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3e dimanche de Pâques 2008

6 avril 2008

De la déception à la reconnaissance

Guy Lapointe

Guy Lapointe

Luc 24, 13-35

« Deux hommes sur une route, deux hommes qui marchent… Ils sont nos frères de panique et de chagrin ».

Nous avons pris tout le temps nécessaire pour réécouter ce récit d’Emmaüs. Histoire de nous mettre en route, nous aussi, pour tenter de mieux saisir le sens et la portée de ce récit. D’ailleurs, on n’aura donc jamais fini de réécouter avec plaisir ce passage d’évangile! Je ne sais pas si je saurai vous en parler comme il faut. Combien de fois n’ai-je pas dit à mes étudiants en théologie, lorsque je me servais de ce récit pour faire comprendre le sens de l’eucharistie chrétienne, que nous n’aurions conservé que cette page et que le cœur, l’essentiel de l’Évangile nous serait offert. Tout l’itinéraire de vie de Jésus et des disciples s’y retrouve. Qu’en diraient les exégètes?

Cela dit, les récits d’apparition du ressuscité comptent parmi les plus beaux passages en même temps qu’ils sont les plus difficiles à interpréter. Les évangélistes ne vivent pas dans la même culture que nous. Ce ne sont pas des reportages. Ils ne racontent pas à partir de faits bruts. Ces récits construits, pour une large part, ont pour fonction principale de montrer que Jésus ressuscité est maintenant autre. Il n’est pas revenu à sa vie antérieure, comme un mort réanimé, mais il est entré dans une vie nouvelle qui en fait désormais le « Vivant ». Un monde d’une vie totale - j’en envie de dire « éternelle » - nous est offert et ouvert.

Les disciples d’Emmaüs. Deux hommes à l’espoir fortement déçu. Il nous arrive à tous de vivre des déceptions de toutes sortes. Que reste-t-il lorsqu’on enlève ce qui fait le ressort de la vie? Est-ce qu’ils ne se sont pas fait avoir, dirions-nous en nos mots? Y a-t-il quelque chose de plus sombre lorsqu’on entend quelqu’un nous dire ou bien que nous nous disons nous –mêmes: j’espérais mais, je n’espère plus. Y a-t-il plus difficile de rencontre quelqu’un qui nous parle de l’espérance au passé? Nous comprenons les disciples d’Emmaüs, nous nous comprenons…Ces deux hommes en chemin parlent de l’espérance au passé. Quelle déception! Pour eux, l’avenir est bloqué. Dans leurs déceptions, ils font l’expérience d’une rencontre interpersonnelle avec un inconnu, un étranger. Au fur et à mesure de la conversation, ils se rendent compte qu’ils attendaient un messie puissant. « Leurs yeux s’ouvrirent ». L’inconnu se révèle. Jésus est présent comme un bon compagnon de route. Tous trois, ils se mettent ensemble pour tenter de comprendre ce qui s’est passé, pour dépasser leurs déceptions, pour relire les événements. Il ne faut jamais s’enfermer dans ses déceptions. On a toujours besoin d’un autre. Jésus aide les deux hommes à croire qu’au bout de la route, il y a de la lumière, du soleil. Cela n’est pas naïf, cela fait partie de la vie. Il ouvre la vie, la sienne, la nôtre à une autre dimension. Ce Jésus vivant, ressuscité, est capable de dire aux disciples : « C’est bien moi! » Ils ont une humanité à inventer, encore un bout de chemin à faire, un effort, un rêve. « Jésus fit semblant d’aller plus loin » nous dit l’évangéliste Luc. Quel beau clin deuil pour signifier aux disciples qu’ils pourraient peut-être déjà poursuivre seuls leur route…

Ce qu’ils découvriront, c’est que, dans le geste du partage du pain et de la coupe, ils reviennent à des expériences premières. C’est là que l’espérance peut renaître. C’est là qu’ils le reconnurent vraiment. Revenir aux gestes simples de la vie, se reconnaître. C’est désormais dans la fraction du pain, dans le pain brisé que Jésus ressuscité est présent. Il le sera ainsi dans tous les moments de partage de la vie. Partout où le pain se partage, il est Vivant. Partout où les déprimés, sur les routes d’Emmaüs, trouvent une oreille qui va le aider à sortir de leurs désespérances, le Vivant est là. Et c’est pour nous le rappeler que nous nous rassemblons pour faire l’eucharistie, chaque dimanche.

Ils sont nombreux aujourd’hui, chez nous et ailleurs dans le monde, à ne plus trouver, comme les disciples d’Emmaüs, que leur espérance est nourrie et réveillée dans les lieux d’Église. Ils sont nombreux à penser, aujourd’hui et dans nos milieux, qu’il n’y a plus rien à espérer de ces lieux, de ces assemblées liturgiques où Jésus semble mort. Ils prennent leurs distances…. Les assemblées chrétiennes devraient plutôt être des moments pour les aider, même avec de lourdes déceptions, à faire un bout de chemin. Quand les assemblées se vident, c’est souvent parce qu’on n’y a trouvé ni la fraternité, ni la mise en commun, ni les espaces liturgiques signifiants, libres et capables de mettre de l’intelligence dans les rituels à accomplir, et partant dans l’action marquée par la foi.

Jésus a senti que les disciples sur le chemin d’Emmaüs avaient besoin d’être rejoints. Plusieurs aujourd’hui sentent aussi ce besoin d’être rejoints. À nous tous de nous remettre, comme on le fait ce midi, sur le chemin d’Emmaüs et de redécouvrir que l’Évangile est la bonne nouvelle d’un Vivant et que cette vie n’est pas que dans la proclamation, mais aussi dans le fait de reconnaître un appel à la vie dans le geste du partage du pain et du vin en mémoire de Lui. Oui, il est vivant. Oui l’humanité est toujours à inventer. À nous d’y participer en mémoire du monde, en mémoire de Lui.


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