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20e dimanche du temps ordinaire

17 août 2008

Jean-Claude Breton

Jean-Claude Breton

Isaïe 56, 1, 6-7

Matthieu 15, 21-28

La cananéenne présente dans l’évangile de ce matin suggère plusieurs pistes de réflexion : la grandeur de sa foi, son influence sur la position de Jésus à l’égard des étrangers et la possession du démon. Mais on oublie souvent un autre aspect sur lequel son cas jette une lumière éclairante : la prière et plus particulièrement la prière de demande.

Avant d’écouter ce que l’exemple de la cananéenne peut avoir d’éclairant, essayons de situer la question ou les questions qui se posent souvent au sujet de la prière de demande. Disons tout de suite qu’une partie de ces questions vient des explications fournies par les évangélistes, et qui ne sont pas toujours très éclairantes. Bien sûr, il y a unanimité dans les évangiles sur la nécessité de la prière, telle qu’illustrée par l’exemple de Jésus qui priait d’autant plus que sa mission devenait compliquée et exigeante. Mais sur d’autres points, le message est moins unanime. D’une part, on dit qu’il faut demander et que si on le fait sans hésitation, on sera entendu (Mc 11,23). La femme qui harcèle le juge de ses demandes est un bon exemple de cette position. Par ailleurs, on nous dit aussi de ne pas rabâcher comme font les païens (Mt 6,7) parce que nous prions notre Père qui sait déjà ce dont nous avons besoin.

En d’autres mots, nous nous retrouvons devant la situation suivante. Invités à prier pour trouver réponse à nos besoins et en même temps à être discrets parce que Dieu connaît déjà nos besoins. Alors vous me direz peut-être, comme il m’est arrivé de le dire et de l’écrire, que nous ne prions pas d’abord pour changer Dieu, mais pour nous changer nous-mêmes, pour nous accorder à sa volonté. Mais cela non plus n’est pas complètement satisfaisant. Pourquoi la pratique présente dans les évangiles et encouragée par l’Église de formuler des prières de demande aurait-elle du sens, si Dieu n’a pas besoin de nos demandes pour s’occuper de nous? Essayons de voir ce que la démarche de la cananéenne peut nous aider à comprendre.

Si on résume rapidement la démarche de la cananéenne, on voit les étapes suivantes. D’abord, elle crie son besoin : « Aie pitié de moi… ma fille est possédée. » Et l’évangile de dire qu’elle ne reçoit pas un mot de réponse à ce cri. Les disciples conseillent à Jésus de la renvoyer et il semble être sur le point de la faire quand il lui sert son argument : « Je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël. » Alors la cananéenne lui répond par son argument décisif, avec la comparaison des chiens qui mangent les miettes tombées de la table. Dans un raccourci typiquement évangélique, Jésus est « converti », transformé par cet argument; il loue la foi, grande, de cette femme. Le récit se termine, et c’est important, par  « et sa fille fut guérie dès cette heure là. » C'est-à-dire que la prière, formulée dans un cri et soutenue par une argumentation, a été exaucée.

Que s’est-il passé dans cet épisode qui pourrait nous aider à mieux comprendre la réalité de la prière? Je vais essayer de prendre en compte le plus d’éléments possibles, sans prétendre tout dire.

Premièrement, la prière est une démarche où l’on exprime et approfondit ses besoins, ses attentes. Déjà quand le récit commence, la cananéenne est rendue à crier sa demande; on peut imaginer qu’elle y pensait depuis longtemps et c’est sans doute pour cela qu’elle ne s’est pas rendue devant la rebuffade de Jésus, comme Abraham négociera pour sauver le moindre juste de Sodome et Gomorrhe (Gn 18). Elle aussi aura le courage d’argumenter pour que sa demande soit entendue, pour que son besoin soit satisfait.

Deuxièmement, la négociation se déroule dans un contexte de relation personnelle et non pas dans celui de la réclamation d’un droit. En évoquant les petits chiens, la cananéenne veut toucher le cœur de Jésus; ce n’est pas la démarche menée au comptoir des réclamations où on demande un échange ou un remboursement. Dans la prière, on demande avec insistance, mais en sachant que si on reçoit une réponse, elle sera gratuite, sans obligations.

Troisièmement, la cananéenne n’a pas cherché à changer Jésus. Bien sûr, on peut croire qu’elle lui a fait voir un côté d’elle qu’il aurait spontanément négligé, mais elle ne cherchait pas à le changer. Car elle n’avait pas besoin de le faire. Jésus, comme son Père, n’a pas besoin de se transformer pour s’occuper de nous; c’est sa mission, sa raison d’être. S’il serait déplacé et impoli d’exiger un miracle, il est tout à fait convenable d’exprimer un besoin qui semble important, puisque notre foi chrétienne nous enseigne que Jésus est venu pour nous au nom de son Père. Nos demandes sont aussi l’expression de notre désir de collaborer, à la mesure de nos forces, à leurs satisfactions. En ce sens, nos demandes ne sont pas « du tordage de bras » ni du chantage pour changer la volonté de Dieu. Nos demandes sont une recherche d’harmonisation entre les besoins ressentis et notre foi en la bienveillance de Dieu à notre égard.

Quatrièmement, le récit se termine sobrement en disant que sa fille fut guérie. Est-ce qu’on doit comprendre que cette guérison répondait au diagnostic de la possession du démon? Probablement qu’il y avait quelque chose de cela dans la tête de l’évangéliste rédacteur. Pour ma part, je suis bien content qu’il soit demeuré sobre dans l’expression : la fille fut guérie et cette formule ouverte dans son imprécision me convainc de la pertinence de la prière. On reçoit une réponse, sans doute si on a la foi d’insister et la droiture de demander ce qui nous semble vraiment nécessaire. Pour le reste, il ne faut pas fatiguer notre imagination à identifier les réponses éventuelles.

Au-delà de ces détails qu’il serait sans doute possible de mieux formuler, on peut retenir de l’exemple de la cananéenne que la prière a sa place dans notre relation avec Dieu, à condition justement qu’il s’agisse d’une relation de gratuité et d’amour et non pas d’une transaction où on viendrait négocier les mérites accumulés. La prière a du sens dans la mesure où elle contribue à établir toujours plus de vérité dans nos rapports avec Dieu notre Père et pas d’abord en raison des résultats qu’elle permettrait d’atteindre. La prière est féconde parce qu’elle est le lieu d’intériorisation de notre relation à Dieu. C’est pour toutes ces raisons que nos eucharisties sont aussi prières et prière de demandes. C’est pour toutes ces raisons que nos eucharisties prières construisent la communauté.


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