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DEUXIÈME DIMANCHE DU CARÊME - B

8 mars 2009

Yvon D. Gélinas

Yvon D. Gélinas

Genèse 22, 1-2.9 10-13. 15-18

Marc  9, 2-10

Transfiguration

Ils sont en marche vers Jérusalem. Depuis un bon bout de temps ils vont ainsi par les routes. Ils ont appris à se connaître. Les disciples ont bien saisi à travers les paroles du maître, à travers ses gestes, son attention aux autres – surtout pour les plus petits, les plus fragiles – qu’il apporte vraiment une libération, qu’il fait bon marcher avec lui, qu’il fait lever au cœur une espérance d’avenir. Mais la question demeure toujours : Qui est-il vraiment? Jusqu’où faut-il aller? Jusqu’où peut-il conduire?

Et lui, Jésus, il ne les aide pas à sortir de leur questionnement. Parce qu’il veut être entendu, qu’il appelle à marcher avec lui, et qu’en même temps il leur recommande toujours le silence sur sa personne et ses gestes. Il est parfois d’une audace inouïe, d’une liberté bouleversante, mais il se montre aussi hésitant face à sa mission. Jusqu’où aller? À qui s’adresser? À un groupe choisi, élu d’avance, à son peuple, ou au grand large, à ces païens dont on se méfie tant, qui sont comme une menace bien plus que comme une promesse. Il n’est que sympathie pour toutes les détresses, pour tous les besoins humains, mais il est si dur avec les pharisiens, les scribes, les chefs du peuple, tous ces gens bien pensants qui sont pourtant eux aussi en manque au-delà de leurs certitudes apparentes.

Les disciples sont inquiets, déconcertés par Jésus. Ils saisissent mal qui il est en toute sa réalité. D’autant plus qu’il vient de leur dire qu’il doit aller à Jérusalem pour y souffrir beaucoup et y mourir. Aurait-il renoncé à sa mission, baissé les bras, avouant un échec, la fin d’un rêve? Ils marchent pourtant encore avec lui, restant attachés à la beauté de sa parole et de son désir. Mais le cœur est lourd. Ils ne comprennent pas. Ils sont un peu comme Abraham quand il marchait vers le lieu du sacrifice. Cette demande incroyable de Yahvé : un sacrifice sauvage, celui de son propre fils, de celui qui devait assurer la réalisation d’une promesse d’un avenir sans limites. Est-ce possible? Dieu se renierait-il lui-même? Il ne comprend pas Abraham, mais il ne peut non plus revenir sur cette confiance, cette fidélité, cette foi qui jusque là l’a fait vivre.

Et voici qu’un jour, en chemin, un événement se produit pour les disciples – et pour Jésus. Cette lumière soudaine, un peu plus que le temps d’un éclair. Et son visage! Comme si le voile de la familiarité, de l’habitude, du trop prévisible possible était retiré. Ils le voient tel qu’il est vraiment, tel qu’il accepte d’être, et non plus  tel que le monde et eux-mêmes acceptaient de le voir, tel que le monde l’avait fait, le réduisant en ces seuls possibles que l’on ne veut pas dépasser par crainte, par angoisse de découvrir ce qui changerait sa propre manière d’être, difficile souvent, mais quand même rassurante.

Que s’est-il passé vraiment? On ne le saura jamais. Plus tard, quand les trois disciples qui l’avaient accompagné sur la montagne – les trois mêmes qui seront avec lui au jardin de l’agonie – voudront raconter l’événement, ils se verront au défi de dire l’indicible. Ils emploieront alors des images pour traduire ce qui avait été pour eux réel et certain. Des images pour dire qu’alors, en un instant, ils ont cru comprendre, que de toutes façons, alors, leur espérance s’est relevée, qu’ils ont consenti à poursuivre la route même quand l’ombre est revenue en descendant de la montagne. Ils avaient retrouvé l’énergie pour avancer comme s’ils voyaient l’invisible. Jésus lui-même a été atteint par l’événement. Une voix qui s’est fait entendre en lui : « Tu es mon fils, mon bien-aimé. » Il est conforté en sa vision de sa mission. Il retrouve le courage qu’il faut pour aller à Jérusalem pour y affronter en toute lucidité le rude passage qu’il

Pourtant, même avec le courage retrouvé, l’espérance rafraîchie et illuminée, il faut descendre de la montagne et continuer, tenir encore dans la fragilité, la précarité de la foi qui ne dit pas tout. Mais désormais, tout est différent pour les disciples. Comme Abraham autrefois, ils ont vécu une expérience de Dieu; non pas de Dieu en lui-même, mais de Dieu pour eux, avec eux. Expérience de Dieu qui arrête le bras de la mort pour forcer le regard vers la vie qu’il veut et qu’ail aime.

Et nous en tout cela? Si souvent, en nos temps difficiles, en nos peines personnelles, nos pertes, nos manques, nos besoins, nous sommes comme Abraham, comme les disciples. Comme Abraham confronté à la manière d’agir, du laisser faire apparent de Yahvé. Comme les disciples qui viennent d’entendre l’annonce de la mort du compagnon de route, l’annonce de la fin possible d’une aventure qui faisait la vie, qui donnait goût et couleur aux jours. Comme eux, nous avons besoin, non pas tant d’être réconfortés, mais d’être rappelés à la pleine réalité des choses et des événements, à la pleine réalité de qui nous sommes vraiment, bien au-delà de ce que l’on veut voir en nous, de ce que l’on veut faire de nous. Pour nous aussi une expérience de Dieu est possible. De Dieu pour nous, avec nous. Une expérience qui se vit dans le silence de la prière, de la réflexion. Qui se vit tellement dans le partage. Partage dans l’attention aux difficultés et bonheurs des autres autour de nous. L’attention des autres pour nous en nos difficultés et bonheurs. Une expérience qui se vit dans des rassemblements comme le nôtre ce matin : le chant partagé, la parole partagée, le pain partagé.

Une expérience qui tourne notre regard vers les duretés de ce monde, pas seulement pour en dire la tristesse ou s’en désoler, mais pour nous rappeler que nous avons des bras et des mains pour entrer dans le combat vers un monde plus humain.

Une expérience qui tient beaucoup de la foi et de l’espérance qui ne disent pas tout, ne sont pas comme une assurance contre tous les risques. Qui demeurent fragiles et précaires. Mais qui changent la vie. Qui dévoilent la vie au-delà de toutes les morts.

Une transfiguration pour Jésus, pour les disciples. Et pour nous, une lumière qui traverse les nuées et fait reculer toutes les obscurités. Nous savons maintenant, à cause de lui, qu’il n’y a pas que l’obscurité. Que la lumière dépend aussi de nous.

 


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