des boutons dorés, de tout petits bouts de tissus rutilants et doux au toucher… qu’elle voulait bien passer de longs moments chez lui tout seuls… Mais voilà, la petite fille et son péché avait beau n’avoir que 7, 8, 9 ans, elle avait bien appris et intégré que c’était très mal, que c’était un péché ce qui se passait chez son ami le tailleur. Et la petite fille et son péché s’est enfermée petit à petit et de plus en plus profondément dans son secret. Elle se sentait bien seule la petite fille et son péché; si désemparée et écartelée entre sa loyauté envers le gentil tailleur, le besoin de se confier à quelqu’un, et la honte suprême de trahir la religion et sa grand mère. Elle était persuadée, la petite fille et son péché, que personne ne pouvait vraiment l’aider, tellement ce qui l’étouffait lui semblait monstrueux. Qui allait la croire de toutes façons? Qui laverait sa tâche?

Elle ne s’est surtout pas confessée la petite fille et son péché, Oh! .elle confessait bien qu’elle mentait un peu, qu’elle chipait un morceau de pain ou de chocolat de ci de là... mais cela, non! Elle avait trop honte, trop peur, face au Bon Dieu; c’est sûr : les mots ne viendraient pas dans le confessionnal obscur. Toute terrorisée qu’elle était, emprisonnée dans son état de péché mortel la petite fille et son péché a fait, comme il était prévu, sa première communion, parée Ô sacrilège! de sa belle robe blanche d’organdi. Rongée, pendant plusieurs années encore, par la honte d’avoir trahi l’Église et la condamnation des flammes de l’enfer auquel bien sûr, elle avait été nourrie.

Puis la petite fille et son péché a grandi, a quitté sa gentille grand-mère qui avait été si bonne pour elle. Et la petite fille et son péché est devenue une grande fille qui avait oublié apparemment, sa grand-mère, son Église et son péché.

Enfin devenue très grande fille, bien longtemps-longtemps après, avec un ami qu’elle aimait beaucoup-beaucoup elle est entrée dans la prochaine Église, loin, très loin de son passé. Et là, quelque chose est arrivé : à sa grande surprise elle comprenait ce qui s’y disait dans une langue qu’elle connaissait… et il n’y avait plus les gens tout en noir et tristes autour d’elle, plus d’or ni de tentures, plus de séparation en avant, plus de grands gestes mystérieux qui s’y tramaient. C’était tout simple… Mais surtout, surtout, elle s’est mise à écouter, la très grande fille… elle écoutait… éberluée… enchantée… Elle écoutait car pour la première fois, la personne qui parlait là-bas s’adressait à elle aussi, en fait elle s’adressait directement à elle, semblait-il : on lui parlait des choses de la vie, des relations avec les autres, de la guerre au Vietnam, de la nécessaire Paix, des Droits des Noirs et des Pauvres, de violence et des revendications des femmes.. et d’espoir aussi… Cet homme d’Église allait jusqu’à inciter le monde en face, autour de lui, à rester révolté, à participer aux débats sociaux de l’heure, à manifester avec lui dans la rue, à dénoncer l’injustice, tout ça en souvenir et sur les traces de Jésus Christ qui était le modèle et La Voie…

La très grande fille a surtout compris quelque chose d’encore plus important… Elle a compris le péché, la peur et l’enfer… elle a compris que tous les murs que l’Église avait érigés autour d’elle ce n’était pas ça l’essentiel… elle a compris que Jésus a pardonné. Et surtout elle a pardonné à son tour… enfin délestée du poids de la honte et du péché, entrevoyant au loin une lumière libératrice et bienfaisante… Et elle a continué à écouter, écouter en particulier ceux restés sans voix. C’est incroyable : depuis lors elle a passé sa vie à écouter... et aussi à espérer, à soutenir et à crier et même tenter de faire tomber des petits murs, autour d’elle, à son travail, et même parfois en Église aussi…

Il est vrai : certains murs sont tombés autour de nous. Qui oserait culpabiliser aujourd’hui cette petite fille et la condamner en plus? Dépassé n’est-ce pas? Pourtant, les forteresses institutionnelles et les prisons psychologiques ne manquent pas. Comme nous l’avons entendu en début de célébration. En ce 6 décembre, triste 20ème anniversaire de la tuerie de Polytechnique, comment oublier, parmi tant d’autres, le mur de la misogynie et sa violence? Oui, la route est encore longue!

Alors, écoutons bien la voix dans le désert qui trace le chemin : ayons confiance, faisons tomber nos propres murs, et mettons-nous au travail pour faire tomber les murs qui enferment les autres. Aplanissons les montagnes, redressons les chemins : le Seigneur nous rendra libres.


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